Exportations de viande bovine
L’Inde va perdre en compétitivité

Publié par Cédric Michelin
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Premier exportateur de viande bovine en 2015, et de viande de buffle en particulier, le potentiel de croissance de l’Inde reste important. Mais il reposera en partie sur la création de filières d’engraissement de jeunes buffles mâles…
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Dans une étude consacrée à "L’Inde, leader émergent sur le marché mondial de la viande", l’Institut de l’élevage analyse les ressorts de l’expansion fulgurante des exportations de viande bovine ou plus précisément de viande de buffle. Elle provient essentiellement de l’abattage de bufflonnes réformées d’une dizaine d’années (élevées pour la traction et pour la production de lait) et de mâles de plus de trois ans. La viande est en Inde un sous-produit bon marché qui n’a pas particulièrement de valeur sur le marché intérieur alors que les Indiens consomment, en moyenne, 1,3 kg par an. Le secteur de la viande bovine est confronté aux interdits religieux hindous et aux répréhensions. Ils freinent la production de viande de zébus et de vaches, interdits à l’abattage, soit 32 % de l’effectif des bovidés, et limitent, par conséquent, l’approvisionnement du marché domestique.
L’abattage de buffles est cependant autorisé dans l’ensemble des grands bassins de production. Depuis une dizaine d’années, les débouchés à l’export de la viande de buffle valorisent un produit sans coût de revient et sans réel prix sur le marché intérieur. Une véritable situation de rente !
La viande bovine indienne est en effet la moins chère au monde ! A 2,4 €/kg équivalent carcasse en moyenne en 2014, les découpes de viande étaient 30 % à 50 % moins chères que chez ses principaux concurrents, selon l’Institut de l’élevage.

Elever des millions de bufflons abandonnés


En cinq ans, l’Inde a détrôné le Brésil et est devenue le premier exportateur mondial de viande de bovidés bon marché en multipliant par trois les tonnages commercialisés alors que les ventes de viande de zébus et de croisés alimentent un marché souvent informel vers le Bengladesh…
L’exportation massive de carcasses de viande de buffle a créé des nouvelles structures d’abattage et a organisé la "cueillette" des bufflonnes réformées et des mâles dans les fermes. Il n’existe pas, à proprement parler, d’exploitations d’élevage de bovidés destinés à la production de viande. La quasi-majorité des paysans détiennent moins de trois animaux. L’export de viande bovine est en grande partie alimenté par l’Etat de l’Uttar Pradesh au nord de l’Inde qui concentre à lui seul 28 % du cheptel de buffles du pays. Sur les 50 millions de bovidés recensés, les deux tiers sont des buffles. La modernisation des sites d’abattages et une rationalisation de la collecte des animaux a permis de multiplier par trois la production de viande bubaline (600.000 tonnes équivalent carcasse).
Mais cette cueillette de réformes se tarit.
A l’avenir, l’approvisionnement du marché devra être assuré par des prélèvements dans d’autres Etats indiens où l’élevage de bovidés est six fois moins important en termes d’effectifs et l’abattage des animaux, même des buffles, est souvent encadré, voire interdit. « Une autre option réside dans la mise en place de centres d’engraissement de grande taille visant à récupérer les jeunes buffles mâles abandonnés à la naissance ou à inciter les éleveurs à conserver ces animaux en contractualisant leur engraissement ».
Chaque année, 14 à 18 millions de jeunes mâles ne sont en effet pas gardés pour être élevés et ensuite être utilisés comme animal de trait. Mais le pays est déficitaire en fourrages (avec 350 m² par bovin disponible dans les exploitations) et les Indiens ont peu d’appétit pour la viande bovine.
Aussi, toute production de fourrages supplémentaire pour élever des bufflons se ferait-il aux dépens des cultures vivrières ou destinées à la vente. Les animaux à l’engrais ne pourront plus se contenter des résidus des cultures ou de l’herbe à brouter au bord des parcelles.
Ainsi, créer de toutes pièces une filière d’élevage de jeunes bufflons de 12 mois (100 kg de carcasse) suppose des prix de vente attractifs, plus élevés qu’à ce jour pour couvrir les charges des éleveurs. L’essor de la filière indienne sera donc davantage lié à la conjoncture mondiale…