Bourgogne du Sud
« Plus fort ensemble »

Publié par Cédric Michelin
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Vendredi 5 décembre, la coopérative Bourgogne du Sud faisait le bilan de l’exercice 2013 lors de son assemblée générale à Chalon-sur-Saône. Après une baisse « sensible » de son activité céréales, la moisson 2014 laisse elle présager des difficultés commerciales. La production de semences a relancé le site de Val Ciel, et valorise les terres irriguées. Zone intermédiaire oblige, avec la fin des quotas, les producteurs laitiers du secteur craignent eux de n’être plus collectés et cherchent une solution sur ce site.
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Tout le monde s’en doutait et le président Didier Laurency ne l'a pas caché : « la récolte 2013 a lourdement grevé les résultats d’exploitation de nos fermes et celui de la coopérative ». Cela se traduit directement sur le chiffre d’affaires de la coopérative Bourgogne du Sud qui revient au niveau de l’exercice 2009, à 205 millions d’€, soit une baisse « sensible » de -19 % (461.813 t) comparativement à la forte récolte de 2012 toutefois, analysait le directeur, Michel Duvernois. Si la récolte 2014 devrait dépasser les 550.000 tonnes, elle n’est pas pleinement rassurante pour autant (chute des cours, blés germés…). Le thème de l’assemblée générale, vendredi 5 décembre à Chalon-sur-Saône, était d’ailleurs changé pour analyser la situation actuelle et à venir.
Heureusement, pour faire face à ces deux années difficiles consécutives probablement, la coopérative avait constitué des réserves financières (900.000 € pour les comptes adhérents) et créé une provision pour risque, qui sera utilisée après « la dégradation de la qualité des produits » constatée cette année. Les coopérateurs ont eux la possibilité de faire appel à leurs parts sociales d’épargne, ce qui devrait certainement être le cas puisque les paiements des approvisionnements pour les comptes adhérents se « dégradent ». Des ristournes ont été votées pour 2,1 millions d’€ sur les céréales et sur les approvisionnements.

Mise en réserve « spéciale »



Pour avoir une vision globale de la situation, consolidée avec les autres sociétés (Bourgogne Agro, Extrusel, Horma’Nat, PB Régnier, COEB…), le chiffre d’affaire monte à 235 millions d’€ pour un résultat de 4,5 millions d’€.
En raison de cette année « compliquée », l’affectation des résultats sera plus que « spéciale » puisque la mise en réserve va grimper à 84 % du résultat (contre 45-55 % de ratio les années précédentes). « Le conseil d’administration a souhaité contribuer à soulager les problèmes de trésorerie dans les exploitations même si cela ne va pas tout résoudre », regrettait lucide Didier Laurency.

Diversifier pour consolider



Des moments difficiles qui ramenaient le président à l’origine du mouvement coopératif agricole. Il appelait donc de ses vœux à rester « plus forts ensemble ». Et à continuer de chercher des solutions à l’extérieur dans le même temps. « Depuis la création de notre coopérative, nous n’avons eu de cesse de chercher à optimiser nos outils en partageant avec nos collègues paysans d’à côté. Nous avons construit des unions et des différentes filiales en commun », insistait-il pour bien souligner que Bourgogne du Sud – bien qu’avant tout spécialisée en grandes cultures – s’est depuis longtemps diversifiée (viticulture, élevage, semences…) et donc consolidée. D’ailleurs, Extrusel a lancé sa trituration du soja (Expellor) avec succès.
Pour preuve, depuis 2008, le périmètre géographique de Cerevia s’est « consolidé » passant de quatre coopératives pour 2 Mt de céréales à sept coopératives et Union de coopérative pour 3,5 Mt aujourd’hui, avec en dernière entrée la coopérative Cerepy dans l’Yonne. Une logique de bassin toujours fondeé sur un débouché local prioritaire en meunerie et en élevage, avec un axe commercial export tourné en évidence vers le sud mais aussi l’ouest. Cerevia a su développer la logistique (avec In Vivo) et la démarche commerciale sur les débouchés de la Méditerranée (avec Axereal au sein de Sercomex).

Frais d’Ici à Marsannay en 2015



Mais les débouchés locaux ne sont pas délaissés. La meunerie toujours en avant pointe avec les moulins Nicot mais aussi les marchés de proximité (Gamm Vert, Horma’Nat), marchés qui « s’affirment de plus en plus ». Bourgogne du Sud souhaite donc capitaliser sur cette dynamique des circuits courts pour lancer en 2015 à Marsannay-la-Côte (21) le 2e magasin sous l’enseigne Frais d’Ici, après celui de Toulouse. L’occasion alors d’acheter du miel du Club Atout miel qui est le symbole des partenariats que la coopérative cultive avec les apiculteurs, au même titre qu’avec la Fédération des chasseurs (AgriFaune) ou pour la préservation du bocage bressan.


Rester maître de son destin



Actualité économique oblige, le thème de la table ronde fut changé pour répondre à la question que tout le monde se pose : comment « s’adapter aux turbulences des marchés agricoles ? ». Car « il s’en est passé des choses cet été », débutait Michel Duvernois. La coopérative a en effet collecté 45 % de blés fourragers, « alors qu’elle n’en collectait pas » habituellement. C’est rajouter à cette situation une baisse des cours mondiaux (blé, maïs, pétrole et donc colza…) avec des variations de l’ordre de « 100 €/t sur des produits à 200 €/t ». Un phénomène qui s’accentue ces dernières années. Du coup, sur les onze dernières campagnes, les exploitations bressanes ont en connu quatre “moyennes”, trois “satisfaisantes” et quatre avec des revenus nuls voire négatifs…
Derrière, pour vendre, la compétitivité se trouve aussi du côté de l’organisation. Regroupant 15.000 agriculteurs, la structuration avec Cérévia « a construit des partenariats sur l’axe fluvial vers la Méditerranée », rappelait Didier Laurency. Des outils et une logistique « sécurisantes » pour alimenter un grand bassin allant de Strasbourg à Marseille et au-delà, sur les pays européens et tiers. Surtout Cérévia s’est spécialisé dans les débouchés meuniers (55 %) et approvisionne 15 % des marchés de la meunerie française alors que l’Union ne représente que 3 % (3 millions de t) des blés produits en France. « Le 14 juillet, on s’est réveillés avec la gueule de bois avec seulement 20 % de blés aux normes » sur le périmètre de Cérévia, soupire encore Robert Bilbot, alors directeur. Les coopératives ont travaillé et trié de leurs côté pour sauver un tiers de la production de la « case » fourragère et Cérévia a rencontré « un par un » ses clients meuniers pour leur expliquer comment « utiliser ces blés de qualités moyennes ».
Jean Philippe Everling, directeur de Sercomex, structure commerciale spécialiste des marchés méditerranéens estime que sur le long terme, « le problème de la mondialisation, c’est d’être maître de son destin. Sercomex sert à cela ». Ce qui interrogeait donc sur ses solutions cette année. Pour les blés fourragers, il compte trouver des débouchés en Tunisie, Algérie et Espagne. Pour les blés de qualité « intermédiaire », Sercomex travaille à convaincre les meuniers italiens et maghrébins de les utiliser.
Le nouveau directeur de Cérévia, Laurent Vittoz, connaît bien leurs exigences qualitatives, qui ne sont pas moindres que celles des Français. Il expliquait alors comment se décomposent les prix de marchés. Marché à terme, marché physique, options (sorte d’assurances, NDLR) sur les marchés à terme… et surtout une bonne dose de stratégie, découlant de la connaissance et anticipation des marchés. Résultat, la construction du prix se fait tout au long de l’année, schématisait Didier Laurency. Mais, « malgré notre poids (une tonne exportée sur deux en France), on subit par rapport à des fonds d’investissement qui ont des milliards d’€ à investir ou désinvestir du jour au lendemain ». La seule force restante est donc « le savoir ; pour pouvoir choisir le meilleur débouché » et le livrer. Cette gestion des flux et des stocks dans les silos a été le grand chantier de Cérévia. « La solidité du monde agricole a permis de rassembler des partenaires - grand port de Marseille, CCI, manutentionnaire, marinier, transporteurs fer… - qui avaient pourtant une méconnaissance de notre métier de paysans » saluait Robert Bilbot qui, partant en retraite, espère voir Cérévia acquérir « une plus grande puissance de feu » pour négocier économiquement « sans jamais oublier les adhérents qui évoluent aussi et qui n’ont plus les mêmes besoins ».