Filière laitière bovine régionale
Quel avenir en Bourgogne ?

Publié par Cédric Michelin
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Le 23 juin le Conseil économique social et environnemental de Bourgogne a présenté un avis déterminant sur la filière lait bourguignonne. Un avis motivé par la disparition des quotas laitiers et la création de la grande région Bourgogne-Franche-Comté. Ce qui modifie en profondeur la situation actuelle et amène à réfléchir à l'avenir de la filière laitière bovine de façon constructive.
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La filière laitière bourguignonne est à la croisée des chemins : entre la fin des quotas et la création de la future grande région, Bourgogne-Franche Comté. Face à cette situation inédite, le Ceser s'est interrogé sur la capacité de la filière à négocier ce virage. Le Ceser, qui a présenté son avis au Conseil régional le 23 juin dernier, appuie sa démonstration sur un examen approfondi de la situation actuelle et étaie quelques arguments en forme de prospective. La question « Quel avenir en Bourgogne pour la filière laitière bovine ? » reste ouverte, mais l'analyse du contexte présente quelques perspectives encourageantes.

Des dynamiques régionales contrastées



D'abord l'état des lieux, dressé par le Ceser. Au contraire de sa voisine franc-comtoise, la Bourgogne laitière se trouve bien éloignée du grand croissant laitier français. La densité laitière est faible et la production régionale se trouve rattachée à trois grands bassins laitiers, avec autant de dynamiques laitières, ce qui ne concoure pas à la définition d'une politique régionale volontariste et cohérente.
La précédente campagne laitière 2014-2015 est la dernière sous l'ancien régime des quotas. Des quotas, institués en 1983 sous un fort vent de contestation... mais leur suppression suscite aujourd'hui tout autant d'inquiétude et de protestations. En fait, l'Europe a programmé dès 2004 la disparition des quotas, c'est dans cette perspective que des mesures transitoires ont été instaurées avec la réforme de la Pac de 2008, jusqu'au Paquet lait plus récent. Le Ceser constate que la France laitière et les producteurs français se trouvent de fait peu préparés à cette nouvelle donne, au contraire de nos principaux concurrents (Irlande, Allemagne et Pays-Bas) qui ont toujours considéré cette sortie des quotas comme « une formidable opportunité ».


De bonnes nouvelles et...



Concernant la production et la transformation laitières il y a effectivement des bonnes et des mauvaises nouvelles. Au chapitre des bonnes nouvelles, la demande mondiale devrait exploser sur les « produits intermédiaires » (PI) d'ici 2050 et l'Europe n'est pas mal placée à l'export pour y répondre. Les projections de la FAO prévoient même un manque chronique de lait en regard d'une demande en forte croissance.
Huit grands producteurs assurent actuellement l'approvisionnement du marché mondial : la Nouvelle Zélande, l'Europe (Allemagne N°1, France N°2) et les USA. Autre signe positif, l'industrie laitière française est plutôt bien placée à l'international, certaines entreprises se situant parmi les leaders mondiaux du secteur.
Sur le front des prix, les nouvelles en revanche ne sont pas bonnes. Il n'est pas facile pour un producteur de passer d'une gestion très organisée et au final sécurisante, à un système de marchés aux prix fluctuants au gré des échanges, des jeux financiers des grands opérateurs et des stratégies industrielles. Car le marché du lait obéit à ses propres règles. Le marché mondial du lait ne concerne que 8% de la production totale. Les échanges concernent essentiellement des produits secs comme la poudre de lait, le beurre et les fromages. 92% de la production mondiale sont consommés sur les marchés intérieurs. Mais les 8% échangés sur le marché mondial pèsent lourds dans la balance des prix, car ce sont eux qui jouent un rôle majeur dans la volatilité des cours, à la hausse comme à la baisse. Les volumes concernés ont beau être très faibles, les baisses du prix du lait à la ferme sont directement corrélées à la dégringolade des prix sur les marchés mondiaux. Le Ceser considère ainsi que le secteur industriel de la transformation laitière a une carte majeure à jouer et qu'il doit s'appuyer notamment sur l'innovation pour trouver de nouveaux débouchés et positionner les produits français sur des créneaux porteurs et rentables.

Ne pas perdre un seul litre de lait



Pour le Ceser, le message fort à faire passer, c'est que la Bourgogne ne peut pas se permettre de perdre un seul litre de lait, elle doit conserver toute sa diversité laitière. « C'est une mission de service public que d'encourager les jeunes génération d'éleveurs et les éleveurs dans leur ensemble à produire ». Pour l'instant le tissu laitier, même lâche, tient, mais pour combien de temps en fonction des difficultés de collectes et des stratégies des entreprises de transformation ? Au Nord-Est de la région Bourgogne, la prochaine fusion avec la Franche-Comté pourrait produire un appel d'air salutaire. « La filière AOC Comté est solide, rentable, bien organisée et productive ». La Bourgogne laitière peut en tirer quelques enseignements. Dans nos départements bourguignons en revanche, en dehors des volumes limités produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine, le lait est valorisé en production standard de masse, la moins rentable et la plus sensible aux fluctuations des marchés. Autre apport de la fusion BFC, la puissance de la production laitière franc-comtoise couplée à la production bourguignonne assoit un véritable 4e pilier lait, aux côtés des productions traditionnelles que sont les grandes cultures, l'élevage et la viticulture.


Une filière stratégique, pourvoyeuse d'emplois



La Bourgogne ne saurait donc pas se passer de sa filière lait, une filière stratégique car pourvoyeuse d'emplois dans la transformation, en zone rurale notamment. Deuxième secteur agroalimentaire en nombre d'emplois salariés, après la viande, la filière lait est l'un des piliers de l'économie régionale agricole. Maintenant, pour continuer de jouer ce rôle, elle va devoir assurer son avenir. D'abord en sécurisant la production, ce qui suppose d'assurer un revenu suffisant aux producteurs ; ensuite, en mobilisant des volumes supplémentaires. Le risque est grand d'une déprise laitière si l'on met en balance les contraintes et la rentabilité de l'activité. Le revenu malmené par les fluctuation des prix mondiaux reste étroitement lié à la combinaison équilibrée de trois éléments fondamentaux pour la sécurité financière des exploitations laitières : performance de l'exploitation/prévention des risques/contractualisation avec l'aval.
En résumé, le Ceser constate que dans un contexte de croissance des volumes de transformation, le besoin premier de cette filière c'est de sécuriser la production de lait à son niveau actuel pour répondre aux besoins des fromageries et être en mesure ensuite de l'augmenter pour répondre à l'accroissement de la demande dans les prochaines années. Pour relancer la dynamique laitière, au bénéfice des exploitants d'abord, tous les acteurs doivent être mobilisés, les syndicats, les Chambres consulaires, les acteurs publics, les élus et bien sûr les producteurs laitiers eux-mêmes qui doivent « retrouver le goût de faire du lait » grâce notamment à une meilleure valorisation de leur production.


Les entreprises de la filière lait en Bourgogne



On dénombre 38 établissements agroalimentaires de produits laitiers en région Bourgogne, dont 14 établissements de plus de 20 salariés et 1660 salariés au total. On trouve trois types d'entreprises laitières :
- Des PME : Lincet, Berthaut, Gaugry, Laiterie de Bresse, Girard, Delin...
- Des « poids lourds » industriels de statut coopératif, avec des filiales spécialisées dans les produits laitiers : Sodiaal (Yoplait, Régilait et Euroserum) et Senagral (ex Senoble).
- 3 groupes industriels privés, situés en dehors de la Bourgogne, mais dont l'impact est fort pour la collecte : Danone, Bongrain et les Etablissements Milleret.