Coopérative laitière de Bourgogne
Des producteurs laitiers aux abois

Publié par Cédric Michelin
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Pris en étau entre une conjoncture laitière européenne défavorable et les conséquences de la défaillance de la Coopérative laitière de Bourgogne, les producteurs se retrouvent pris au piège, dans l'attente que des solutions économiques soient trouvées et que la situation juridique se stabilise. Rencontre avec deux d'entre eux.
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Ils sont «  fatigués  », mais ils ne baissent pas les bras, suspendus aux bribes d'information qu'ils vont glaner ça et là pour démêler l'écheveau passablement emmêlé qui les a menés dans un cul de sac. «  Ils  », ce sont les producteurs laitiers qui étaient collectés par la Coopérative laitière de Bourgogne, jusqu'à ce que la coopérative ne puisse plus assurer les payes de lait. En quelques mois leur monde s'est écroulé. Une quarantaine de producteurs sont concernés, peut-être un peu moins maintenant, certains ont fait d'autres choix, suivi d'autres routes. Mais au-delà d'un chiffre qui pourrait sembler peu important, il faut considérer les drames personnels et familiaux, toute l'envergure économique et sociale d'une situation dont les effets sont amplifiés par la crise laitière qui sévit en Europe et déstabilise les marchés et les prix.

Un dossier économique, financier et... humain


Sans revenir sur le dossier de la CLB qui continue de mobiliser les organisations professionnelles, les collectivités locales et l'Etat pour trouver des solutions financières qui confortent quelque peu les producteurs et assurent l'avenir, il s'agit d'éclairer le versant humain du dossier. Béatrice et Jean-Pierre Chaume ont accepté de partager leurs doutes, leurs inquiétudes, leur quotidien enfin, depuis qu'ils vivent «  dans l'angoisse du coup dur, professionnel et personnel  » tant leur situation de producteurs laitiers s'est dégradée depuis la défaillance de la CLB.
La réalité aujourd'hui c'est une perte sèche de 5.000 € par mois, environ 60.000 € à l'année. «  Depuis janvier, c'est la catastrophe » témoigne Béatrice Chaume, « nous sommes rémunérés sur la base du Lodi », le prix du lait italien. L'Union laitière de la Meuse (ULM) a repris la collecte et complète le prix de base par une avance de trésorerie modulée et remboursable sur 5 ans (sur les ristournes), mais les frais d'approche grèvent sérieusement ce prix déjà insuffisant. La paye de mars affiche ainsi un prix de base de 168 €, soit le prix de référence d'un Lodi à 218 €, amputé des 50 € de frais d'approche... L'avance de trésorie assurée par l'ULM permet d'améliorer ce prix de base, mais très en deçà de ce qui serait nécessaire, ne serait-ce que pour couvrir les coûts de production. Et jusqu'à quand  ? «  L'enveloppe n'est pas extensible à l'infini » s'inquiète Jean-Pierre Chaume, tandis que Béatrice remarque «  cette avance nous soutient, mais au final, on paye cher le droit de travailler ! ». En dépit de la bonne volonté des uns et des autres, les éleveurs redoutent les mois qui viennent et l'été surtout. Il faut dire que le contexte international n'arrange rien : l'embargo russe, le dumping de certains pays producteurs en Europe, la surproduction après la fin des quotas... La conjoncture laitière n'a fait qu'aggraver une situation déjà critique pour les producteurs adhérents à la CLB.

Tenir jusqu'au 1er janvier 2017


D'ailleurs, la principale interrogation concerne justement cette capacité à tenir jusqu'à la fusion avec ULM prévue au 1er janvier 2017. La survie s'organise au jour le jour : « tout est en suspens, on fonctionne à coup de reports d'échéances en limitant au maximum les prélèvements privés ». Les investissements dans un bâtiment engagés en 2014, au moment de l'embellie, ont été stoppés, mais la partie réalisée pèse lourd maintenant. L'installation prévue de l'une des filles est remise à plus tard, pourtant il faut bien financer son CDI, car on ne peut pas se passer de cette main-d'œuvre essentielle sur une exploitation qui produit 600.000 litres de lait avec 85 VL. « On a ré-évalué la ration des animaux  » explique Jean-Pierre, « tout est sous contrôle pour limiter les charges en attendant 2017. Il faut vraiment avoir foi dans notre métier pour supporter la situation actuelle... ». « Heureusement », complète Béatrice, « tout le monde joue le jeu de la solidarité, cela nous permet de tenir... Le contrôle laitier, les marchands d'aliment, tous ceux avec lesquels on travaille nous soutiennent, on peut leur dire merci ! ». En dépit de la solidarité et des efforts consentis par tous ceux qui essaient de trouver une solution acceptable, le dossier, très complexe, piétine. Chez Béatrice et Jean-Pierre Chaume, le découragement pointe face à la difficulté à trouver un dénouement qui leur permette de sortir le plus rapidement possible de l'ornière où ils se trouvent piégés.