Inter Beaujolais
Sur la voie du rebond

Publié par Cédric Michelin
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A l’occasion de l’assemblée générale d’Inter Beaujolais, le président Dominique Piron a affiché ses convictions et ses ambitions. Il compte aussi sur la motivation de toute la filière pour permettre au Beaujolais de rebondir.
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Mi-février, à Grave-sur-Anse (69), au domaine des communes, Dominique Piron et David Ratignier espéraient attirer un maximum de viticulteurs et négociants du Beaujolais pour leur première assemblée générale en tant que respectivement président et vice-président d’Inter Beaujolais. Leur baptême du feu a été réussi. Il faut dire que ce rassemblement était attendu par la profession. En effet, les deux hommes forts du vignoble ont présenté leur plan d’actions intitulé « Beaujolais nouvelle génération » afin de remettre le vignoble sur la voie du rebond. Cette ambition, le président de l’interprofession l’a clairement affichée dans son rapport moral, en mêlant à la fois le pragmatisme et l’optimisme. « Nous avons perdu un tiers de nos surfaces en quinze ans et 50 % de notre chiffre d’affaires. Et nous vivons aujourd’hui un véritable paradoxe. D’une part, nous continuons à perdre des parts de marché pratiquement sur toutes les appellations. D’autre part, les médias et les clients ne nous ont jamais été aussi favorables. Le Beaujolais a une belle notoriété et nos vins correspondent tout à fait à la consommation moderne. Entre ces deux mondes, il y a le marché. C’est une autre paire de manches », a estimé Dominique Piron.

Renverser la vapeur



Le président d’Inter Beaujolais veut mobiliser les forces vives. « Renverser la vapeur dans un monde qui évolue vite, ce n’est pas simple. Nous n’avons pas les moyens de faire de la publicité mondiale. Seuls les Hommes et leur attitude demeurent une solution rapide. Nous avons besoin d’entreprises plus fortes et plus performantes. Les projets collectifs de montée en gamme et les initiatives individuelles seront gagnants. Mais rien n’aboutira sans professionnalisme », a prévenu Dominique Piron avant d’enchaîner : « durant mes six premiers mois à la tête de l’interprofession, j’ai aussi constaté un sentiment de peur dans le vignoble. Il faut dissimuler tout cela, afficher nos forces et communiquer dessus. La bonne volonté et l’énergie des acteurs seront plus importants que les financements ».
C’est exactement le message qu’il avait porté dans ces mêmes colonnes en conclusion de la présentation de son plan d’actions pour le vignoble. Pour rappel, celui-ci s’articule autour de
quinze actions et quatre axes : développer une viticulture durable (axe 1), redévelopper la marque « Beaujolais » (axe 2), stratégies d’entreprises et nouvelles dynamiques individuelles (axe 3) et booster les ventes (axe 4). Parmi les actions présentées, certaines sont jugées prioritaires : l’aide aux investissements (action n°1), affirmer le socle Beaujolais pour toutes les appellations (action n°3), repositionner « l’Instant Nouveau » (action n°4), former les élus (action n°9), agréger les acteurs et motiver les troupes (action n°11), reprendre des positions
sur le marché mondial (action n°14) et accompagner les projets commerciaux (action n°15). Le vignoble bénéficiera en partie du soutien financier de la Région Auvergne – Rhône-Alpes, en partenariat avec le Département et les EPCI. « Avec des choses simples et du bon sens,
nous pouvons rebondir. Nous aurons aussi besoin de nous serrer les coudes
», a précisé le président.

« Des vins passe-partout »



Pour illustrer le potentiel des vins Beaujolais et redonner confiance à la filière viticole, Dominique Piron et David Ratignier ont pu compter sur l’intervention de Jacques Dupont. Le journaliste spécialisé du magazine « Le Point », invité par l’interprofession et souvent présent dans le Beaujolais pour déguster des vins et rencontrer des viticulteurs, s’est montré optimiste. « C’est toujours plus facile de perdre la confiance des consommateurs que de la regagner. Depuis 2003 et la canicule de l’été, nous avons constaté un nouveau mode de consommation et un engouement pour les vins d’été. Ce phénomène est porteur pour un vignoble comme le Beaujolais », a-t-il souligné. Le journaliste a aussi conseillé à la filière de valoriser son socle commun Beaujolais et de se concentrer sur sa diversité et sa polyvalence gastronomique. « Ce sont des vins passe-partout. Le Beaujolais a une formidable carte à jouer d’autant qu’on note un retour aux valeurs gastronomiques en France. De nombreuses personnes ont besoin de retrouver leurs racines », a-t-il enchaîné. Face à ce potentiel, Jacques Dupont a surtout insisté sur la singularité du vignoble. « Nous parlons beaucoup de rapprochement avec la Bourgogne. Ce serait, à mon sens, une erreur stratégique de la rejoindre. Le Beaujolais perdrait son identité propre. Il doit être fier de son gamay » a-t-il conclu.




« Vins de soif de terroir » et restauration tendance



Si Dominique Piron et David Ratignier ont pu établir un plan d’actions pour la filière viticole du Beaujolais, c’est en partie grâce au travail de terrain mené par Jérémy Arnaud, consultant extérieur de « Terroir Manager ». Le directeur qui, par le passé, a collaboré avec d’autres vignobles français, a dévoilé sa vision du Beaujolais lors de cette assemblée générale. « Nous pouvons rebâtir dans ce vignoble. Vous avez plusieurs atouts à jouer », a-t-il débuté. Son constat initial, deux univers qui correspondent actuellement aux vins du Beaujolais. « D’un côté, une tendance « hédoniste » où le consommateur décide de ses goûts et est en recherche de pur plaisir. De l’autre, une tendance « romantique » dans laquelle le consommateur veut connaître le produit à travers son imaginaire. Dans ce cas, nous sommes dans une logique de pur terroir avec un marketing de l’offre. Cependant, il existe une troisième catégorie qu’on pourrait associer aux « vins de soif de terroir ». Il va falloir construire une offre qui, à ce jour, n’est pas suffisamment développée en termes de volumes et de prix », a expliqué Jérémy Arnaud.

Selon Jérémy Arnaud, le Beaujolais peut axer son développement sur la restauration tendance. « Aucun vignoble n’a encore revendiqué ce leadership sur ce circuit de la restauration tendance. Le Beaujolais est tout à fait légitime pour le prendre. C’est même un enjeu extraordinaire. Il doit aussi redynamiser la destination Beaujolais. Au milieu d’un axe viticole majeur et prestigieux reliant la Champagne à la Provence, le Beaujolais peut être le fondateur », a-t-il déclaré.

En matière de stratégie, le consultant de « Terroir Manager » a recommandé aux responsables professionnels d’adopter à la fois une stratégie digitale (« Beaujosphère »), grâce à la renommée mondiale du Beaujolais, et une stratégie événementielle (« Beaujoday »). « Pour que l’application d’une stratégie collective fonctionne, il faudra aussi agréger les acteurs. L’accompagnement et la formation des viticulteurs face aux difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés, notamment sur le plan commercial, sera aussi nécessaire », a-t-il ajouté.





Sorties propriétés : Plus de vente directe, moins de négoce




Selon le service enregistrements d’Inter Beaujolais, les achats de vins par le négoce connaissent au total un repli de 2 % (hors primeurs). Les ventes de beaujolais et beaujolais supérieurs rouges sur le marché vrac ont baissé de 8 % (100.480 hl au 31 décembre 2016). Au contraire, elles sont en hausse pour les crus du beaujolais (+ 11 % soit 15.231 hl), les blancs (+ 74 %, soit 644 hl) et les rosés (+ 49 % soit 6088 hl). En vente directe, les chiffres sont stables pour l’ensemble des appellations (+ 1 % soit 89.405 hl au 31 décembre 2016).




Export : Des volumes en baisse




De décembre 2015 à novembre 2016, Inter Beaujolais a constaté une baisse des exportations de vins du Beaujolais (- 0,27 % soit 216.038 hl) tandis que le marché extérieur représente environ 40 % des volumes commercialisés. Ce repli est plus important à l’échelle de l’Union européenne (- 3,64 % soit 70.511 hl) que dans les pays tiers (+ 1,45 % soit 145.527 hl). Bien que le marché chinois ne représente pas des volumes colossaux, les exportations ont fortement augmenté (+ 95,8 %), tout comme au Pays-Bas (+ 36,6 %) et aux Etats-Unis (+ 8 %).

A l’inverse, elles sont en repli au Japon (- 7,1 %), au Royaume-Uni (- 11,1 %) ou encore en Belgique (- 9,2 %). En valeur, les chiffres sont meilleurs pour les principaux pays importateurs de vins du Beaujolais : + 12 % pour les Etats-Unis, + 4,9 % pour le Canada et + 51,1 % pour la Grande Chine (Chine et Hong-Kong).




Budget : Résultat final négatif pour 2015-2016
Les dirigeants ont présenté les résultats de l’exercice allant du 1er août 2015 au 31 juillet 2016. Comme lors du précédent exercice, Inter Beaujolais a enregistré un déficit de 590.607 €. L’ensemble des produits s’établit à 5,4 M€, soit un repli de 6 % par rapport à l’an dernier. Le volume, ayant servi de base aux appels de cotisations volontaires obligatoires (CVO) pour la campagne 2015/2016, a été de 627.187 hl contre 633.984 hl au 31 juillet 2015. Cela représente 4.287.187 € de CVO contre 4.347.465 € sur la période 2014/2015. En volume, le différentiel par rapport à l’année précédente est de + 3,8 % en beaujolais (235.221 hl), - 12,90 % en beaujolais-villages (152.037 hl) et + 3 % pour les crus (239.929 hl). Pour les autres produits,les subventions représentent 610.000 €, soit un repli important de 36 %. Ces subventions comprennent la poursuite du programme d’actions OCM relatif à la promotion des vins du Beaujolais en 2015/2016 aux Etats-Unis, Canada, Japon, Chine, Hong-Kong, Brésil et en 2015 en Russie. FranceAgriMer a octroyé 473.000 € de subventions, poste en repli du fait du refus de prise en charges de certaines dépenses engagées selon Inter Beaujolais. Les charges sont également en baisse (2 %). Les dépenses engagées sur les organismes de promotion (2.845.495 €) progressent de 1,50 % tandis que les dépenses de fonctionnement sont, comme la campagne précédente, en diminution de 4 % (229.000 € environ).