Production bovine américaine
Des pratiques surprenantes

En production bovine, si la France et l’Europe s’imposent des contraintes sanitaires fortes, les États-Unis vivent bien plus librement. Le consommateur américain est peu sujet aux angoisses alimentaires, un avantage pour les producteurs et industriels, même en termes d’environnement !
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Les éleveurs français dénoncent une réglementation trop drastique concernant l’environnement, le bienêtre animal ou la sécurité sanitaire. À l’inverse, aux États-Unis, « le cadre réglementaire est globalement peu contraignant et impose un nombre très limité de restrictions au niveau fédéral », observe l’Institut de l’élevage (Idele).

De la litière de volailles en aliment


« Les seules réglementations concernent le transport des animaux, la qualité des eaux de surface et les modalités d’utilisation de certains antibiotiques comme facteurs de croissance », continue l’Idele. Et effectivement, utiliser de la litière de volaille usagée pour nourrir les bovins en phase de repousse n’est, par exemple, pas un problème.
Au contraire, à lire les publications scientifiques américaines sur le sujet (1), il est facile de se laisser convaincre de l’intérêt nutritionnel et économique de cette technique. La litière, de par les déjections des volailles, affiche un taux de protéine, de minéraux et d’oligo-éléments élevé, accompagné d’une bonne digestibilité.
Certaines précautions doivent être cependant prises quant à la transmission de salmonelle ou autres bactéries, mais le problème est résolu, avec un traitement par la chaleur. Selon l’Idele, « les quantités recommandées de litière peuvent aller jusqu’à 80 % de la matière sèche de la ration des vaches taries et 50 % de celle des animaux en repousse. Afin d’éviter tout résidu d’antibiotique dans les produits de bovins, il est simplement recommandé d’arrêter la distribution de litière quinze jours avant l’abattage et pendant les périodes de lactation ». Une publication recommande de travailler avec les éleveurs de volaille pour éviter d’éventuels morceaux de verre dans les litières ou encore des restes de pesticides, utilisées parfois dans les maisons d’élevage (2).

Différence de perception


Interrogé sur le sujet, John Brook, directeur régional pour l’Europe, la Russie et l’est de l’Europe de US Meat Export Fédération, reconnaît « une très grande différence sur la perception de l’alimentation » entre les consommateurs américains et leurs homologues européens.
La crise de l’ESB a laissé des traces profondes en Europe et a créé « une grande suspicion ». « Nous, nous n’avons jamais eu ce genre de problème, même s’il reste toujours des problèmes d’activités biologiques [contaminations bactériennes, ndlr]. Le risque zéro n’existe pas. Mais quand la Food and Drug Administration (FDA) donne son approbation, il n’y a pas de débat », explique-t-il. Il ne connaît pas l’utilisation de la litière usagée de volailles dans l’alimentation des bovins. Par contre, l’utilisation de farines de sang de bovins pour les veaux ne lui est pas étrangère.
Pour l’Idele, « plus de 70 % des farines de sang utilisées en alimentation animale aux USA le sont par les ruminants, principalement par les veaux, en remplacement du lait de vache et chez les vaches laitières. Chez les animaux adultes, les farines de sang sont avant tout utilisées comme source alternative de protéines ». S’il a été prouvé que le sang est un vecteur de transmissions de maladie à prion pour les ovins, la FDA estime que cela est « hautement improbable » pour les bovins, rapporte l’Idele. L’utilisation de farine de monogastrique (porc) est également utilisée dans l’alimentation des bovins.

Concilier économie et environnement


Lors d’une conférence de presse organisée par l’Office international de la viande (OIV) le 2 décembre, cette utilisation des produits d’origine animale est revenue sur le tapis, car elle instaure une réelle différence de compétitivité entre les pays. Par ailleurs, à l’image de la litière usagée de volaille qui semble mieux valorisée dans le rumen des bovins qu’épandue comme engrais, l’utilisation de ces coproduits soulève des questions environnementales.
« Nous avons fait des végétariens de nos animaux d’élevage », explique Guillaume Roué, président de l’OIV, en pensant au porc et à la volaille. Il s’énerve d’ailleurs à voir partir des camions entiers de graisse de cochons français vers l’Espagne pour y régaler les cochons espagnols. Produire plus de viande plus vite et sur les mêmes surfaces, c’est aussi protéger l’environnement. Comment concilier alors contraintes économiques, environnementales et exigence des consommateurs ? « C’est bien la contradiction entre réduire au maximum l’empreinte environnementale et notre capacité à le faire », analyse Guillaume Roué en cette période de Cop 21. Pas sûr effectivement qu’en Europe, les hormones de croissance soient autorisées un jour. Pourtant, selon John Brook, le bénéfice pour l’environnement serait indéniable et en plus, c’est économiquement rentable !
On ne joue décidément pas dans la même cour !

(1) Alabama Cooperative Extension System, 2000. Feeding broiler litter to beef cattle, ANR-557
(2) Dale R. ZoBell, Gary Anderson, Clell Bagley, 1999. Utilisation of turkey waste material in beef cattle diets, Utah State, University extension. July 1999