Cave de Lugny
Se forger une image de marque

Publié par Cédric Michelin
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Le 22 mars à Saint-Gengoux-de-Scissé, la cave de Lugny a dévoilé une partie de ses projets pour les années à venir. La montée en gamme est confirmée et va même au delà. D’un marketing "opérationnel", la coopérative entend aujourd’hui se construire une identité de marque(s), en commençant avec ses crémants. Suite à un séminaire, mêlant élus et administratifs, sa stratégie future est définie et planifiée. De nouveaux objectifs sont donc fixés et à atteindre.
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Après deux exercices - en 2012 et 2013 - fleurtant avec les 100.000 hectolitres (hl) de vins sortis, l’exercice 2014 pourrait presque paraître comme un inquiétant recul, si cela n’était pas remis en perspective avec les capacités de production annuelle de la cave de Lugny et les faibles récoltes - en volumes - subies par tous. « On recommence à produire plus que l’on vend », résumait le directeur, Edouard Cassanet. En 2016, la coopérative prévoit à nouveau de dépasser les 80.000 hl de vins sortant de ses chais. Mais avec un changement de taille : « avec des niveaux de prix supérieurs », se réjouissait-il.
Ainsi revenant sur l’exercice 2015 lors de l’assemblée générale du 22 mars, 69.538 hl de vins ont été vendus en 2015 contre 81.129 hl en 2014. Cette baisse en volume ne se traduit cependant pas en chiffre d’affaires, lequel reste proche des 30 millions d’€ (-1.548 k€/exercice 2014). Sans oublier, la reconstitution de stocks revalorisés « d’environ 5 millions d’€ ». Les stocks (63.872 hl au total) étaient composés à 80 % du millésime 2014.
Au final, en incluant les VCI « ressortis », la coopérative a réglé à ses adhérents l'équivalent de 87.883 hl. En entrant dans le détail de l’évolution des règlements des quatre cépages - « qui vont tous dans le bon sens » - le gamay connaît néanmoins « un avenir plus difficile » que les chardonnay, aligoté et pinot, lequel a, quant à lui, connu une « légère baisse en 2014 après de fortes hausses » les deux années précédentes.

Montée en gamme de tous


A l’image des coopérateurs qui ont dû faire le dos rond avec les petites récoltes de 2012 et 2013, la cave a su maîtriser ses charges de fonctionnement et peut désormais à nouveau réinvestir dans des projets « ambitieux » (2 millions d’€), en profitant aussi des aides de FranceAgriMer.
Pour le président de la cave, Marc Sangoy, avec des volumes retrouvés et surtout valorisés, « la situation est plus saine ». Il précisait ce sentiment : « nous avons assis nos tarifs et réussis à ancrer les prix chez nos clients. Pas d’inquiétude non plus sur le marché vrac ». En revanche, alors que le conseil d’administration a renouvelé à la quasi unanimité (99 %) l’obligation de l’apport total de récolte pour adhérer à la coopérative, Marc Sangoy s’inquiétait des « ventes sous pressoir » et de « l’atomisation du marché vrac » qui s’amplifient. Devant le président de l’Union des vins Mâcon (UPVM), Jérôme Chevalier, il réaffirmait la volonté interprofessionnelle - et celle de la cave de Lugny - de monter en gamme les AOC régionales. Il en appelait donc à la « responsabilité » de chacun.
Un moyen habile pour souligner que la coopérative entend rester « une référence en Bourgogne » qui « attire » les nouvelles générations, avec des aides à l’installation et même former certains à devenir des élus, en lien avec la Fédération des caves coopératives Bourgogne Jura.

De « nouveaux joyaux » bio ?


Car la coopérative évolue. « Sans révolutionner » ses marchés vrac, export ou GD (Grande distribution), la cave de Lugny souhaite « retravailler » le circuit traditionnel en France, les ventes sur le web et la vente directe avec bientôt un nouveau magasin « étendard ». Au cœur du Mâconnais, elle s’appuiera plus que jamais sur ses « deux piliers », les AOC mâcon et les crémants et espère demain voir reconnue l’appellation communale Lugny.
« Nous avons pu offrir deux nouvelles cuvées haut de gamme et ce n’est pas fini avec de nouveaux joyaux à venir », rajoutait Mars Sangoy qui expliquait simplement pourquoi une nouvelle stratégie se met en place : « c’est dans notre notoriété que nous devons maintenant investir. Les "premium" sont certes des marchés de niche, mais ce sont de formidable produits d’appel. C’est comme cela que fonctionne la Bourgogne. Voilà notre feuille de route ». Justifiant par là-même la démarche du label VDD, pour Vignerons en développement durable. Et la cave ne s’interdit rien. En réflexion même, des « vins bio, en biodynamie ou des vins nature ou dits à "fort caractère" », lançait Marc Sangoy qui invitait tous les producteurs intéressés à venir le 19 avril à une réunion sur le sujet à Lugny. « Le risque économique pour une exploitation individuelle est énorme. Cette prise de risque peut être limitée via la coopérative », motivait-il.

Quatre chantiers planifiés


Cette stratégie à long terme repose sur plusieurs constats. « La revalorisation seule - argumentée sur de faibles récoltes - n’est pas suffisante », analysait Edouard Cassanet. Deux objectifs seront donc poursuivis : une « valorisation pérenne » et une « image forte, positive, pour être un référent fort » en Bourgogne. Quatre chantiers sont d’ores-et-déjà planifiés. Le premier consiste à structurer la démarche marketing pour « passer d’un marketing opérationnel à un marketing permettant de pérenniser la montée en gamme, sur toutes les cuvées et marques », expliquait la responsable, Marjorie Brayer. Les premiers à en bénéficier seront les crémants de Bourgogne de la cave « car le marché des effervescents est un peu moins vaste et permettra de nous familiariser avec les données pour se positionner et évaluer les forces et les faiblesses de la cave mais aussi de la concurrence ». Un choix porteur de sens puisque le marché des effervescents a progressé de +30 %, « loin donc d’être une mode », contre “seulement” +7 % dans le même temps pour celui des vins tranquilles.
Des cuvées “spécifiques” devraient ensuite en profiter. La responsable Qualité, Sabine Bombrun, a engagé - depuis trois ans - le zonage des lieudits - dans le périmètre de la cave - « pour leurs reconnaissances et l’amélioration qualitative de ces zones » et exploiter pleinement la richesse des terroirs qui plaisent tant aux clients bourguignons.

Le règne des marques


Le directeur technique, Henri Berrocal sait qu’il va devoir adapter « l’outil » en conséquence, ce qu'il a déjà commencé à faire avec la rénovation complète de la cuverie, rebaptisée pour l'occasion “des Florières”, nom de la parcelle jouxtant le siège à Lugny. Celle-ci - d’une capacité de 14.455 hl - est orientée vers une meilleure gestion de la qualité (cuves de 280 et 315 hl inertées, production autonome d’azote, isolation du bâtiment, gestion des effluents…). Le bâtiment devrait être prêt à réceptionner les prochaines vendanges.
Le premier signe visible d’un changement beaucoup plus profond en réalité. « La cave de Lugny n’est pas vraiment une marque. Or, le monde des effervescents est le règne des marques », insistait son directeur. La coopérative entend donc consolider son ancrage territorial, en portant les appellations créées par les vignerons, et ainsi se forger une image de marque, le tout, bien évidemment, avec des vins de qualité. Et surtout beaucoup de travail en perspective…