Beaujolais
Une reconstruction attendue

Publié par Cédric Michelin
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Dominique Piron préside les crus chénas et morgon. Entretien avec le viticulteur - négociant de Villié Morgon sur les projets qu’il défend pour ces appellations et le Beaujolais en général. Rencontre.
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C’est l’une des figures emblématiques du Beaujolais. A 66 ans, Dominique Piron continue
de gérer les domaines qui portent son nom. Celui qui a notamment eu la chance de faire déguster trois de ses vins (un saint-amour, un morgon Côte du Py et un chénas Quartz) au président chinois Xi Jinping, lors de son passage à Lyon le 25 mars 2014, est revenu sur
le devant de la scène. Entre la présidence des crus chénas et morgon et sa possible élection à la tête d’Inter Beaujolais*, le viticulture-négociant se confie sur les projets qu’il porte.

Retour au premier plan



Lors de la dernière assemblée générale de l’ODG des crus du Beaujolais, la présidente Audrey Charton se félicitait du retour de certaines têtes d’affiche dans les instances viticoles. « Des viticulteurs s’étaient mis à l’écart des organisations professionnelles et ont construit leur commercialisation. Aujourd’hui, ils s’investissent à nouveau pour le collectif », avait elle déclaré. Si Dominique Piron n’était pas le seul visé, il s’était forcément reconnu à travers cette déclaration.
Le viticulteur dévoile justement les raisons de son retour. « Il était difficile de rentrer dans des structures d’appellation qui, selon moi, se sont sclérosées. Des personnes influentes du vignoble ne s’y sont plus intéressées. Quand l’ODG des crus a décidé de quitter l’Union des vignerons du Beaujolais et donc de se séparer de l’ODG beaujolais - beaujolais villages, cette scission m’a navré. Peut-être que les raisons étaient sincères mais ce n’était pas forcément le bon chemin pour moi ».

Chénas, une présidence et un projet



Sa volonté de s’impliquer s’est concrétisée avec le cru chénas, dont il a accepté de prendre la présidence durant l’été 2015. « J’ai des vignes sur chénas depuis une dizaine d’années. On m’a demandé de prendre la place de président laissée vacante. Je l’ai acceptée à la seule condition que nous mettions en place un projet collectif destiné à élever les vins de l’appellation chénas. Elle est intéressante grâce à ses terroirs et à la personnalité de ses vins. C’est d’autant plus facile de créer un projet quand un collectif de viticulteurs est soudé. L’objectif est clair : tirer les cuvées vers le haut et par conséquent, augmenter les prix et attirer de nouveaux consommateurs et clients », estime Dominique Piron.
Sous son impulsion, la greffe a rapidement pris. Depuis plusieurs mois, les responsables du cru travaillent avec la chambre d’agriculture pour élaborer ce projet de montée en gamme qui porte sur trois ans. Celui-ci avait débuté par une dégustation des cuvées du millésime 2015 en octobre dernier dans la cave du château de Chénas. « Au printemps, nous avons organisé une seconde dégustation des vins avec Delphine Engel, oenologue à la chambre d’agriculture. D’autres initiatives sont envisagées. Je tiens à réunir des intervenants extérieurs du cru chénas afin de leur expliquer notre projet et leur montrer que la richesse de cette appellation est sa diversité. Leurs conseils peuvent aussi nous être utiles », annonce-t-
il. Avant les vendanges, une dégustation de baies devrait être organisée, susceptible d’être associée à des conférences sur des thématiques techniques (égrappage, etc.). « Notre ambition est aussi de valoriser un vignoble qui se prend en charge, à l’image des coteaux du Lyonnais il y a quelques années. Il faut qu’on ait une véritable histoire à raconter aux clients », ajoute-t-il.

Morgon, un retour naturel



Quelques mois après le cru chénas, Dominique Piron a succédé au duo Loïc Bulliat - Christophe Poulard à la présidence du cru morgon. « Des élus avaient aussi annoncé leur départ du conseil d’administration. Ça m’a touché car je suis né ici, à Morgon. Je ne pouvais pas laisser tomber cette appellation majeure du Beaujolais, dans le sens où elle est très diversifiée. Cette prise de fonction s’est faite naturellement », reconnaît-il. Le nouveau
représentant du cru morgon a fait appel à de nombreux producteurs pour redonner une dynamique. L’équipe devra notamment relancer le caveau du cru morgon. « C’est un caveau incontournable du Beaujolais, le premier à avoir été créé (en 1953). S’il a fonctionné par le
passé, son activité a baissé ces dernières années car, comme beaucoup de caveaux du Beaujolais, il ne s’est pas adapté aux nouveaux modes de consommation et d’achat
», dit-il.
Un premier « brainstorming » a été organisé pour poser les bases d’un projet concret. « De toute façon, il faudra déjà relancer les ventes car on a besoin d’argent pour atteindre nos objectifs. Nous devons aussi repenser le rôle de ce caveau. Cela passera forcément par la mise en place d’autres activités. Nous aurons également besoin de procéder à quelques
aménagements afin de moderniser les lieux
», assure-t-il. D’autres travaux sont envisagés par Dominique Piron, comme la relance des fichiers clients et l’utilisation des réseaux sociaux. A l’échelle du cru, le président souhaite défendre l’appellation et ses produits et communiquer
auprès des viticulteurs.

Président d’Inter Beaujolais



L’assemblée générale d’Inter Beaujolais s’est tenue ce mercredi 13 juillet au 210 à Villefranche, avec comme principal temps fort, l’élection du nouveau président. Depuis plusieurs semaines, Dominique Piron était pressenti pour prendre la tête de l’interprofession, pour le collège négoce. Sa possible nomination (voir encadré) marque définitivement son retour après avoir occupé la vice-présidence en 2006, déjà en tant que représentant du négoce. « J’ai accumulé un peu plus de capital confiance et d’expérience. Je me suis dit que je pouvais rendre service pour ces deux prochaines années ». Il enchaîne sur sa vision du vignoble : « la viticulture a changé. Des viticulteurs ont des cartes de négoce et des négociants investissent dans des vignes. De par mon parcours, je peux en quelque sorte faire le lien entre les deux parties d’autant plus que les querelles d’hommes se sont apaisées ces derniers mois. Je pense que les ODG doivent régler les problèmes liés à la production et Inter Beaujolais doit s’occuper de l’image du vignoble, tout en redevenant un vrai parlement. La reconstruction du vignoble ne se fera pas en un claquement de doigt. Il faudra, quoi qu’il arrive, réunir les acteurs du vignoble pour regagner des parts de marché », conclut le viticulteur de Villié Morgon qui, par ailleurs, a récemment laissé la vice-présidence de l’ODG des crus.