Maladies du bois de la vigne
L’arsénite revient... à l’étude

Publié par Cédric Michelin
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L’arsénite de sodium, seul produit efficace envers les maladies du bois (esca, Black dead arm), devenu interdit en raison de sa toxicité pour l’Homme et l’Environnement, est de nouveau à l’étude. Cette recherche a pour objectif de comprendre son mode d’action envers ces maladies dans le but de trouver un produit de substitution ou un ensemble de moyens qui simulerait son action. Ce travail effectué par une approche multidisciplinaire alliant pathologistes, physiologistes et chimistes est financé par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le CNIV.
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A l'aube du XXe siècle, la lutte à l'égard de l'Esca avait trouvé son originalité dans la découverte de l'efficacité des composés arsénicaux. Un siècle plus tard, leur utilisation avait été interdite sans connaître réellement leur mode d’action à cause de leur toxicité envers l’Homme. Cette interdiction a eu pour conséquence l’augmentation des maladies du bois (esca, Black dead arm) dans notre vignoble qui inquiète d’autant plus les vignerons qu’aucune solution de remplacement n’a encore été trouvée. Eu égard la difficulté de trouver des méthodes satisfaisantes pour les contrôler, il a été jugé important de savoir comment un tel produit agissait. Ainsi un programme de recherches Casdar (2014-2016) financé par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et le CNIV a été mis en place regroupant différents organismes* de recherche, professionnels et des lycées viticoles alliant les compétences de différents domaines (pathologie, physiologie, chimie). Ce programme a pour but de comprendre son mode d’action pour trouver un produit de substitution ou un ensemble de moyens qui imiterait son action.

Un droguiste de Carcassonne



Les composés arsénicaux utilisés tout d’abord chez la vigne comme insecticides envers les pyrales, les altises, les vers de la grappe, etc. avaient montré une certaine efficacité à l’égard de l’esca au début du XXe siècle. Le premier emploi d’un tel produit a été réalisé par M. Arnal, droguiste à Carcassonne, qui présenta à la Société d’agriculture de l’Aude en 1903 une émulsion à base d’arsenic avec laquelle il badigeonna trois cents ceps dont les trois-quarts périrent. Son efficacité contre l’esca avait été observée l’année suivante après une reformulation. Ainsi, cette découverte a permis de contrôler cette maladie, qui mettait déjà en péril de nombreux vignobles à la fin du XIXe et au début du XXe siècle comme le soulignent des témoignages de l’époque. Cette maladie était préoccupante dans tous les pays viticoles du pourtour méditerranéen (Algérie, Espagne, France, Grèce, Italie, etc.). Dans notre pays, elle sévissait surtout sur la façade atlantique et le Midi.


De nouveaux travaux de recherche



Cette découverte de première importance pour la sauvegarde de notre patrimoine viticole a eu pour conséquence l’arrêt des travaux de recherche à la fin des années 20 sur cette maladie. Les études qui suivirent ont porté principalement sur l'amélioration de la formulation de ce fongicide et de son utilisation au vignoble : dates et doses d'application, mode d'application, cadence des traitements, seuil d’intervention, etc. L’augmentation du coût du traitement suite à l’adjonction d’un répulsif pour protéger le gibier a incité à l’utilisation de panneaux récupérateurs de bouillies qui ont aussi permis de mieux respecter l’environnement en diminuant le taux d’arsénite épandu sur le sol. Enfin, au cours des années 80, de nouveaux travaux de recherche sur cette maladie ont été initiés en France à l’INRA de Bordeaux en raison de son éventuel retrait et de l’identification d’une autre maladie de la vigne, l’eutypiose. A savoir que les produits arsénicaux n’avaient aucun effet sur cette dernière maladie. En novembre 2001, ils furent retirés du fait de leur toxicité non seulement pour l’Homme. Suite à cette suppression, les recherches financées par FranceAgriMer, l’Interprofession ou le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt se sont multipliées pour répondre à l’attente des professionnels de la vigne.

*Universités de Bourgogne, Haute-Alsace, Reims Champagne-Ardenne et
de Fribourg (Suisse), INRA/Bordeaux Sciences Agro, INRA de
Versailles-Grignon, Etablissements Publics d’Enseignement et de
Formation Professionnelle Agricole, Institut Français de la Vigne et du
Vin


Quelques témoignages de l’importance de l’esca au début du XXe siècle




« Les premières attaques d’apoplexie datent déjà d’un certain nombre d’années ; ainsi depuis sept ou huit ans, il a fallu remplacer environ de 125 à 200 souches par an et par hectare. Pour la seule année 1908, on a dû remplacer 950 ceps dans ce clos qui a une surface totale de 4 hectares à peine. Il s’agit, comme on le voit, d’une attaque très sérieuse dont le propriétaire du vignoble s’est justement ému. » (Anjou 1909).



« La marche est lente, progressive, mais le résultat final peut être tel que 10 ou 15 % d’un vignoble étendu peuvent être entièrement détruits. Assez fréquemment dans les vieilles vignes la proportion annuelle de 5% est atteinte, de sorte que dans les cas les plus graves, un vignoble peut être complètement ravagé en 15 ou 20 ans ; il faut donc, étant la gravité de cette maladie, l’étudier et la combattre. » (Midi 1923).



« La maladie de l’apoplexie étant la condamnation à brève échéance de beaucoup de vignobles, on est heureux d’entendre la confirmation de l’efficacité radicale des traitements arsénicaux. » (1923).

« Dans un autre vignoble où j’ai suivi l’évolution de la maladie (Grémian près Cournonterral, Hérault), une parcelle de 3 hectares d’environ 12.000 pieds, le tiers des vignes, 4.000 pieds environ avaient été remplacés depuis quelques années et l’on pouvait estimer à 6% la moyenne, par an, des ceps apoplexiés ; là aussi la maladie fut enrayée après que la cause en fut déterminée. » (Midi, 1926).