Parcelles de pâturage
Gérer la ronce

En février, une journée d’échanges sur la gestion des prairies par le pâturage dans des conditions difficiles de pentes et d’embroussaillement avait lieu dans le Rhône. Retour sur les enseignements…
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Qui n’a pas eu des ronciers dans certaines de ses parcelles inaccessibles au fauchage… Des parcelles que, peu à peu, on néglige et qui finissent par sortir du plan de pâturage et qui sera gagné par la friche.
Parce que ces parcelles ne sont pas perdues pour le pâturage, la chambre d’agriculture du Rhône organisait l’hiver dernier une formation sur la valorisation des prairies et de leurs qualités environnementales, en lien avec le Conservatoire des espaces naturels Rhône-Alpes. Avec, à la clef, des enseignements qui méritent d’être partagés.

Une lutte difficile


La ronce possède quatre moyens de reproduction qu’il est nécessaire de connaître pour pouvoir la maîtriser. Étant une plante à fleurs, la ronce réalise la reproduction sexuée en produisant des graines. Celles-ci, une fois tombées au sol, pourront dans de bonnes conditions de germination donner des futurs arbrisseaux. Mais ce sont les moyens de reproduction asexués qui sont le plus efficaces grâce :
- au marcottage : les nouvelles tiges de l’année, s’élancent à la périphérie du bosquet de ronce et viennent se planter dans le sol. A partir de cet emplacement, se développent de nouvelles racines formant un pied de ronce, qui deviendra autonome l’année suivante ;
- aux bourgeons racinaires : l’extrémité des racines a la capacité de donner naissance à un nouveau pied de ronce qui donnera à son tour de nouvelles racines ;
- au bouturage : des fragments de ronce légèrement enterrés dans le sol, suite à un broyage par exemple, peuvent donner à leur tour un nouveau pied.
Pour information : le volume des racines d’un tapis de ronce est aussi important que le volume de la partie aérienne.
En plus de ces modes de reproduction, la ronce possède d’importantes ressources racinaires. Les feuilles réalisent de la photosynthèse toute l’année. Ainsi, durant tout l’hiver, emmagasinent-elles suffisamment de réserves dans leurs racines et dans leurs tiges pour être capables de réaliser une forte croissance lors de la pousse printanière. Ainsi, un broyage hivernal aura-t-il tendance à dynamiser la plante au printemps qui cherchera à équilibrer le volume aérien et le volume racinaire…

Lutte chimique, mécanique ou…


Il est important de rappeler que pour tuer la plante il faut épuiser complètement ses réserves.
Les interventions chimiques et mécaniques sur les tapis de ronces requièrent un investissement en temps et en argent considérable avant d’épuiser totalement les réserves de la plante. Plusieurs passages par an sont en effet nécessaires.
Le pâturage et la fauche sont beaucoup plus avantageux : ils assurent à moindre coût une lutte efficace et durable contre la ronce tout en tirant parti du potentiel fourrager de la parcelle. La ronce consommée sur la parcelle ou dans le foin a en effet une bonne valeur nutritive. Cela demande toutefois un effort plus important en début de lutte (changement des habitudes de travail et des habitudes du troupeau), mais qui sera durable dans le temps.
Toutefois, la fauche et le broyage combinés au pâturage, peuvent présenter un intérêt en appuyant celui-ci.

Par étape…


Pour commencer la lutte, il faut tout d’abord repenser le pâturage : si la ronce s’installe, c’est très probablement que le pâturage est insuffisant. Il ne faut pas non plus oublier la qualité des parcelles qui ont été abandonnées suite à l’invasion progressive de la ronce, et bien les réintégrer dans la conduite de la rotation de pâturage. Même envahies, les parcelles gardent un potentiel fourrager intéressant (jusqu’à un certain stade). Ensuite, il est nécessaire de :
 préciser la période de pâturage : c’est lorsque les tiges commencent à s’allonger qu’elles sont les plus appétentes possible, mais aussi les plus sensibles. Elles doivent donc être consommées lorsqu’elles font entre 10 à 20 cm et qu’elles ne sont pas encore lignifiées (pendant qu’elles sont encore vertes avant qu’elles ne fassent du "bois"). Après cela, elles deviennent trop dures et les épines empêchent leur consommation. Il n’y a pas de date fixe pour la mise au pâturage dans cet objectif. Une observation de la parcelle en début de saison est donc indispensable.
 prévoir de re-pâturer la parcelle à chaque fois que les tiges atteignent cette longueur. Ainsi, les réserves racinaires n’ont pas le temps de se refaire puisque l’appareil végétatif est constamment détruit. Ces réserves vont donc rapidement s’épuiser. En deux ou trois ans, en suivant cette gestion de conduite de la pâture, la ronce pourra être enlevée de la parcelle.
Il ne faut pas hésiter à faire du pâturage intensif sur une courte période : en sous pâturage, les ruminants ont tendance à suivre leurs préférences et à ne consommer que les plantes les plus appétentes sur la parcelle. Pour un faible chargement en UGB, le seuil de préférence par animal va être élevé. A l’inverse, si le chargement instantané est augmenté par l’éleveur, le seuil de préférence par animal va fortement diminuer, et toutes les plantes présentes sur la parcelle auront une appétence similaire et seront consommées. Instinctivement la concurrence entre les bêtes les oblige à élargir leur choix quant aux espèces consommées. C’est en ajustant le chargement instantané, que l’on peut amener le lot à consommer les ronces sans le forcer.
Pour information, un fort chargement instantané sur une courte durée ne sera pas forcément un facteur de piétinement de la prairie : il aura autant d’impact qu’un chargement moins lourd, mais plus long, d’autant que les bêtes se déplacent moins dans ces cas-là.
Enfin, une fois seulement que les effets de la conduite et du chargement instantané ont été observés : consommation homogène de l’herbe de la parcelle, pâturage qui vient butter sur les massifs, consommation des feuilles et des jeunes pousses de ronce, on peut envisager d’utiliser le débroussaillage en complément du pâturage.
Le broyage ou débroussaillage doit être fait quelques temps avant la mise à l’herbe. Il est alors possible de limiter au maximum, voire d’éliminer, cette plante envahissante de la parcelle pour plusieurs années. L’effet sera définitif tant que la parcelle sera dans un plan de rotation pour le pâturage.
Pour information, il ne faut pas hésiter à mettre la pierre à sel dans les massifs pour commencer à les affaiblir par le piétinement…

En trois à quatre ans


Pour conclure, une parcelle de pâture envahie par la ronce n’est pas perdue et un travail sur trois ou quatre ans suffit pour la nettoyer. La lutte contre cette plante commence tout d’abord par accepter que, malgré la ronce, la parcelle concernée a toujours une utilité et doit rentrer dans la conduite des parcelles à la pâture. Ensuite, elle passe par l’éducation des animaux grâce au chargement instantané. Une fois "éduqués", les animaux s’attaqueront plus naturellement à cette ressource riche nutritionnellement parlant (riche en azote, en sucre soluble).



Quelques idées reçues…


Pour lutter contre la ronce, il est nécessaire de réviser certaines idées reçues !

1) Il n’y a pas que les chèvres qui peuvent consommer la ronce, mais les ovins et bovins aussi. En consommant les tapis de ronces, les animaux ne perdront pas forcément de poids si la gestion de la pâture est bien faite.

2) Une parcelle qui commence à être recouverte par les ronces n’est pas encore perdue, il faut continuer à la mettre dans le système de rotation des pâtures.

3) Enfin, la ronce n’est pas pauvre nutritionnellement parlant. Ses feuilles sont très peu fibreuses et sont très riches en sucres solubles. Même si l’accès à cet aliment est plus compliqué, les animaux prendront tout de même le temps qu’il faudra pour accéder à cette ressource.








La méthode décrite ici est tout à fait applicable pour des brebis qui auront même moins de mal encore à s’attaquer à ce type de plantes que les bovins.