Gel de printemps
Près de 10.000 hectares gelés !

Publié par Cédric Michelin
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Un épisode de gel de printemps a eu lieu dans les nuits du 26 au 28 avril en Saône-et-Loire. Les dégâts sont importants dans les vignes. Les premières estimations de la chambre d’agriculture font état de 1.500 à 2.000 hectares touchés, à des degrés divers mais jusqu’à 100 % pour certaines parcelles. Ce phénomène a touché toute la Bourgogne. Les nombreux villages de la Côte-d’Or de l’Yonne recensent de lourdes pertes aussi : respectivement entre 6.000 et 7.000 ha et entre 1.200 et 1.500 ha, selon la CAVB. Au total, près de 10.000 ha concernés par ce gel de printemps, soit un tiers du vignoble de Bourgogne.
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Les dégâts dûs aux différents épisodes de gel de la semaine dernière - principalement celui du 27 avril - sont inédits de par leur ampleur et leur répartition, note le dernier Bulletin de santé du végétal (BSV). De nombreux villages de la Côte-d’Or, de la Côte chalonnaise, de l’Yonne ont été affectés. Dans la nuit de mardi à mercredi, les températures ont atteint par endroit -4°C avec une humidité relative proche de 100 %. De plus, localement l’ensoleillement qui a suivi a créé un effet loupe aggravant les brûlures des bourgeons.
Cet évènement provoque évidemment une grande inquiétude au sein du vignoble. « Les vignerons se sentant démunis, une fois de plus, face aux aléas climatiques et craignant pour le potentiel de la future récolte », a résumé le BIVB.
Car pour l’heure, il est encore trop tôt pour évaluer précisément l’ampleur des dégâts. Il faut attendre que la végétation reparte maintenant. « On commence à observer les seconds bourgeons, essaye de positiver Benjamin Alban. Il faut attendre un mois pour voir le niveau de fructification », explique le technicien Vignes à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
Mais certaines parcelles sont touchées à 100 %. Le gradient nord-sud semble se confirmer. Mis à part quelques parcelles « hyper-gélives » dans le Beaujolais, le Mâconnais apparaît plutôt épargné également par le gel. Les « mauvaises surprises » commencent réellement à partir du nord Mâconnais et vallée de la Grosne (Cruzille, Martailly-les-Brancion, Saint-Gengoux-de-Scissé…) avec des parcelles gelées à 100 %.
Plus au nord encore, en Côte chalonnaise, Rully, Mercurey et Bouzeron sont dans le même cas. Ailleurs, ce sont souvent les parcelles en « bas fond » qui sont gelées à 100 %. Mais l’essentiel des dégâts viendrait des Côtes du Couchois et Maranges, soit 500 à 600 ha, gelées à 100 % dans le réseau des parcelles suivies par la chambre d’agriculture. La Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) « modérait » quelque peu ces premiers chiffres, mardi.

Une ampleur inédite



De plus, ce phénomène est très rare de par son ampleur géographique, puisque des vignes de Chablis, du Grand Auxerrois, de la Côte de Nuits, de la Côte de Beaune sont également touchées de manière plus ou moins importante. 6.000 à 7.000 ha en Côte-d’Or et 1.200 à 1.500 ha dans l’Yonne, selon la CAVB. Les intensités sont diverses mais il semble que Chassagne, Meursault, Volnay, Pommard, Premeaux-Prissey, Corgoloin, Nuits, Marsannay, Chambolle-Musigny, Clos Vougeot, Irancy, Chitry… figurent parmi les vignes victimes. Chablis, avec ses systèmes de lutte contre le gel (aspersion, chauffage…), a travaillé à préserver ses meilleures parcelles.
Autre particularité : les parcelles et secteurs habituellement épargnés ont, cette fois-ci, été exposés au gel. Au-delà de la Bourgogne, ce coup de froid frappe une grande partie de la France et de l’Europe viticole.

Attendre...



Les observations de terrain vont se poursuivre dans les prochains jours, afin de dresser un état des lieux plus complet. A l’heure actuelle, il est difficile de chiffrer l’impact sur le futur millésime, mais ces gelées ne seront pas sans conséquence, même si la vigne est une plante forte, qui a de belles capacités d’adaptation. « L'évaluation complète des dégâts se fera plus précisément dans les semaines à venir en fonction de la sortie des bourgeons secondaires et de leur fertilité », se prépare Benjamin Alban.

Maintenir les emplois



En attendant, d’ores et déjà, la profession est mobilisée. Les réunions s’enchaînent depuis. Alors que la journée pour rencontrer la préfète de région Bourgogne-Franche-Comté était déjà prévue, la CAVB en a profité pour interpeller Christiane Barret et les services de l’Etat. A ce stade, les mesures envisagées n’étaient pas toutes arrêtées mais il semble que des demandes seront formulées pour obtenir la reconnaissance en calamité et catastrophe naturelle. « Nous avons également envoyé un courrier aux ministres de l’Agriculture et au ministre du Travail pour voir comment maintenir - au-delà des reports MSA et autres - et protéger les emplois qui constituent le principal tissu local », conclut Séverin Barioz, directeur de la CAVB.

Céréales d’hiver : attendre l’épiaison des orges



Les températures minimales, froides la semaine dernière, ont été dues à une descente d’air froid venant du Nord. Une grande partie de l’Europe du Nord a été touchée par cet air polaire. Les régions de grandes cultures les plus exposées se situaient de la Normandie au Bassin parisien, ainsi que sur une grande moitié nord et est. Cette situation météorologique est propice à l’apparition de gelées qui peuvent être de deux types : les gelées « blanches » et les gelées par advection d’une masse d’air froid, explique Arvalis Institut du végétal. Actuellement en France, les céréales d’hiver sont en milieu ou fin de montaison ; elles ont donc perdu une partie de l’avance qui était observée fin février. Cela veut dire qu’elles sont dans une phase de grande sensibilité aux accidents climatiques car c’est notamment en ce moment que se finalisent la densité d’épis et la fertilité des épis.



Les températures fraîches ou froides - plus d’une semaine - peuvent entraîner des accidents physiologiques selon le stade et pour les variétés précoces. En Saône-et-Loire, les fortes chutes de température auraient pu engendrer des dégâts aux épis d’orges d’hiver. L’agronome, responsable des Grandes cultures à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Antoine Villard, se veut rassurant : « il n’y a pas eu trop de soucis. Mais on ne peut pas le voir pour l’instant. Il faut attendre l’épiaison. Il se peut qu’une variété, précoce et sensible, soit marquée et voit son rendement chuter », prévient-il.