Hugues Pichard
« L’unité raciale fait avancer la race »

Depuis juin 2015, le Montcelien Hugues Pichard préside l’organisme de sélection Charolais France. Méconnue des éleveurs, cette structure est pourtant le véritable parlement de la race. Un collectif qui fédère tous les acteurs de la charolaise : de la création génétique à la filière viande. Une instance « qui n’a rien à vendre » et qui sait faire évoluer la race dans le bon sens.
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Eleveur charolais à Montceau-les-Mines, Hugues Pichard préside l’organisme de sélection de la race, l’OS Charolais France, depuis juin 2015. Promu à une fonction nationale plus vite qu’il ne l’aurait imaginé, cet éleveur de 44 ans, exigeant et pragmatique, a passé ces dix-huit premiers mois de mandat à s’imprégner des délicats dossiers qui agitent la race en ce moment. Car s’il est une instance qui représente bien la race dans toute sa diversité et qui décide de son avenir, c’est bien l’OS Charolais France. Une instance importante et officielle, que le ministère impose à toutes les races de France, mais dont peu de gens savent ce qu’elle est vraiment, reconnait son nouveau président. Succédant à l’UPRA Charolaise en 2006, l’OS Charolais France est pourtant rien moins que le « parlement de la race ». Un concept on ne peut plus démocratique et fédérateur qui réunit toutes les composantes de la génétique charolaise : les éleveurs du Herd-book charolais, les entreprises de sélections charolaises (Gènes Diffusion, Charolais Univers, Ucéar) et les « filières et prestataires ». Un dernier collège rassemble les Conseil Elevage, les chambres d’agriculture, les coopératives, les stations, Charolais Label rouge, l’AOC Bœuf de Charolles, l’Institut charolais, Charolais Expansion… Sous l’impulsion du nouveau président, Elvéa France (éleveurs et acheteurs associés) est la dernière entrée dans Charolais France. Une ouverture qu’Hugues Pichard jugeait indispensable pour respecter le pluralisme de la filière. Et le nouveau président ne désespère pas un jour d’accueillir aussi Interbev. « L’unité raciale dans toute sa diversité », voilà la raison d’être de l’OS. Et c’est pour préserver cela qu’Hugues Pichard a accepté de s’engager dans sa nouvelle responsabilité.

Réponses aux attentes de la filière


Car l’éleveur de Montceau est convaincu d’une chose : ce n’est qu’au sein de ce collectif représentatif que la race est en mesure de répondre aux attentes de la filière. Et la formule a depuis longtemps fait ses preuves. En dépit de ce qu’il appelle le « charolais bashing » - cette tendance à toujours dénigrer la première des races à viande - Hugues Pichard énumère un certain nombre d’avancées récentes, impulsées au sein de Charolais France et permises grâce aux efforts des éleveurs, aidés en cela par « tous les outils techniques » mis à leur disposition par les partenaires de l’OS.
C’est le cas pour les vêlages, talon d’Achille récurent de la race. En effet, le président de Charolais France fait valoir que « 94 % des vêlages charolais (chiffres Idele) sont aujourd’hui classés en catégorie 1 (vêlage seule) et 2 (vêlage avec aide facile) ». Une remarquable performance quand on pense à l’augmentation de productivité de ces dernières années. « Bon nombre d’éleveurs ont réussi à régler le problème. Il suffit de le vouloir. Avec ses 1,6 million de vaches, la race a les souches, les techniques et les taureaux pour le faire », observe Hugues Pichard.
Autre évolution notable constatée cette année sur les concours : « on assiste à une nette amélioration des qualités bouchères des animaux conformément aux orientations de la race fixées par l’OS ». Et le président d’indiquer que « la charolaise a gagné un tiers de classe Normabev en cinq ans ». Une réalité qui prouve, là encore, que les éleveurs n’ont pas attendu pour prendre toute la mesure des enjeux raciaux.

Nouvel ISU : « de l’économique pur »


En 2016, un grand pas a également été franchi dans la prise en compte des impératifs économiques dans la sélection avec la création d’un nouvel index synthétique unique ou ISU. « La morphologie seule ne suffit pas pour choisir ses reproducteurs. Il faut des données technico-économiques en plus », rappelle Hugues Pichard. Conscient que beaucoup d’éleveurs méconnaissent les index ou bien s’y perdent littéralement tant leur présentation est abstraite, le président de Charolais France voit dans le nouvel ISU « un outil simple et juste que les éleveurs n’auront pas de mal à s’approprier ».
Adopté par toutes les autres races, l’ISU charolais a été construit en intégrant « ce qui influe sur le revenu », explique-t-il. En l’occurrence, l’intervalle vêlage-vêlage qui pèse pour 20 % dans ce nouvel index. « Pour cent vaches, un écart de soixante jours d’IVV équivaut à une différence de 15.000 € de revenu par an », illustre Hugues Pichard. Les qualités maternelles (IVMat + AVel + ALait) comptent pour 40 % et la morphologie adulte - « c’est elle qui fait le prix de l’animal » - pour 40 %. « C’est de l’économique pur », résume le président qui ajoute qu’à partir du moment où une vache est dotée d’un ISU supérieur à 100, alors on est sûr d’avoir des garanties sur le potentiel économique de ses produits. « C’est aussi la certitude que cette vache, quelle que soit son origine, correspond bien aux attentes de la filière ». Pour Hugues Pichard, ce nouvel ISU est appelé à s’imposer comme une référence.

Génomique : besoin de précision


2016 aura aussi été marquée par l’inauguration d’une indexation génomique officielle Iboval. Issu du programme collectif GEMBAL, il s’agit de la première indexation génomique commune à tous les acteurs de la race laquelle reprend les mêmes critères que l’indexation Iboval classique, explique Hugues Pichard. « La génomique sera un outil fondamental de demain », assure le président de Charolais France. Mais ce dernier met en garde contre le risque de « galvauder » cette avancée prometteuse en confondant « vitesse et précipitation ». Car la technique a besoin de gagner en précision. Une précision mathématique que seuls des projets proprement collectifs peuvent permettre.
« Plus que jamais, l’OS Charolais France est une structure capitale pour la race », martèle le nouveau président qui veut faire comprendre aux éleveurs que l’OS est un collectif au service de tous. Dans une époque très concurrentielle, elle a cette vertu de ne « rien avoir à vendre », avec comme seule motivation « de faire en sorte que la race reste la première de France ».
Et l’enjeu aujourd’hui est bien de « sauver l’unité raciale », informe le président. Inspiré par l’obsession libérale de Bruxelles, le nouveau règlement zootechnique européen est en effet passé par là. Une loi redoutée qui menace de faire exploser tout le dispositif génétique français. Concrètement, le nouveau règlement rend possible la création de plusieurs livres généalogiques par race. Cette possibilité nouvelle a fait germer un projet de seconde OS au sein du monde charolais. Une initiative qui signifierait la fin de l’unité raciale, déplore Hugues Pichard. Cette crainte a motivé la signature d’une charte début 2015. « Signée par tous les fondateurs historiques de l’OS, sauf un, elle vise à préserver l’unité raciale ».

« Sauver l’unité raciale »


Pour le président de Charolais France, l’émergence d’un second livre généalogique se ferait aux frais des éleveurs. Elle mettrait un terme à la possibilité de comparer les performances entre troupeaux et induirait de ce fait deux indexations différentes. « En définitive, cela reviendrait à couper la race en deux », résume-t-il. Une erreur, selon lui, car dans un contexte où « la France n’est plus qu’à la cinquième place en volume d’export bovin » et dans un contexte économique très difficile, « la base de sélection charolaise se fragilise avec des éleveurs se détournant de l’inscription et du contrôle de performances ». Bref, cette division ne ferait qu’aggraver les choses, redoute le président.
Pour l’OS, ce projet est d’autant plus incompréhensible que Charolais France a jusqu’alors « permis à chacun d’exprimer ses différences et d’évoluer selon ses propres choix techniques », confie Hugues Pichard qui ne désespère cependant pas « de sauver l’unité de la race en préservant au moins l’unicité du livre généalogique ».
Le président entend aussi préserver la charolaise d’une tentation de l’uniformiser au prétexte de répondre à une hypothétique attente générique de la filière. Au contraire, le président de l’OS estime qu’il faut plutôt « régionaliser la génétique » en l’adaptant à chacune « des filières locales ». Ce qui revient à conserver ses « spécificités régionales ». Pour illustrer son propos, l’éleveur prend l’exemple de l’alourdissement dénoncé des carcasses. « En réalité, peu de vaches atteignent ou dépassent les 500 kg dans les abattoirs et celles qui sont bien conformées ne posent pas de problème. En revanche, ce sont les carcasses de 500 kg classées "R-" ou "R=" qui gênent. Mais elles ne représentent que 2 ou 3 % des animaux », recadre le président.


« Charolais herbager d’origine »


Pour Hugues Pichard, il faut remettre à l’honneur le « charolais herbager d’origine ». Un charolais « sans histoire, facile à éleveur et économique (veaux naissant petits, GMQ moyens de 1.400 - 1.500 grammes, carcasses adultes de 440-450 kg. Un charolais qui valorise bien l’herbe, convenablement conformé (R+, U-) que certains éleveurs ont parfaitement su préserver et avec lequel quelques-uns parviennent même à dégager d’honorables EBE », avance le président. Un animal qui « fait tourner des exploitations et devra demain trouver sa place dans nos outils », poursuit Hugues Pichard. Ce modèle de charolais serait aussi une façon de remettre à l’honneur « le talent des éleveurs. Car ils en ont ! », défend le président de Charolais France. Et l’OS se veut être « l’endroit où ils se retrouvent tous, même hors base de sélection, et où ils peuvent orienter et faire avancer eux-mêmes leur race », conclut Hugues Pichard.