Filière bovine française
Ses forces et ses faiblesses…

Parce que la filière bovine ne parvient pas à sortir de la crise dans laquelle elle est entrée il y a quelques années maintenant, Michel Reffay fait état des forces et faiblesses de celle-ci… Alors que la France ne produit pas pour son marché…
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Au-delà des difficultés conjoncturelles liées à des prix trop bas, une trésorerie exsangue et un endettement excessif, Michel Reffay du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) revient sur les handicaps structurels de la filière bovine française et notamment l’inadaptation de la production française à la consommation nationale.
En effet, si la consommation de viande bovine continue de progresser dans le monde, ce n’est pas le cas dans l’Union européenne. Et si elle arrive à se maintenir difficilement dans les 28 - et cela grâce aux derniers arrivants ! -, la demande en viande bovine s’inscrit désormais dans une tendance baissière en Europe occidentale. Les crises sanitaires, le bien-être animal, les campagnes d’opinion contre l’élevage finissent par atteindre leur but recherché… "Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose", dit le dicton qui prouve, une fois encore, sa justesse… Ainsi, chaque Français consomme de moins en moins de viande : ses besoins ne sont plus que de 23,1 kg par an et par habitant, contre 25 kg, il y a seulement quatre ans en 2010.

Valeur "déconstruite"…


Mais si la consommation totale de viande bovine décline, il est un segment qui a le vent en poupe, c’est le steak haché frais et surgelé. La demande s’accroît au rythme de +4 à +5 % par an. D’où l’observation de Michel Reffay à l’issue de sa mission commandée par le ministre de l’Agriculture, début 2015 : la valeur que cherche à fabriquer les éleveurs en amont « est déconstruite par la massification du marché » dans la filière. Autrement dit, « faut-il produire de la viande de qualité à partir de races de qualité pour faire de la viande hachée ? », s’interroge-t-il. Ainsi posée, la question impose la réponse et signe le glas de la production allaitante…
D’une façon générale d’ailleurs, les Français consomment de la vache de réforme qu’on importe en bonne partie au détriment des jeunes bovins, lesquels ne trouvent leurs débouchés qu’à l’exportation…
Autre observation de Michel Reffay, l’importance des races laitières dans la production de viande en France qu’il estime à 34 %. Or, le pilotage de la production laitière appartient désormais aux groupes laitiers depuis la fin des quotas.
« Le lait est un déterminant fort de la production de viande », rappelle-t-il. En ce sens que les éleveurs peuvent capitaliser ou décapitaliser sur leur troupeau laitier en fonction du prix du lait et de ses perspectives, sans se soucier de ses effets induits sur le marché de la viande.

Le culte de la race pure…


L’auteur du rapport sur l’élevage s’est également intéressé aux coûts de production en élevage. Qu’a-t-il constaté ? : une importante dispersion d’un élevage à l’autre ! Conclusion : « il y a de réelles et importantes marges de progrès à réaliser », notamment en matière de mécanisation par exemple qui constitue le premier poste de coût.
Il déplore aussi le tassement tendanciel des exportations de viande bovine et de broutards, notamment sur l’Italie. Et pour les destinations plus lointaines, hors Union européenne, les effets négatifs des évènements sanitaires et politiques sur les courants d’exportation. « On fait du zapping », au gré de l’ouverture ou de la fermeture des marchés, sans politique suivie et coordonnée : « Autrement dit, du dégagement », déplore-t-il.
Autre observation au regard de ce qui se passe ailleurs. Le culte de la race pure en France et le refus des croisements. « Pourquoi le secteur bovin viande se refuse-t-il au croisement ? », questionne Michel Reffay, qui, dans certaines conditions, pourrait mieux valoriser l’élevage français… Et les observateurs des cotations animales peuvent en témoigner, semaine après semaine, quand des veaux croisés de quelques semaines valent plus cher que des broutards de six mois…
De vraies questions qui ne doivent pour autant pas faire oublier que la France dispose néanmoins d’importants atouts, notamment au regard de l’agro-écologie. « L’élevage français est vertueux et peut être un moteur dans la captation du carbone ». A l’heure où s’ouvre la Cop 21, l’argument mérite d’être rappelé…



Partager un même objectif…


Le 17 novembre lors du colloque Grand angle viande, Michel Reffay affirmait clairement l’impérieuse nécessité de rétablir de la confiance entre acteurs et de penser « collectifs ». « On entend certains dire “chacun son métier !”, principalement Jean-Paul Bigard. Mais il y a des choses à faire ensemble. Chacun a son métier à faire, certes, mais dans un même objectif ! Il faut un travail interprofessionnel dans la confiance. Si nous ne retrouvons pas cette confiance, cela ne marchera pas ».
Une prise de position la veille même de l’audience du référé déposé par la société Bigard contre la Fédération nationale bovine (FNB). Le groupe viande demandait que la justice mette un terme aux actions de stickage et d’enlèvement des produits de la marque Bigard et Charal dans les rayons les grandes surfaces, « actions qui portent préjudice à l’entreprise ». Le jugement du tribunal était attendu pour le 25 novembre. « Les éleveurs sont convaincus d’avoir posé les vrais problèmes, la segmentation et la valorisation des produits de la production à la distribution dans une démarche de contractualisation. Et non une logique de minerai dont nous voulons sortir et dans laquelle s’inscrit le groupe. Ce qui aboutira inéluctablement à la mort du troupeau allaitant », rappelait Pierre Vaugarny, secrétaire général de la FNB. Ce dernier souhaite également que Jean-Paul Bigard s’exprime enfin sur ses intentions. « Il fuit le débat public et nous glisse entre les doigts », déplorait l’éleveur, alors que le patron du groupe n’a pas assisté à l’audience…