Biotechnologies 
Les politiques à la traine de la technique

Publié par Cédric Michelin
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L’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) a pressé le 27 septembre Bruxelles de clarifier le champ d’application d’une directive sur les OGM. L’enjeu est de « libérer la recherche » sur l’édition génomique, un ensemble de nouvelles techniques en plein essor.
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« On ne peut pas rester dans cette incertitude réglementaire » pour les biotechnologies toutes récentes, a martelé le président Alain Deshayes en conférence de presse. L’AFBV réclame une décision européenne, « qui ne cesse d’être repoussée », concernant l’interprétation de la directive 2001/18 pour « savoir si elle doit ou non s’appliquer à toutes les plantes obtenues par les techniques d’édition génomique ». À ses yeux, « il serait dramatique que la recherche française et européenne continue d’être bridée » face à l’émergence des nouvelles technologies. L’AFBV dit soutenir la position officielle allemande et des Académies des sciences européenne et suisse : « Seules les plantes contenant une nouvelle combinaison de matériel génétique par insertion d’ADN recombinant tombent dans le champ de la directive ».

De nouvelles méthodes d’ingénierie génétique sont apparues récemment. Ces techniques d’édition génomique reposent sur l’utilisation d’enzymes, des Crispr-Cas notamment, qui provoquent des cassures de l’ADN à n’importe quel endroit choisi dans le génome. Elles servent à inactiver un gène, le modifier, introduire un transgène. Les plantes obtenues peuvent aussi bien contenir une nouvelle combinaison d’ADN recombinant que porter une simple mutation. « Aujourd’hui, au niveau européen, il y a une grande incertitude sur le statut juridique de ces plantes qui empêche leur expérimentation et développement en dehors de la serre », a déploré Georges Pelletier, président du conseil scientifique de l’AFBV.

La France en retard



Les travaux de recherche se multiplient dans l’édition génomique. Quatre ans après la publication de la méthode Crispr-Cas, l’AFBV relève une bonne centaine d’exemples sur une vingtaine d’espèces cultivées, entre autres le soja, l’orge, le riz (40 publications), le sorgho, la tomate, la pomme de terre, le blé tendre, le maïs. Illustration avec l’obtention d’une résistance à l’oïdium chez le blé, le déclenchement d’une mutation du gène responsable de la germination sur pied chez l’orge, de l’éclatement de la silique chez le colza. Une « forte prédominance » de la Chine et de l’Amérique du Nord peut être notée quant à l’origine des travaux, selon l’AFBV. La France est distancée, ses premières publications étant attendues « sous peu ».

L’attrait des nouvelles techniques



Un retard préjudiciable, car les nouvelles biotechnologies présentent de nombreux avantages : « Elles permettent d’effectuer des modifications ciblées et précises dans les génomes, peuvent faire gagner un temps précieux dans le travail d’obtention de plantes ayant des caractères définis, sont d’un emploi relativement simple et d’un coût faible, ce qui les rend accessibles à toutes les équipes de recherche et d’entreprises de sélection, même de petite taille », souligne l’AFBV. En seulement cinq ans, les techniques d’édition génomique ont vu leur prix chuter « de la Ferrari à la paire de tongs », soit au départ 300.000 euros avec les enzymes de type méganucléases pour finir à 20 euros avec les Crispr-Cas, a indiqué Fabien Nogué, directeur de recherche à l’Inra.

Soucieuse d’assurer « la transparence et l’information des parties prenantes » concernant les plantes exemptées de la directive européenne 2001/18, l’AFBV « pourrait soutenir la mise en place d’une notification à une autorité compétente sur les modifications apportées à ces plantes avant dissémination », a déclaré Alain Deshayes, signalant que l’Allemagne et la Suède ont suivi la démarche pour des demandes d’essais au champ. Outre-Atlantique, des pays comme le Canada, les États-Unis sont à un stade plus avancé. La commercialisation de variétés issues de l’édition génomique y est annoncée tout au plus dans quelques années.