EXCLU WEB : Ne laissez pas un mauvais calcul ruiner l’ambition de l’affichage environnemental

Cédric MICHELIN
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Lettre ouverte au Premier Ministre de 

Jean-François Guihard, Président d’INTERBEV

Bruno Dufayet, Président de la Commission Enjeux Sociétaux

 

EXCLU WEB : Ne laissez pas un mauvais calcul ruiner l’ambition de l’affichage environnemental

Monsieur le Premier Ministre, 

De nombreux parlementaires signaient, récemment, une tribune au sujet de l’affichage environnemental des produits alimentaires. Ces législateurs y voient l’occasion de faire un « choix de société ». Nous, professionnels de la filière de l’élevage et des viandes, partageons cette idée : les choix méthodologiques faits pour mettre au point ce futur « score » environnemental sont inhérents au choix politique fait, par la France, pour définir le modèle agricole qu’elle souhaite prôner. 

Car ce modèle, la France l’a déjà choisi et réaffirmé à plusieurs reprises. Les États Généraux de l’Alimentation, puis la Convention Citoyenne pour le Climat, ont été l’occasion de le rappeler : les produits les plus « durables » sont issus d’exploitations à taille humaine, liées au sol, économes en intrants et ancrées sur leur territoire. Dans notre secteur de l’élevage, ce sont en premier lieu les exploitations herbagères, qui émettent des gaz à effet de serre mais stockent aussi du carbone dans le sol des prairies, contribuent à la préservation de la biodiversité, à la qualité de l’eau... Ces mêmes exploitations au sein desquelles 90 % de l’alimentation du bétail sont produits sur la ferme, par l’éleveur. 

Et c’est vers les produits issus de ce modèle extensif, familial et herbager, respectueux du bien-être animal, utile à l’animation des territoires et à l’entretien des paysages, que la France a déclaré vouloir emmener les consommateurs. C’est là tout l’enjeu de l’affichage environnemental, tel que la Loi Climat & Résilience veut l’expérimenter : mieux informer le consommateur sur le « modèle » de production des produits qu’il achète pour lui permettre de faire des choix alimentaires éclairés. Et à travers ces choix, de devenir moteur de la transition de notre système alimentaire vers les modèles agroécologiques, les plus durables. Or, à ce jour, les choix méthodologiques majoritairement poussés par le Gouvernement dans le cadre de cette expérimentation encouragent un tout autre modèle agricole. En ce qui concerne les viandes par exemple, ce sont, vers les viandes issues des élevages les plus intensifs et industriels, tels que les « feedlots » américains, que la France semble être prête à inciter les citoyens à consommer. Voilà le risque principal d’un affichage environnemental décidé dans la précipitation : faute de méthode robuste basée sur des indicateurs reflétant l’ensemble des externalités environnementales des modèles agricoles, c’est à ce niveau d’aberration que nous pourrions arriver. C’est donc pour faire appel à la cohérence de l’action gouvernementale que nous nous permettons de vous lancer, ensemble, cet appel : ne laissez pas un mauvais calcul ruiner l’ambition de l’affichage environnemental. Refusez tout empressement à valider une méthode qui viendrait nier les efforts réalisés par de nombreux agriculteurs pour répondre, toujours mieux, à l’enjeu de durabilité. 

Exigez que l’expérimentation de l’affichage environnemental en cours, telle que prévue par la loi, aboutisse à un « score » qui corresponde au cap que le Gouvernement a, lui-même, fixé : les produits issus des systèmes de production alimentaire que la France a défini comme les plus vertueux doivent être, logiquement, les mieux notés. 

Nous vous remercions, Monsieur le Premier Ministre, pour l’intérêt que vous voudrez bien porter à ce courrier et vous prions de bien vouloir agréer l’expression de notre très haute considération.

Jean-François Guihard, Président d’INTERBEV

Bruno Dufayet, Président de la Commission Enjeux Sociétaux