Eric Dedienne à Martailly-les-Brancion
« Sortir la tête de ses pieds de vigne  »

Publié par Cédric Michelin
-
En plus d’aimer son métier, Eric Dedienne aime rencontrer, discuter et partager. Vigneron à la Cave de Lugny, il n’hésite pas à s’engager pleinement dans la vie de sa coopérative, de sa commune, dans le réseau Déphy pour réduire les doses phytos, de suivre des formations plusieurs fois par an, d’adhérer au réseau Cuma… pour « sortir la tête de ses pieds de vigne ». Ce qui ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre, bien au contraire. Les derniers défis qu’il s’est lancé sont encore d’importances : avec peut-être un passage au Bio, tout en préparant la reprise de son exploitation.
133734--DSC_0180.JPG
A Martailly-lès-Brancion, l’exploitation mixte de son père possédait des vignes et 15 vaches laitières. « J’adorais le lait. Il faut dire que la viticulture n’était pas encore trop mécanisée dans les années 1970 », se souvient Eric, qui a fait un Bac Pro à Montmorot. Mais la « galère » des quotas laitiers (1981) lui feront plutôt prendre le tournant de la viticulture avec l’abandon de l’élevage en 1986. Lors de son installation définitive en 1989, de nombreux agriculteurs du village partent en retraite, lui permettant de reprendre 6 ha de vignes avec son BPREA de Davayé tout juste en poche. « Ce que je voulais à la base, c’est réussir et avoir un salarié que j’aurai formé », lui l’adepte des formations – « j’essaye d’en suivre au moins deux par an » - et qui devient maître d’apprentissage à son tour.
Encore faut-il trouver la perle rare ? Sa persévérance finit par payer puisque depuis 17 ans, Christian Meunier et lui forme un « super » tandem. Pour ne pas « se le faire débaucher » par contre, Eric n’a pas hésité à « l’intéresser » en lui « laissant » un hectare de vigne.

L’Homme : fragile machine



Car, Eric est conscient que la main d’œuvre est le « point noir » en viticulture. « Le métier est dur. Les êtres humains ne sont pas invincibles. Dès mes 30 ans, j’ai eu de douloureux lumbagos. J’étais content d’avoir alors quelqu’un qui pouvait faire tourner l’exploitation », témoigne-t-il, ainsi marqué dans sa chair et sa vie personnelle.
Ces dernières années, les maladies du bois, tel que l’Esca, rappellent à tous que le métier est toujours physique, lui qui a adhéré à sa Cuma en 1998 déjà pour l’utilisation groupée d’une tarière. « Je vais encore faire 4.000 trous cette année sur 20 ha, avec vraiment des parcelles qui décrochent. Cela fait des frais pour les recourir chaque année », se désole-t-il.
Quatre exploitations restent sur la commune, de tailles plus importantes, faisant que « le reste du matériel devient limite gérable si par exemple, on a de fortes pressions maladies à traiter en urgence, comme l’an dernier. Je préférerai donc toujours investir sur l’humain ». Un clin d’œil aussi pour dire qu’aucun matériel - aussi moderne et performant soit-il – ne doit faire oublier « les lourdes charges » financières sur la gestion de l’exploitation.

Pas de phyto inutile



Majoritairement planté en chardonnay « sur de bons sols », l’exploitation comprend également 4 ha de pinot noir et 1,25 ha de gamay. Le tout livré à la cave de Lugny pour produire des appellations : mâcon-village, mâcon-cruzilles et crémants de Bourgogne. Eric « n’aime pas traiter inutilement » mais bien « en fonction de la pression maladie ». Eric en discutait souvent avec ses collègues du groupe “lutte raisonnée”. « On se retrouvait pour dialoguer et on avançait ensemble dans nos pratiques », lui qui retrouve cette dynamique avec le groupe Dephy qu’il a intégré l’an dernier, sur les conseils de Daniel Chevenet. Le réseau Dephy lui permet en effet de mieux suivre ses réductions de doses phytos, à bien maîtriser le désherbage mécanique ou encore de « bricoler » des semoirs pour enherber ses vignes, en choisissant les bonnes variétés.

Bientôt en Bio ?



S’il va prendre des renseignements sur le projet Bio de la Cave de Lugny, Eric a déjà « bien envie de se lancer », lui qui a vu ses sols « mieux se porter » depuis qu’il les travaille (cavaillons) et met du fumier dessus. « Mes vignes craignent moins les excès », se réjouit-il. Mais lui craint par contre les « excès » administratif. En tant qu’adjoint à la mairie de sa commune, en charge notamment du dossier « Certiphyto », il constate les incohérences de politiques contradictoires. « Avant je trouvais qu’il y avait trop d’administrations mais aujourd’hui, on se retrouve en mairie à devoir monter des dossiers tout seul, alors qu’avant on avait des interlocuteurs locaux qui nous aidait ou le faisait », regrette-t-il. La réalité aussi d’une "petite" commune de 120 habitants devant respecter de plus en plus de normes.

Besoin de jeunesse



Si son fils, Simon décide de reprendre l’exploitation, Eric promet « après 5-6 ans de se mettre salarié pour ne plus avoir justement à penser aux mises aux normes, aux cahiers des charges et autres, qui lui font perdre du temps et du courage ». Pas question pour lui pour autant de se renfermer. Engagé au conseil d’administration de la Cave de Lugny ou à l’Union viticole, Eric continuera de « sortir la tête de mes ceps. Ça change. On voit autre chose même si parfois, ça râle un peu », sourit-il. Pour l’heure, avec le groupe Transmission, il participe au recensement des coopérateurs de plus de 55 ans car la Cave de Lugny « a besoin de jeunesse » et les transmissions ne seront pas choses aisées. Alors cédants comme repreneurs, pour en parler avec Eric, pas de souci, il sera toujours disponible, ne serait-ce qu’au magasin de la Cave, où il prête main forte certains weekends ou lors des portes ouvertes en mai et novembre.