Bocage bressan
Redonner de la valeur aux haies

Publié par Cédric Michelin
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Le bocage bressan présente une forte érosion de son linéaire boisé depuis les années 1970. Cette érosion est toujours d’actualité et risque de s’accélérer avec l’évolution technico-économique des exploitations. Souvent perçue désormais comme une contrainte, la haie doit retrouver des atouts, qu’elle a déjà naturellement. Vendredi à Saint-Usuge, agriculteurs, chasseurs, naturalistes… en étaient tous persuadés : la préservations des haies passera par sa valorisation future. Reste à organiser sa filière.
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« Quand on prend le temps de s’arrêter pour regarder la nature, on se dit que nos parents ne faisaient pas n’importe quoi ! ». Président de l'USC et associé du Gaec des Bruyères à Saint-Usuge, Frédéric Bernard a bien compris que pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. C’est pourquoi, il veut valoriser ses haies. Avec ses trois associés, l’exploitation laitière (1,7 million de litres ; 350 ha de céréales ; 150 ha de prairies) en possède 38 kilomètres linéaires. Avec l’aide de la Fédération départementale des chasseurs, du Centre régional de la propriété forestière et de la chambre d’Agriculture, ses haies - et d’autres d'ailleurs - ont été étudiées et catégorisées. Résultat sur son exploitation : 11 km dits "intéressants" à entretenir ; 20 km idéales pour faire des coupes de bois et 7 km jugés « inintéressants ». Car pas la peine de nier, il existe plusieurs types de haies, plus ou moins intéressantes, selon le critère que l’on choisit : agricole, chasse, biodiversité… Mais dans une structure de production, le premier critère est désormais économique. Frédéric a donc fait ses calculs. « On chauffe quatre ménages et l’habitation de mon père avec, en passant 400 stères de bois, soit environ 10.000 m3. C’est bien, mais ça fait du boulot ! 200 heures environ et un coût d’entretien de 2.500 €/an pour 10 km de haies ». C’est la principale menace qui plane au dessus des haies, la rentabilité par rapport aux autres tâches à réaliser sur l’exploitation. L’agriculteur le reconnaissait d’ailleurs logiquement : « arracher du linéaire permet d’améliorer le temps de travail ».

« Une corde de plus à son arc »


Lui aussi investi dans la démarche Agrifaune, qui marie les intérêts de l’agriculture et de la chasse, Didier Laurency livrait son analyse, lui qui est par ailleurs président de la coopérative Bourgogne du Sud : « la Bresse est une zone intermédiaire, riche de toutes ses productions possibles (céréales, lait, volailles…) et capable de s’adapter avec plusieurs marchés, mais sans rendement phénoménal. Soumis aux marchés mondiaux, en en subissant les aléas des cours, il nous faut développer la part des énergies renouvelables dans nos chiffres d’affaires - comme en Allemagne - pour avoir une corde de plus à notre arc dans le futur ». Une stratégie à long terme validée par tous les économistes qui prévoient une hausse croissante du prix de l’énergie dans un monde devant bientôt compter 11 milliards d’habitants.

Futur remembrement naturel


Reste qu’en Bresse, l’heure est à l’action car le temps presse. La chambre d’Agriculture a identifié qu’un quart des exploitations bressanes ne sont « pas professionnelles », notamment dans le « Louhannais et en se rapprochant de l’Ain », indiquait Laurent Lefèvre, technicien chambre basé à Saint-Germain-du-Bois. Ces dernières sont généralement en passe d’être démantelées du fait de l’âge avancé de leur propriétaire et de leur non rentabilité économique. « Il va falloir maintenir l’élevage qui porte le bocage, reprenait Didier Laurency car, au contraire du remembrement céréalier, ce sont désormais plusieurs exploitations qui regroupent leurs parcellaires pour améliorer leurs revenus ». Une tendance qui s’accompagne souvent « d’une hausse des surfaces arables et d’une baisse des prairies - pour faire plus de maïs consommation et ainsi mieux amortir le matériel - alors que tous les terrains n’ont pas vocation à être labourable », complétait Laurent Lefèvre.

Organiser la production de plaquettes


Pour valoriser les haies, la principale solution - la plus rapide à mettre en place - serait de « faire des plaquettes » de bois énergie. Une filière est donc à structurer pour compléter celle déjà en place par endroit.
La chambre d’agriculture a donc décomposé les prix de reviens de cette production. Résultat, la solution globale la plus compétitive est d’utiliser de « gros broyeurs ». Les coûts de production descendent alors à 10 €/m3 alors que les prix de marché plaquette sont compris entre 20 et 30 €/m3.
Côté bilan économique donc, comparé avec une conduite d’entretien de haie basse et une conduite en haie haute valorisée par l’exploitation du bois sur une rotation de vingt ans, l’étude de la FDCuma Nièvre montre un déficit d’environ 400 € du kilomètre pour le premier - pourtant pratiqué dans le sud de la Bresse ou le Charollais-Brionnais - cas contre un gain d’environ 50 € du kilomètre dans le second.


Coordonner les tournées de broyage


Le but de la journée était donc aussi de montrer ce type de matériel en action.
Anthony Quillard de l’entreprise de travaux du même nom située à Saint-Usuge faisait une démonstration d’un lamier à scie (4 lames) pouvant couper des bois de 20 cm de diamètre jusqu’à 8 mètres de hauteur, le tout monté sur un tracteur de 140 ch avec protections forestières. « Ce n’est pas intéressant de rentrer des petits bois », expliquait-il. Et au vu du broyeur de 500 ch amené par la SARL Ain Environnement située à Bourg-en-Bresse, on comprenait vite pourquoi. Dans ce cas, compter produire 40 m3 par mètre linéaire de haie. « En fonction de la qualité, du tonnage et de la distance, on paye entre 15 et 30 €/t » indiquait le gérant, Olivier Carlet, qui effectue des tournées sur tout l’est de la France, avec sa douzaine de machines. « En 10 minutes, on est prêt si le bois est en place en bord de route. Le débit de chantier est alors de 100 à 150 m3/h ». Les chaudières industrielles (Lyon, Bourg, Lons, Pierrelatte…) à qui il livre, acceptent des plaquettes allant jusqu’à 65 % d’humidité. Mais pour une utilisation en chaudière individuelle, l’humidité ne doit excéder 25 %, et un stockage « bien aéré » est nécessaire pour le séchage par fermentation naturelle.
En parallèle, il faudra également développer les débouchés. De nombreux acteurs sont là aussi à mobiliser (Conseil régional, CAUE, Ademe…). Mais quand la volonté est là - comme l’illustrait la mairie de Bosjean qui s’est équipée d’une chaudière collective à plaquettes - la réussite est au rendez-vous. Un bel exemple à multiplier, tant au niveau collectivité qu’au niveau des particuliers.