Marché de la viande bovine
Gare à l’effet de ricochet !

La crise laitière provoque un afflux de vaches de réforme dans les abattoirs, accéléré par la décision de Bruxelles d’un soutien financier aux éleveurs laitiers qui souhaitent diminuer leur production. Le marché de la viande bovine risque à son tour de se retrouver en grave difficulté par effet de ricochet.
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« Les réformes laitières s’accélèrent dans tous les pays membres de l’Union européenne, y compris en Irlande », met en garde l’Institut de l’élevage (Idele), dans "Tendances lait et viande" daté de juillet. En Allemagne, sur les vingt-six premières semaines de l’année 2016, le nombre de vaches abattues a augmenté de +17 % par rapport à 2015. Le constat est le même pour les génisses (+15 %). En Pologne, le nombre de vaches abattues, sur les cinq premiers mois de l’année, progressait de +12 % par rapport à 2015 et de +27 % par rapport à 2014. Quant aux génisses, là encore, les chiffres sont éloquents : +9 % par rapport à 2015 et +26 % par rapport à 2016. En Irlande, au second semestre, les abattages de vaches ont « subitement rebondi » de +11 % par rapport à 2015, alors qu’ils étaient en retrait au premier semestre (-6 % par rapport à 2015), note l’Idele. Quant à la France, « après une hausse de +15 % par rapport à 2015 en mai, les abattages de vaches laitières ont progressé de +7 % en juin », selon l’Idele. De plus, les jeunes femelles restent nombreuses dans les exploitations, ce qui laisse supposer un rythme soutenu de réformes dans les exploitations laitières dans les prochains mois…

Pas une bonne nouvelle…


Beaucoup de vaches laitières donc, déjà présentes sur le marché de la viande, ce qui a tendance à accentuer la pression sur les cours. D’après l’Idele, « les prix des vaches continuent de fléchir » et de citer : vache R :-8 % en juin ; vache O :-13 % et vache P : -13 %.
Du côté des vaches allaitantes - dont nombre avaient été conservées sur les exploitations en attendant de connaître le niveau de référence de l’aide au bovin allaitant (ABA) avec la nouvelle Pac -, elles arrivent également par vague à l’abattoir. « La fin du cycle de capitalisation se confirme », observe l’Idele qui constate que « les réformes allaitantes devraient ainsi rester durablement nombreuses ».
Au vu de ces éléments, il est fort probable que les prix des vaches diminuent encore. Alors, dans ce contexte, l’annonce de Bruxelles d’apporter un soutien financier de 500 millions d’€ pour, entre autres, aider à la diminution de la production laitière européenne (lire notre édition du 22 juillet en page 5), « n’est pas une bonne nouvelle pour le marché de la viande bovine », observe Fabien Champion, chef de projet conjoncture viande bovine à l’Idele.

Décapitalisation dans les élevages


Les éleveurs laitiers diminueront leur production, soit en diminuant la productivité de leurs vaches (ration alimentaire moins riche), soit en diminuant leur nombre de vaches. Le marché des vaches risque-t-il ainsi de s’alourdir encore plus, avec une répercussion sur le marché des jeunes bovins…
« L’enveloppe financière pourra amener à accélérer le processus de décapitalisation dans la filière laitière », continue Fabien Champion. Reste que la Commission européenne a également alloué une enveloppe financière pour soutenir d’autres productions en difficulté, dont la filière viande bovine. « On ne sait pas à quel point la filière viande bovine pourra en bénéficier », estime Fabien Champion.
Comme l’enveloppe est ouverte à toutes les productions, il n’est pas exclu que d’autres secteurs en difficulté cette année, du fait de la météo, fassent également des demandes de soutien financier. On pense aux secteurs des grandes cultures, mais aussi aux secteurs des fruits et légumes…
Par contre, « l’offre pléthorique en viande de femelles permet à certains circuits de distribution, notamment les grandes et moyennes surfaces et la restauration scolaire, de poursuivre la renationalisation de leurs approvisionnements », analyse l’Idele. De plus, les achats de viande piécée ont progressé de +2,5 % entre fin mai et début de juin, selon l’Idele. Seule bonne nouvelle pour les éleveurs allaitants…




Aide de l’Union européenne
Gare au « saupoudrage » !


« Les éleveurs ne supporteront plus aucune mesure de saupoudrage », a averti la Fédération nationale bovine (FNB), le 19 juillet, au lendemain de l’annonce de Bruxelles d’une aide de 500 M€ applicable aux filières d’élevage, notamment laitière. Les éleveurs demandent ainsi une utilisation de l’enveloppe pour obtenir « un redressement rapide des cours pour les producteurs ». Et à ce titre, « la régulation et la structuration qualitative du marché de la viande bovine sont des priorités », poursuit la FNB, qui affirme être à même de « faire des propositions » dans ce sens au ministre de l’Agriculture.
Pour la FNB, « il y a urgence, sans quoi, les défaillances financières des producteurs de viande bovine éclateront fatalement au grand jour à la rentrée de septembre ».