Aides à l’installation
Rechercher une meilleure efficacité

Les bénéfices offerts par les aides à l’installation ne sont plus aussi attractifs qu’avant, accompagnés d’une lourdeur administrative indéniable. Les jeunes réfléchissent à deux fois avant de profiter de ces aides. Un an après la réforme du parcours, les avancées restent timides. Analyse.
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Des contraintes administratives lourdes, un taux de prêt jeune agriculteur (JA) non concurrentiel, un risque de retrait de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), l’installation par le processus JA n’attire plus autant les porteurs de projet à l’installation. Un an après la réforme du parcours à l’installation, ce constat reste toujours aussi vrai. Le sujet est revenu sur la table lors de la conférence Agriculture et capital du 1er décembre, organisée par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Deux installations sur trois non aidées


Interrogé en 2014, avant la réforme, Jérémy Decerle, vice-président des Jeunes agriculteurs, s’exclamait : « les chiffres parlent d’eux-mêmes. On constate une baisse globale des installations aidées. La faible valeur des taux bancaires actuels fait que l’attractivité du prêt JA diminue. Il y aurait aussi des moyens de simplifier la partie administrative, très lourde ».
Pour cette année, avec la réforme de la Pac, il reste encore difficile d’évaluer le nombre de dossiers aidés, mais le phénomène perdure. Certains estiment à deux tiers le nombre d’installations non aidées. Et cette année, du fait de la mise en œuvre de la nouvelle Pac et des délais induits, accompagnés de la réforme du parcours à l’installation, cela sera plus encore le cas. L’APCA avait d’ailleurs recommandé, en interne, aux conseillers installation de décaler au maximum la prise en charge des dossiers des jeunes agriculteurs cette année pour attendre d’y voir le plus clair possible dans les modalités d’application de la nouvelle Pac. Conséquence, Julien Morisot, du service installation de la chambre d’agriculture de la Côte-d’Or, constate un boom du nombre de dossiers d’installations traitées en fin d’année dans son département. Ce chiffre reste cependant fluctuant en fonction des départements.

Un montant de DJA trop faible…


Concernant la DJA, Jérémy Decerle rappelait que le montant en varie « de 8.000 à 35.000 € en zone défavorisée. Le montant moyen est de 15.000 €. Ce n’est rien en comparaison avec les quelques 360.000 € nécessaires lors d’une installation ». Pour autant, « c’est toujours bon à prendre ! », observait-il.
Seulement, à la suite d’une nouvelle réglementation de la DGPAAT (Direction générales des politiques agricoles au ministère de l’Agriculture), datant du 9 avril 2014, certains jeunes ont dû théoriquement rembourser leur DJA en fin d’engagement en fonction du revenu tiré de l’exploitation sur les cinq premières années d’installation. Théoriquement, car comme le reconnaissait déjà en l’an dernier Jérémy Decerle, « les sanctions sont rarement appliquées par les DDT ». Il le confirme toujours un an plus tard, surtout dans un contexte de crise de l’élevage.
Mais de fait, avec cette instruction, il peut arriver qu’un agriculteur déjà en procédure Agridif (agriculteur en difficulté) se trouve dans l’obligation réglementaire de rembourser sa DJA, une DJA bien souvent déjà utilisée à l’installation pour des investissements privés ou professionnels. Le jeune reçoit cette somme sur son compte personnel. Il est en effet libre de l’utiliser comme bon lui semble… Cinq ans plus tard, ressortir une telle somme peut être problématique.
Ramond Vial, président de la chambre d’agriculture de la Loire, évoquait avec nostalgie l’époque de son installation : « j’avais même pu mettre ma DJA de côté ! ». Jérémy Decerle revenait sur les taux des prêts bonifiés (2,5 % en zone de plaine et 1 % en zone défavorisée), peu attractifs face aux très bons taux d’intérêt du marché actuel. « Le financement de l’État ne suffit plus », estime-t-il.
Reste l’abattement d’impôt de 100 % la première année d’installation, puis de 50 % les années suivantes. Dans certains systèmes, cet avantage n’est pas des moindres, surtout les bonnes années. Mais la prochaine loi de finances devait modifier cet avantage, d’après Julien Morisot. « Reste que nous n’avons pas eu plus d’info pour le moment… », signe probable de la conservation du dispositif. Il parle cependant d’un possible plafonnement de cet avantage fiscal.

Des aspects positifs aussi


Au final, s’installer en tant que jeune agriculteur permet surtout d’être prioritaire lors de l’acquisition de foncier. Avec la réforme du parcours à l’installation, les dossiers n’ont plus l’obligation de passer en Commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA). Pour son département, Julien Morisot ne note aucun changement : « il y a une étape CDOA et une étape Conseil régional ».
Le parcours à l’installation reste critiqué partout, même s’il est reconnu que les installations aidées ont moins de chance de conduire à une cessation d’activité sur le long terme.
« La France est le seul pays où s’inscrit une politique financière pour les JA. On peut en être fier car aucune autre catégorie socio-professionnelle ne dispose de ces avantages », estimait Jérémy Decerle en 2014. Un an après, Raymond Vial s’exclamait le 1er décembre : « la famille agricole s’est endormie sur ces acquis. On est en train de le payer cher. Demain, un agriculteur sur deux ne sera pas issu du milieu agricole et il n’y aura plus le cadeau des parents ! ».





Le PE toujours aussi complexe


Du côté administratif, chez les JA, la complexité et l’obligation de respecter le plan de développement de l’exploitation (PDE) à la lettre étaient déjà dénoncées en 2014 : « aujourd’hui, cet outil de gestion est plus une contrainte qu’un atout. Le PDE ne sert qu’à répondre à l’exigence européenne. Il doit être respecté à tout prix au point qu’il faut un avenant dès que le jeune achète une brouette ou presque ! », lançait Jérémy Decerle.
Avec la réforme du parcours à l’installation, le PDE prévu sur cinq ans est devenu le Plan d’entreprise (PE), prévu sur quatre ans. Un dispositif plus simple après un an de mise en service ? « Il y a moins de données économiques, moins de chiffres. C’est plus descriptif, mais pas plus simple ! Une étude économique est systématiquement jointe », surtout pour les banques, observe Julien Morisot.


Pour Jérémy Decerle « c’est plus simple pour le jeune, même si cela n’a peut-être pas simplifié le boulot de ceux qui font l’instruction des dossiers ». Depuis plusieurs années, le jeune devait également fournir une fiche annuelle déclarative (FAD), explicitant sur l’année le montant de tous ses investissements, pour faciliter le contrôle de fin d’engagement par la Direction départementale des territoires (DDT). À chaque nouvel investissement, il se devait d’alerter la chambre d’agriculture pour vérifier si son programme d’investissement était toujours dans les clous… Un vrai casse-tête !
Avec le nouveau parcours, plus besoin de cette fiche. La « remontée des données » se fera « à l’issue de la troisième année », explique Julien Morisot. Une année seulement de réajustement sera donc possible pour faire correspondre les chiffres prévus dans le plan d’entreprise avec la réalité du développement de l’exploitation. Julien Morisot se veut rassurant : « il est toujours possible de faire un avenant ! ».