Campagne viticole 2014
Déjà en réflexion globale pour 2015

Publié par Cédric Michelin
-
Les 27 et 28 novembre, du Beaujolais aux Maranges, le service Vigne & Vin de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire a organisé six réunions pour tirer les principaux enseignements de la campagne 2014, tant d’un point de vue technique que sanitaire. Après l’enquête papier, l’occasion pour les viticulteurs présents de venir donner et confronter leurs expériences terrains et ainsi co-construire les stratégies conseils de protection à venir. Une « réflexion globale » est d’ailleurs lancée pour 2015.
129410--DSC_0113.JPG
« Si vous n’êtes pas d’accord avec nous, ça m’intéresse, explique Benjamin Alban à l’attention des viticulteurs. Vos critiques constructives et observations terrain nous intéressent » au service Vigne & Vin de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire. Ce message passé, le technicien résumait la campagne 2014, en se calant sur les principales attaques de maladies et ravageurs (1er mars au 30 août).
La climatologie joue évidemment et le millésime restera marqué par des températures sur l’année « bien plus chaudes » que l’an dernier jusqu’au mois de juin pour laisser ensuite place à un été « pourri » par la pluie, qui a atteint en juillet à nouveau les records de l’an dernier. Forcément, le développement de la vigne s’en est trouvé impacté. Avec un démarrage précoce, l’évolution phénologique « s’est tassée » à partir de la floraison pour se rapprocher finalement des moyennes décennales. Au final, les dates des vendanges ont été dans les « nouveaux standards » bourguignons, à savoir début septembre.

Changements « brutaux » de températures



Comme « quasiment tous les ans malheureusement », des accidents climatiques ont frappés le vignoble de Saône-et-Loire. Le gel de printemps (Mâconnais, Beaujolais…), la grêle du nord mâconnais au sud chalonnais (secteur de Lugny, vallée de la Grosne en particulier) ont en particulier provoqué de « gros dégâts en volume », beaucoup moins médiatisés que ceux de Côte d’Or. D’autres pertes de récoltes sont aussi à déplorer avec l’échaudage et la grillure. Des changements « brutaux » de températures qui posent la question de l’adaptation possible à long terme.

Mildiou : « exceptionnellement sain »



Sur le volet sanitaire, le printemps sec a permis d’avoir une année de « faible » pression - voire nulle - en terme d’attaques mildiou. « On n’en voyait pas jusqu’à fin juillet », témoigne Benjamin Alban, encore circonspect et ce, malgré plus d’une dizaine d’épisodes de contamination entre fin avril et fin juillet. C’était sans compter sur un nouveau développement rapide de l’épidémie en août avec pour certains, en raison des différences nettes de qualité de protection avant vendanges en fonction du dernier traitement fait soit mi juillet soit début d’août. Reste que 2014 est « exceptionnellement sain » en terme de mildiou sur grappes.
Idem côté oïdium. Le printemps sec a là aussi été défavorable à l’oïdium. Les premiers symptômes sur grappe ont été découverts au 23 juin, mais au final l’évolution fut « faible » ensuite. Un viticulteur de Fleurie témoignait avoir vu des attaques sur grappes et des parcelles « cramées » sur gamay. « Ça empire depuis 3 ans avec les soufres mouillés ».
Après avoir tiré la sonnette d’alarme ces quatre dernières années, le service Vigne & Vin constate une amélioration en terme d’attaque black-rot. « C’est la bonne surprise même si on ne comprend toujours pas puisque les conditions étaient annoncées défavorables ».

Présence de Suzukii



Avec l’été humide, les conditions étaient également favorables au botrytis. Heureusement, les conditions météorologiques de septembre ont stoppé son développement, « sauf sur pinot et les secteurs grêlés ». Les viticulteurs ont bien ressenti que « c’est la météo qui nous a sauvé, (…) pas les produits ».
Remontant la vallée du Rhône, la présence de l’implantation des drosophiles Suzukii a été confirmée sur tout le vignoble de Bourgogne. « Il y en a de partout mais on ne sait pas dire si c’est pour cela qu’on a eu de grosses attaques de pourriture acide », nuance Benjamin Alban. Reste que la particularité de cette espèce de mouche est de s’attaquer à des fruits sains, en infligeant des blessures aux baies de raisin, à la différence des autres. Cette année, la pourriture acide s’est montrée 8-10 jours avant récolte, ce qui ne permet pas, de toute manière, de traiter avec des produits conventionnels.

Le retour des cochenilles



La pression des tordeuses de la vigne fut au final « moyenne » et « très étalée ». Dès lors, pas évident de positionner les traitements avec le croisement de différentes « générations » à un même instant. « Selon le mode d’action du produit et l’évolution étalée de la biologie de l’insecte, on ne sait plus trop où taper ? », constatait le technicien. Lui et ses collègues - du Mâconnais, du Beaujolais et du Chalonnais - constatent également le retour des cochenilles, , parfois à de fortes concentrations (jusqu’à 300 femelles par pied) sur « des coteaux entiers » faisant « presque crever » les vignes ainsi affaiblies.
Peu ou pas de dégâts en revanche provoqués cette année par les manges bourgeons, pyrales, cicadelles vertes ou en raison d’érinose, d’acariose ou de galles phylloxériques.


La question des araignées rouges



« Le raccourci qui m’irait bien, serait de dire que les traitements flavescence dorée ont tué les auxiliaires naturels, typhlodromes notamment, ce qui aurait provoqué le retour des attaques d’araignées rouges. Mais deux choses se passent : un, on avait déjà vu leur retour avant (2007/2008) et deux, on constate dans quelques essais que les typhlodromes ne sont pas sensibles aux traitements contre la flavescence dorée », constatait pour l’instant Benjamin Alban.




Maladies du bois : une année « moins pire » ?



Le printemps sec 2014 aura été défavorable aux maladies du bois, et notamment à l’Esca-BDA. On a passé pour la première fois cette année dans le réseau BSV à moins de 1% de mortalité en moyenne par parcelle. Côté flavescence dorée, après cette première année avec des aménagements du nombre de traitements obligatoires selon les zones et les observations, 1.900 vignerons ont participé à la prospection qui reste le « pivot » de la lutte. Les organismes de défense sanitaire feront d’ailleurs un bilan complet du plan le 12 décembre à la salle des fêtes de Mercurey (17h) et le 15 décembre au foyer rural de Saint-Gengoux-de-Scissé (17h).



Les préconisations 2015



Une fois ce large bilan établi, place aux préconisations 2015. La stratégies ne changent pas en mildiou. Pour retarder l’apparition de phénomène de résistance des souches, « veuillez ne pas utiliser la même famille chimique plus de deux fois dans la même campagne et si possible pas deux fois de suite », préconise de manière mnémotechnique la chambre d’Agriculture : dans la réalité le technicien rappelle qu’en réalité, la gestion des phénomènes de résistance doit respecter les prescriptions des « notes nationales » avec certaines familles qu’il ne faut utiliser qu’une fois au maximum.
Nouvelle stratégie en revanche contre l’oïdium. Au vu des essais, le premier traitement peut être positionné au stade 9-10 feuilles étalées « sauf sur les parcelles historiquement sensibles, ou si vous démarrez la lutte au soufre ou si votre matériel de pulvérisation est peu performant », dans ce cas démarrer au stade 7-8 feuilles étalées. Poursuivre dans les deux cas la protection jusqu’à la fermeture de la grappe. Si aucun symptôme n’est observé 10 à 20 jours après le dernier traitement fait à fermeture de la grappe, arrêter les traitements ; sinon, poursuivre la protection jusqu’à début véraison.
Sur le sujet des ravageurs et suite à un contexte sanitaire « de plus en plus compliqué », le service Vigne & Vin entame une « réflexion globale » pour proposer dès le printemps 2015 de nouvelles stratégies de protection intégrant tous les ravageurs. « Depuis 5 ans, un truc est en train de se passer côté ravageurs ! »




633 €/ha économisés



Le service Vigne & Vin a également fait le bilan de ses enquêtes culturales 2014. Une centaine de viticulteurs ont en effet répondu pour permettre de mieux connaître les programmes de traitement. Ce sont principalement des Mâconnais qui ont répondu « avec également une surreprésentation des exploitations en bio dans cette échantillon (10 % des réponses pour 3 % des surfaces).
Si la satisfaction est au rendez-vous en ce qui concerne l’efficacité des programmes et l’utilisation des pulvérisateurs « à bon escient et bien réglés », en moyenne, 7-8 passages ont été pratiqués en anti-mildiou (variabilité allant de 4 à 12 passages), idem en anti-oïdium (de 5 à 14 passages). Au final, pour cet échantillon, l’indice de fréquence de traitement (IFT) en mildiou est de 6,3 (9,3 en 2013, -30%) et 7,4 en oïdium (contre 9,4 en 2013) pour donner au total un IFT de 17,5 en 2014 soit une baisse de 26 % par rapport à 2013. En se basant sur les bases de prix/ha indiquées par le « coût des fournitures en viticulture œnologie 2014 », cela correspond à une économie potentielle de 30% à 633€/ha (contre 884€ en 2013).
« Pour information, nous n’avons jamais eu autant d’appels téléphoniques de viticulteurs dénonçant que d’autres vignerons font n’importe quoi en terme de respect des règles de bonnes pratiques élémentaires pour traiter », indique la chambre d’Agriculture. Des comportements pénalisants puisque l’interdiction de traiter à 200 m de lieux publics est toujours examiné par les législateurs. La moitié du vignoble de Saône-et-Loire serait alors directement concerné a enquêté le service Vigne & Vin.