Marchés de gros
Offrir aux producteurs de la valeur ajoutée

Publié par Cédric Michelin
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Fille d'agriculteurs, Maguelone Pontier vient d'être nommée secrétaire générale de la Fédération des marchés de gros de France. Celle-ci regroupe 39 marchés de gros dont la totalité des marchés d'intérêt national (MIN). A 29 ans, elle ambitionne de rapprocher les producteurs et les grossistes.
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Un marché de gros est composé de grossistes mais aussi de producteurs qui sont sur le « carreau ». Comment tout ce monde fonctionne-t-il ensemble ?
Maguelone Pontier :
Les marchés de gros sont la centrale d'achat des commerces de proximité. On y trouve un marché physique avec des ventes de gré à gré et des prix qui ne sont pas fixés à l'avance et une partie logistique qui dispatche les flux de marchandises. Le métier du grossiste est de sourcer une gamme diversifiée de produits et d'approvisionner les marchés forains, les primeurs, les charcutiers, les fleuristes, les restaurateurs mais aussi les grandes et moyennes surfaces.

Sur pratiquement tous les marchés, il existe un carreau de producteurs : ce sont les producteurs de la région qui viennent commercialiser chaque matin leur produit. A Rungis, 56 producteurs fruits et légumes et 70 producteurs de fleurs coupées et horticulteurs sont présents. Un objectif serait que certains marchés de gros deviennent des guichets de l'offre régionale pour les commerces de proximité. A noter qu'en tant que particulier, on ne peut pas acheter dans les MIN car cela est interdit par la loi.

Justement, vous aimeriez que les producteurs soient plus présents sur les marchés de gros ?
M.P. : Nous devons montrer aux producteurs que les marchés de gros sont une mise en marché pertinente aux côtés des autres modes de distribution (grandes et moyennes surfaces, coopératives, vente directe, etc.) Les marchés de gros leur permettent de dégager de la valeur ajoutée, de bénéficier d'une multiplicité de clientèle et de produire de manière plus diversifiée. Le cahier des charges est moins uniformisé car la clientèle y est plus diverse. Par exemple, l'embargo russe n'a quasiment pas impacté un marché comme Rungis.

Mais, comment recréer du lien entre producteurs et grossistes ?
M.P. : C'est vrai, les liens se sont parfois distendus. Il y a longtemps, les grossistes pensaient que les agriculteurs se servaient des marchés de gros comme dégagement. Aujourd'hui, les grossistes connaissent bien leurs producteurs, se déplacent dans les exploitations et sont parfois eux-mêmes exploitant agricole. Nous invitons également les producteurs à rencontrer les grossistes, casser les a priori, et les incitons à venir sur le carreau. Les producteurs sur le carreau en Ile-de-France vendent 100 % de leur production : ils travaillent pour des étoilés, des restaurants londoniens, etc. Il faut savoir aussi que près de 3.600 producteurs sont aussi présents sur les marchés de gros, notamment dans les zones de production comme Chateaurenard, Toulouse ou Perpignan.

Une grosse polémique avait éclaté en 2009. L'objectif était de supprimer le périmètre autour des marchés de gros qui empêchaient d'installer d'autres grossistes. Où en est-on aujourd'hui ?
M.P. : La mise en place de ce périmètre vient du général De Gaulle qui voyait les zones de production se rétrécir et souhaitait sécuriser l'approvisionnement autour des villes. Ainsi, il a créé des centres de logistique capables de massifier l'offre, de la stocker et de concentrer les flux sur un seul site. Quand la directive dite « service » est arrivée en 2009, l'objectif a été de libéraliser au maximum, les périmètres ont donc failli être supprimés. Mais, les gestionnaires des marchés de gros, suivis par des députés, se sont défendus et sont arrivés à un statu quo. Désormais, les entreprises peuvent s'installer aux abords des marchés mais seulement si elles font moins de 1.000 mètres carrés. Par ailleurs, le préfet peut autoriser l'installation, c'est le cas de Métro qui est désormais dans le XIIe et le XVIIIe arrondissement de Paris.

Vous dites qu'une offre trop éclatée nuit aux consommateurs...
M.P. : Le problème c'est que le jour où l'offre sera trop éclatée, ça sera compliqué car il y aura des camions partout. Ce qui induit une pollution environnementale, sonore, visuelle, une congestion urbaine insoutenable pour les habitants. Rien que Rungis draine près de 26.000 camions par jour. De plus, la concentration de l'offre permet logiquement de baisser les prix. N'oublions pas que Rungis reste le frigo des Franciliens : nous alimentons 18 millions de personnes par jour. Dans leur totalité, les marchés de gros français nourrissent 45 millions de personnes ! Sans Rungis, s'il y a un problème climatique ou d'approvisionnement, Paris pourrait être affamé en quelques heures !

Rungis est un marché de consommation. Beaucoup d'importations françaises, européennes ou extra-communautaires se font sur le MIN. Rungis n'est pas le plus gros marché au monde, il est devancé par le Brésil, le Mexique et l'Inde mais il reste le plus gros marché pour les produits frais comme le poisson, la viande, les fleurs, les fruits et légumes et le fromage…

Vous avez travaillé auprès du président de Rungis auparavant, désormais quel sera votre rôle ?
M.P. : J'accompagne les marchés de gros dans les différents défis qu'ils ont à relever : la logistique urbaine et la question par exemple de la mutualisation aval, l'attractivité de nos carreaux de producteurs, les nouveaux modes de consommation comme le e-commerce, le drive auxquels les opérateurs doivent s'adapter pour leurs clients.

Par ailleurs, nous devons anticiper les évolutions de réglementation. La Mairie de Paris ne veut plus de diesel en 2020 ? Nous développons les « transports doux » avec des véhicules électriques, des systèmes d'auto-partage, etc. L'emploi reste également un problème sur les marchés. Les grossistes ne trouvent pas de salariés. Il faut augmenter les savoir-faire (Rungis a mis en place un CAP poissonnerie), « défantasmer » le travail de nuit et la pénibilité. Les marchés fonctionnent beaucoup à la méritocratie. Il est possible d'y faire de belles carrières.