Filière Bovins viande
La fuite de la valeur ajoutée

Dans la filière charolaise, les éleveurs ont fait des gains de productivité captés par l’aval ! On le savait, mais quand c’est dit et écrit par des chercheurs, cela conforte un ressenti et oblige celles et ceux qui refusent la réalité à ouvrir leurs yeux. Qui plus est quand ils sont aux affaires…
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Dans la filière Bovins viande, « il apparaît que la quasi-totalité de ces aides Pac du premier et second pilier ait été captée par l’aval des filières alimentaires » depuis trente-cinq ans. Cette phrase est extraite d’une publication de l’Inra et de l’Université de Lille, présentée les 7 et 8 décembre (1). Patrick Veysset, Michel Lherm, Pierre Natier et Jean-Philippe Boussemart se sont interrogés sur « la formation et la répartition des gains de productivité en élevage bovin viande ». Leur conclusion est sans appel : les éleveurs ont fait des gains de productivité, captés en partie par l’aval ! On le savait…
« L’analyse de la répartition des ressources productives du secteur bovin viande charolais au cours des 35 dernières années montre que les clients de la filière ont été les principaux gagnants via la baisse des prix », écrivent-ils dans leur conclusion. Et le financement de ces baisses de prix a « été essentiellement assuré par l’État et l’Union européenne via l’ensemble des aides publiques ».

Ancrer les productions aux territoires


Ainsi, « le transfert du gain économique du citoyen (l’État) vers l’aval n’a pas forcément bénéficié au consommateur », observent les chercheurs. Pour ces derniers, « les gains de productivité du travail des éleveurs masquent l’érosion de la productivité des autres facteurs » comme le foncier ou le capital.
Une manière de lutter contre cette fuite de la valeur ajoutée vers d’autres maillons de la filière résiderait, selon ces mêmes chercheurs, dans l’attachement des productions agricoles au territoire « à travers la production de proximité (engraissement des animaux localement) et les labels de qualité ». D’après eux, l’enjeu pour les agriculteurs sera bien de « capter une partie des services prenant de plus en plus de place dans la consommation alimentaire ».

(1) : "Formation et répartition des gains de productivité en élevage bovin viande. Qui sont les gagnants et les perdants sur les 35 dernières années ?", Veysset P., Lherm M., Natier P., Boussemart J.P. ; Rencontre Recherche Ruminants, 2016.