Elections européennes
« Il nous faut plus et mieux d’Europe »

Publié par Cédric Michelin
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A la veille des élections européennes, Henri Brichart reste confiant dans l’Europe. Même s’il souhaite que son fonctionnement s’améliore, qu’elle donne plus de visibilité aux citoyens et qu’elle s’intéresse davantage aux grands dossiers plutôt qu’aux points de détail. Interview d’Henri Brichart, vice-président de la FNSEA en charge des questions européennes.
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Pourquoi les agriculteurs qui ont bénéficié et qui bénéficient toujours de la Pac sont ils gagnés par un certain scepticisme ?

Henri Brichart : Sont-ils vraiment sceptiques ? Ils ont surtout envie d’une Europe qui leur convienne mieux. Ils ne reprochent pas à l’Europe sa Pac, ils en sont même reconnaissants, mais tout ce qu’elle a de tatillon, de règlements de détail. Je fais miens les propos de Jean-Claude Junker, l’un des candidats à la présidence de la prochaine Commission européenne qui a déclaré dans une interview qu’il avait envie d’une Europe qui s’occupe des grands dossiers et non des pommeaux de douche. Les agriculteurs sont également des citoyens et je crois qu’ils ont besoin de plus de visibilité sur l’action de l’Europe surtout dans la période d’instabilité dans laquelle nous vivons.

Est-ce que les organisations professionnelles agricoles n’ont pas une part de responsabilité dans cette attitude de doute ?

HB : Tout le monde a sa part de responsabilité. Je ne cache pas qu’il a pu nous arriver de renvoyer la responsabilité de ce qui ne va pas sur Bruxelles. Mais notre responsabilité est moindre que celle des politiques. Il faut faire attention de ne pas faire de l’Europe un bouc émissaire, même si tout ne fonctionne pas parfaitement. D’ailleurs Bruxelles, ça ne veut rien dire. Les décisions qui sont prises le sont par les chefs d’Etat et de Gouvernement, les ministres, les parlementaires des différents Etats. Et je dois le reconnaître, la Commission a quelquefois bon dos. Même si les commissaires européens ont également une part de responsabilité en déléguant trop de pouvoirs à leur administration. Au final, nous devons être attentifs à ne pas rendre les agriculteurs eurosceptiques.


Rôle positif sur la Pac




Le Parlement européen qui est désormais co-décisionnaire avec le Conseil des ministres a-t-il eu un rôle positif dans la nouvelle Pac qui se met en place ?

HB : Incontestablement oui. La proposition initiale de la réforme de la Pac est venue de la Commission qui est d’ailleurs dans son rôle. Après de nombreux débats avec les ministres et les parlementaires européens nous avons pu faire partager l’idée que l’aide à l’hectare généralisée n’était pas la meilleure solution. Grâce à l’appui des parlementaires, nous avons pu maintenir et renforcer le couplage des aides. Idem sur l’organisation commune des marchés, des progrès ont été réalisés grâce au Parlement sur les outils d’intervention et de stockage, la capacité des agriculteurs à s’organiser à travers les interprofessions, les organisations de producteurs. Et pour ne citer que l’exemple le plus récent, l’amélioration du verdissement a été acquise à travers les actes délégués grâce à la fermeté du Parlement dans le bras de fer qu’il a engagé avec la Commission européenne. Je me dois de saluer, ici, le travail de Michel Dantin qui a été à l’origine de nombreuses améliorations.

Alors qu’une réflexion s’engage d’ores et déjà sur la prochaine Pac à l’horizon 2020, qu’attendez-vous de l’Europe et du Parlement européen ?

HB : Nous faisons le constat à la FNSEA que nous sommes entrés dans un régime de volatilité structurelle des prix. La prochaine Pac doit être en capacité de proposer des outils pour mieux gérer cette volatilité et donc les aléas climatiques, sanitaires et économiques. Il nous appartiendra de convaincre le nouveau Parlement d’aller dans ce sens pour maintenir non seulement les régimes d’intervention et de stockage mais de mettre en place des mécanismes assurantiels efficaces de façon à ce que la Pac réponde à cette nouvelle donne. La réflexion a déjà démarré en France, notamment à l’occasion du congrès de la FNSEA à Biarritz. Et sur ce sujet les Etats-Unis nous ont déjà précédé en la matière dans leur Farm Bill.


Gommer les distorsions de concurrence



Et sur les questions environnementales, les normes, la politique sociale, les normes, les négociations transatlantiques… ?

HB : Le Parlement européen est devenu décideur sur la plupart de ces sujets. Notre priorité à la FNSEA est d’éviter les distorsions de concurrence entre Etats dans le cadre du marché unique. Ce qui nous importe c’est d’avoir les mêmes règles que les autres pays européens. Nous espérons faire partager cette orientation aux futurs parlementaires. Souvent les discussions entre les chefs d’Etat et de gouvernement sont compliquées, celles des ministres entre eux aussi. Chacun défend ses propres intérêts. A mon avis, le Parlement européen est plus à même que le Conseil européen et les ministres de veiller à la cohérence des politiques mises en œuvre.

Si vous aviez un bref message à délivrer aux agriculteurs, quel serait-il ?


HB : L’Europe est une chance et ce n’est pas la mère de tous nos maux. J’encourage les agriculteurs à voter pour plus et mieux d’Europe. Car il faut bien avoir conscience que nous serions en situation plus défavorable sans Europe. Regardons tous les peuples qui sont autour de nous et qui envient cette zone de paix, de justice, d’égalité et de bien-être que nous avons créée. Ce qui ne veut pas dire que tout est parfait et que nous ne devons pas progresser.