Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
Les marchés décrochent

Publié par Cédric Michelin
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Trois jours seulement après l’inscription des Climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco, le bureau interprofessionnel (BIVB) tenait son assemblée générale le 8 juillet à Beaune.
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Un classement « de toute la Bourgogne », insistait Claude Chevalier. Le président veut en profiter pour relancer fortement le projet de Cité des vins de Bourgogne. Le BIVB sera aidé en cela par le retour d’une récolte "normale" en 2014 avec 1,579 millions d’Hl (+19 %/2013), après deux années déficitaires. « 80 % des dépenses du BIVB sont destinés à des actions », glissait Albéric Bichot, le trésorier.
Côté marchés amonts, les transactions ont été « stables » en rouge (+1 %) comme en blanc (+2 %) par rapport à la moyenne 5 ans. Sur les marchés aval, il n’en n’a pas été de même. Avec la montée en gamme et les petites récoltes, les vins de Bourgogne ont perdu des parts de marché mais n’ont pas perdu en chiffres d’affaires. Une situation normale et prévue ?
Si au global, la Bourgogne affiche -6,3 % en volumes et +3,4 % en valeur à l’export, le président-délégué invitait à ne pas négliger « l’effet taux de change » de l’euro qui a aidé sur l’exercice. Louis-Fabrice Latour pointait du doigt la « déception britannique » puisque les marchés anglais ont « décroché » avec encore -12 % en volumes en 2015 après les - 23 % et -15 %, respectivement en 2014 et 2015. Le Japon pourrait ainsi « d’ici la fin de l’année » lui ravir la 2e place. Le BIVB constate que la Bourgogne a perdu un tiers de ses volumes en trois ans à l’export. « Ce n’est pas une bonne nouvelle même si on valorise nos vins car avant on pouvait dire qu’on avait des petites récoltes », glissait-il.
En France, les marchés hyper et supermarchés « tiennent », sauf en crémants et aligotés. Pour le négociant Beaunois, cela fait « suite aux hausses » des prix bouteilles, jugent-il. Alertant « sur les nuages qui s’amoncellent », il trouvait alors « dur » de ne plus voir de vins de Bourgogne à moins de 10 € en restauration française notamment, alors qu’il prônait l’inverse les années précédentes. « Investissons dans la qualité, restons modestes et préparons nous à la prochaine crise dans 1-2-3 ans… mais elle aura lieu », affirmait Louis-Fabrice Latour.
Un moyen habile surtout de mettre la pression avant de définir la nouvelle stratégie de l’Interprofession à l’horizon 2020. Ce plan remplacera celui d’Amplitudes 2015 qui visait justement la montée en gamme, notamment des appellations régionales. Le nouveau plan sera présenté en décembre. Lors de cette prochaine assemblée générale, comme le veut la coutume, Claude Chevalier, actuel président du BIVB, devrait permuter avec… Louis-Fabrice Latour.

Les dossiers bloquants avec le Beaujolais



Dans son rapport moral, Claude Chevalier lui rétorquait que le plan 2020 sera quand même « dans le même esprit » mais « plus ciblé pour pouvoir communiquer plus simplement et faire ainsi parler de la Bourgogne ». Il n’éludait pas non plus les rumeurs de rapprochement Bourgogne-Beaujolais. « Si le négoce est presque prêt, la viticulture n’est pas encore prête », expliquait-il devant l’Union des Maisons de vins de Bourgogne et la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne. Dans la foulée, il critiquait alors ouvertement l’Inao et les Fraudes sur leur gestion « ubuesque » et « laxiste » des deux dossiers qui achoppent depuis plusieurs années : la délimitation des vins de bourgogne en Beaujolais et l’étiquetage des vins ayant le droit d’imprimer la mention vin de Bourgogne. Sinon, le BIVB « pourrait presque englober un quatrième département », concluait-il à ce sujet avec un sourire...


Des vignes Bourguignonnes bientôt à la mode champenoise ?



La deuxième partie de l’assemblée générale traitait d’un sujet grave : le dépérissement du vignoble. Claude Chevalier remerciait Michel Baldassini de « s’être battu » pendant des années pour en 2015, enfin, décrocher un plan National. « Le Mâconnais ou le Chablisien, les vignobles de chardonnay, sont massacrés par l’Esca et les pertes atteignent 5 % de ceps morts par an. Les vignes n’ont plus d’âge », débutait l’ex-président du BIVB. Une problématique peut « entendue » mais qui s’est étendue en France. « Depuis 2008, les rendements sont partout en chute libre. Les vignes d’appellation sont 8 Hl/ha en dessous du rendement maximum autorisé dont une partie (3-4 Hl/ha) est imputable directement au dépérissement », résumait-il. Un manque à gagner pour les vignerons et la filière qui sera chiffré le 22 juillet à Paris, lors d’une grande réunion réunissant toutes les Interprofessions de France pour la première fois sur ce sujet. 70 % des surfaces du vignoble français sont en effet concernées en 2015. « Depuis 30 ans, il y a des études mais aucune piste. On ne sait plus où se diriger. Il est convenu de faire un point national et un plan d’actions ». C’est le cabinet indépendant, Bipe, qui a été mandaté pour le faire. Présente à Beaune, l’équipe en charge du dossier rappelait qu’il n’y a « pas un mais des dépérissements » qui lient : maladies, ravageurs, matériel végétal, pratiques… mais également les sols, la parcelle et les ressources naturelles, sans oublier la climatologie. L’objectif maintenant est de comprendre leur « cumul ». Christophe Riou, directeur adjoint de l’IFV, voit une certaine « effervescence » de la recherche sur ces sujets depuis 2012. Il s’attardait plus spécifiquement sur les maladies du bois. Le scientifique appelait à une « remise en question importante à faire sur les pratiques et même les cépages ».

Pour le président du pôle Technique et Qualité, Jean-Yves Bizot, la solution réside dans une « somme de petites pratiques dans l’attente de portes-greffes résistants » aux maladies. La Bourgogne s’est engagé dans des programmes de recherche, expliquait son directeur, Jean-Philippe Gervais. La Bourgogne a actuellement un besoin annuel de 6 millions de greffons mais n’en produit "que" 2 millions. De la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Robert Martin traduisait en chiffres plus parlants : « il reste moins de 10 ha de vignes produisant des greffons contre 40 ha avant », démontrant l’urgence. Le BIVB a rencontré les pépiniéristes et FranceAgriMer. Pour Claude Chevalier, l’ATVB (Association technique viticole de Bourgogne) est « vieillissante » pour palier ce fait. Le président de la CAVB, Jean-Michel Aubinel appelait donc la filière à se « mobiliser » et ainsi aussi aller chercher des soutiens financiers. Car pour Michel Baldassini, il n’y a pas de doute, s’il n’y a pas de solution à venir, les vignerons bourguignons devront envisager le « système champenois et changer ses vignes tous les 10-15 ans »…