Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
Le calme avant… ?

Publié par Cédric Michelin
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Ce mardi 24 juin, l’Interprofession des vins de Bourgogne faisait le point en assemblée générale sur ses actions passées et à venir. Avec deux millésimes consécutifs aux "petits" volumes, le BIVB a finalement pu conserver son budget, avec la hausse des sorties, suite à la forte demande des marchés. Reste maintenant à confirmer la montée des prix consommateurs en réussissant le millésime 2014. La famille négoce prévenant tout de même que des « tensions » sur les marchés –amont et aval– apparaissent…
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« So far, so good ». L’expression anglaise du président-délégué du BIVB, Louis-Fabrice Latour, décrit la situation : « jusqu’ici tout va bien ». Et il est vrai que les marchés bourguignons à fin avril sont « honorables ». Malgré -12 % en volume, dû au manque de vins, le chiffre d’affaires global n’a, lui, baissé que de -0,8 %, traduisant la hausse des prix consommateurs. Mais le négociant beaunois décidait de « se lâcher un peu sur la conjoncture et donnait son opinion sur le marché aval » d’emblée. Pour lui, l’année 2015 s’annonce « compliquée » avec « le vrai rendez-vous du millésime 2013, moins demandé ». Le négoce craint des « réticences » plus fortes face à de nouvelles hausses de prix. Le négoce –qui a « accepté une baisse de ses marges »– se dit surtout « choqué » de voir leurs « prix plus chers qu’à la propriété ». Toutefois, la famille Négoce est d’accord avec le message interprofessionnel rappelant que « la Bourgogne est plus rare et plus chère ». Il estime que le négoce bourguignon aura besoin de « deux années pour revenir » à son équilibre, après les hausses « que nous avons du mal à avaler » en bourgogne rouge depuis deux ans, en mâcon blanc (+40 % la pièce en valeur) ou encore en chablis (+36 % la feuillette en valeur). Le ton était donc donné pour ce début d’assemblée générale.

Monter les prix dans le temps


Il fallait néanmoins attendre les rapports des commissions pour avoir la réponse de la viticulture, en l'occurrence au travers de la prise de parole du président, discrètement au gré de son rapport moral. Claude Chevalier reconnaissait certes que « c’est le négoce qui subit le plus ces hausses brutales des cours ces deux dernières années ». Avec une logique inversée faisant que c’est la politique de l’offre qui prévaut sur celle de vente, le viticulteur de Ladoix demandait néanmoins à ses collègues de « ne pas, du jour au lendemain, augmenter les prix sans explication ». « La montée en gamme est un travail de longue haleine », rappelait-il même s’il se disait conscient des problèmes de rentabilité de certaines entreprises viticoles, « surtout en appellations régionales ». D’ailleurs, le BIVB cherche à « savoir comment produire un peu plus et mieux » et répondre ainsi aux questions de « vieillissement » du vignoble, malade également (Esca, flavescence…). Heureusement, « la récolte 2014 s’annonce belle et devrait permettre d’être optimiste sur l’avenir ».


Les pépiniéristes sous surveillance ?


Claude Chevalier revenait également sur une maladie en particulier, la flavescence dorée. Après, « l’effroi » qui a conduit à arracher 12 hectares de vignes en Saône-et-Loire et des « réactions violentes » au plan de lutte collectif mis en place, les accusations de polluer, la profession « a intérêt à continuer la prospection pour supprimer le problème à la base ». Le Draaf de Bourgogne, Jean-Roch Gaillet, concluait d’ailleurs l’assemblée en rappelant que « l’Etat ne va pas transiger dans la lutte qui doit être totale contre ce danger sanitaire de première catégorie ». Mais le président du BIVB a récemment rencontré les services ministériels pour dénoncer le « problème des pépiniéristes qui ne sont pas capables de respecter la règle » du traitement obligatoire des plants à l’eau chaude, inscrit pourtant dans tous les cahiers des charges des ODG de Bourgogne.




80 % du budget dédiés aux actions


Le directeur du BIVB, André Ségala, expliquait le budget 2014/2015 « né du dialogue des deux familles ». Le plan Bourgognes Amplitude 2015 va être « repeigné à l’horizon 2020 », pour continuer structurellement « de faire monter en gamme les appellations de Bourgogne, notamment les régionales » ou encore « combattre l’irrégularité des cours ».
Le président du pôle Marché & Développement, Thierry Guerreiro veut d’ailleurs « recentrer des études sur le marché amont » sans pour autant délaisser les connaissances des marchés aval (cavistes, restaurateurs…). Le directeur du pôle, Philippe Longepierre expliquait le souhait donc de « mettre en place un observatoire » pour par exemple, analyser les coûts de production, réfléchir à développer de nouveaux outils de financement ou encore connaître le potentiel de production. « Cela doit déboucher sur du concret ; comme savoir s’il faut planter ou non en fonction des perspectives de marché », précisait Claude Chevalier.
Evidemment, ce travail va de pair avec celui du pôle Technique. En remplacement de la Crecep, structure permettant de coordonner les recherches scientifiques, la structure "Bourgogne Vignes et Vins" aura en plus pour but de « s’afficher à l’international » sur ce domaine d’excellence. Le président de la commission, Jean-Yves Bizot mettait l’accent sur le manque de moyens dédiés à la recherche dans la filière. « En France, c’est 0,31 % du chiffre d’affaires global des vins. Ce n’est pas normal pour une filière. La Bourgogne devrait avoir un budget de recherche –public et privé– autour de 40 millions d’€ par an », souhaitait-il. En attendant, le directeur du pôle, Jean-Philippe Gervais mutualise et coordonne. Ce qui aboutit sur des outils d’aide à la décision pour les vignerons, tel le service d’agrométéo Climéo ou l’outil en ligne (Extranet) permettant à tous les acteurs de s’évaluer sur les trois piliers du développement durable. Durable déjà dans le temps : « force est de reconnaître que notre vignoble est âgé. Il faut restaurer le potentiel de production », indiquait-il. L’installation de deux conservatoires –de pinots et chardonnays– ou les créations variétales (par rétrocroisements) résistantes à l’oïdium et mildiou en chardonnay, doivent « permettre de faire face » à ces évolutions.
Le trésorier élu, Albéric Bichot expliquait que le prochain budget « va pouvoir financer ces projets » car « malgré la petite récolte, il y a eu plus de sorties que prévu » aboutissant à +600.000 € de cotisations par rapport au prévisionnel. « Je rassure les 5.000 cotisants : 80 % du budget sont dépensés dans des actions, ça bosse au BIVB », souriait-il. Notamment pour sa principale mission, la promotion (59 %). Dernière nouvelle équipe, François Labet, président, et Pascal Loridon, directeur du Pôle Marketing & Communication, va s’appuyer sur la formation de prescripteurs et accentuer les relais presse sur « l’expérience Bourgogne ». Des stratégies qui seront déclinées sur les supports web pour notamment « se mettre au niveau de la jeunesse qui constitue la base de notre clientèle », anticipe François Labet. Les pays prioritaires pour le BIVB restent inchangés mais l’Interprofession compte « reprendre la parole en Allemagne » et « bien se préparer » au marché chinois.
Louis-Fabrice Latour saluait là, « une preuve de souplesse » permettant de « surveiller ou changer les pays émergents pour ainsi faire preuve d’opportunisme ».




Cité des Vins de Bourgogne : la marque blanche des années 2010


Responsable du développement de l’œnotourisme chez Atout France, Pauline Versace introduisait la partie consacrée au tourisme. En France, ce secteur « en croissance » est le premier secteur économique et représente environ 7 % du PIB national. Les touristes amateurs de vin ont généralement des revenus « élevés », supérieurs à 3.000 €/mois pour la moitié d’entre eux. Les dépenses des visiteurs durant leur visite sur les postes Vin sont évaluées à 203 €, dont la moitié sur l'achat de vin. Le reste se partage entre le restaurant, les stages et les produits dérivés (musée, boutique). En Bourgogne, région « de passage », la durée de séjour est en dessous (6, 7) des 8 jours en moyenne en France. 900 caves sont pourtant ouvertes au public, dont 375 adhérentes à la charte d’accueil du BIVB "De vignes en caves". L’interprofession estime que 15 % du chiffre d’affaires de ses vignerons est assuré par la vente directe grâce au passage de 2,5 millions de visiteurs. 20 % de visiteurs en plus sont attendus avec cette visibilité supplémentaire.
« Dans l’imaginaire de la clientèle, votre région apparaît fermée et elle demande donc à s’ouvrir. La Cité des Vins de Bourgogne répond à cette demande », indiquait-elle.
Pour une « expérience authentique » tendance, il est vrai que toutes les régions viticoles historiques se lancent dans de tels projets. Responsable du projet de Cité des vins au BIVB, prévu pour 2017, Jérôme Diguet rappelait que « les touristes sont concentrés entre Dijon et Beaune » pour l’instant. L’idée étant donc de les répartir de la Cité « mère » vers les Cités « filles » réparties dans les différents vignobles. La Maison mâconnaise des vins étant pressentie pour être une d’elles. Evidemment, les questions de financement étaient soulevées, notamment par Aubert de Villaine, président de l’Association défendant l’inscription des Climats de Bourgogne à l’Unesco. La Région, par la voix de son président François Patriat, indiquait « s’engager à hauteur du département de Côte-d’Or », tandis que ce dernier rétorquait qu’elle « s’engagerait à hauteur de la Région ». La ville de Beaune les invitait donc à suivre leur exemple avec la communauté, mettant sur la table 4 millions d’€. Forcément, le projet de Cité des civilisations du vin à Bordeaux, présenté par Sylvie Cazes, sa présidente, faisait rêver. Appelant à se montrer plus « enthousiastes », Louis-Fabrice Latour insistait sur le fait que « le BIVB veut rester maître d’œuvre (3 millions d’€, soit 20 % du total) », contrairement à Bordeaux où il s’agit de la ville qui décide. « Ce grand projet fédérateur sera la marque blanche des années 2010 », concluait le président-délégué du BIVB.