Vignoble de Saône-et-Loire
Le préfet pulvérise les « râleurs »

Publié par Cédric Michelin
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Lors de sa première visite de vignes à Chevagny-les-Chevrières (28 avril), le préfet de Saône-et-Loire, Gilbert Payet avait demandé à la profession de lui organiser une démonstration de pulvérisation. Chose faite lundi à Lugny, avec en plus, un point sur la coopération, la visite de la cave de Lugny et un débat sur les nombreux sujets d’actualité. Malgré la chaleur, le préfet est resté tout l’après-midi à l’écoute des vignerons. L’occasion de passer des messages du terrain à l’Etat et inversement.
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Sans doute que son prédécesseur à la préfecture, Fabien Sudry lui avait transmis en direct le dossier "flavescence dorée" et l’avait avertit des polémiques liées aux précédents plans de lutte contre. Gilbert Payet s’est donc montré très intéressé ce 29 juin par la démonstration d’une pulvérisation, n’hésitant pas à monter à bord de l’enjambeur de Florian Gayet pour mieux en comprendre le fonctionnement.
De retour à la cave, devant une quarantaine de vignerons, le préfet posait de nombreuses questions dont celle de la mutualisation des équipements performants. Il faut dire qu’à Lugny, la mutualisation est bien présente avec la coopérative et la Cuma. Les présidents respectifs, Marc Sangoy et Bernard Chevalier, laissaient plutôt répondre Daniel Chevenet de Cruzilles qui fait parti depuis le début en 2010 du réseau Dephy. Un réseau de fermes innovantes. Avec 12 ha, Daniel lui expliquait précisément pourquoi il traite, cherche à réduire ses doses et passages. « Mon objectif est de réduire au maximum l’utilisation en protection et en désherbage ». Il a pour cela un pulvérisateur face par face (30.000 €) ce qui lui permet d’emblée de réduire sa consommation d’environ 30 %, estime-t-il. Mais cet équipement, il ne peut le mettre en commun, même avec ses proches collègues. « Oui pour d’autres matériels mais là, ce n’est pas facile à gérer ». Car, les fenêtres pour traiter sont parfois courtes… Et la récolte finale - qualitative et quantitative - en dépend directement.

Du temps et du bon sens



Ce qui permettait à Christophe Brenot, président de l’Union viticole de soulever la question des aides PCEA (ex-PVE) devenues des « usines à gaz » pour les obtenir et s’équiper ainsi avec du matériel plus efficaces. Le préfet se tournait vers Christian Dussarat, DDT, qui notait pour faire remonter ce problème administratif. A la vue des moyennes du département, présentées par Audrey Dupuyts du service Vigne & Vin à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, il comprenait aussi que les objectifs de réduction de 50 % des doses voulues par Ecophyto, dépendent fortement de la climatologie et de la pression des maladies. « Oui sur le papier en théorie, c’est possible », positivait Marc Sangoy « mais on demande du bon sens, du temps ». Et surtout, le président de l’Union viticole lui demandait de l’aide pour que la société toute entière (ré)apprenne à « faire confiance aux vignerons », eux qui ici depuis les années 1990 se sont engagés dans la lutte raisonnée. Soit bien avant la prise de conscience globale de l’environnement. « C’est vrai, on n’en n’avait pas parlé alors », reconnaissait le président de la cave. Lugny – comme Buxy et les Terres Secrètes – l’ont bien compris et désormais affichent fièrement leurs efforts. Les caves et coopérateurs sont certifiées V-DD, vignerons en Développement Durable. Mais c’est bien la profession dans son ensemble qui « progresse » dans ce sens du respect de l’environnement mais de façon « pragmatique » pour ne pas déstabiliser les outils économiques en place.

Réglementation « trop carrée »



Car, entre temps, les « règles trop carrés » des législateurs sont entrées en vigueur pour limiter les abus. Elles se révèlent désormais contre-productives et découragent les volontaires des premières heures. Les deux Conseillers départementaux du secteur, Catherine Fargeot et André Peulet en convenaient.« La suppression du pyralexa et ses conséquences actuelles (maladie


du bois Esca), doit poser la question de la nécessité de solutions de


secours avant
», reprochait Christophe Brenot, sans toutefois appeler à sa réintroduction sur le marché.
Le préfet redisait que l’Etat est « à l’écoute des uns et des autres ». Et de rajouter : « c’est dommage de donner le sentiment que seul la bio respecte l’environnement », ne voulant pas entrer dans une opposition des labels et des signes de qualité. Ainsi, les vignerons comprenaient mieux la raison de sa visite ce jour : « Les objectifs sont réellement partagés et la production viticole a prouvé qu’elle est responsable », mettant ainsi en avant une communication positive. Ce que la profession réclamait de longue date en somme.

« Responsables » contre… « râleurs »



Le président des vins Mâcon (UPVM), Jérôme Chevalier témoignait et soulevait néanmoins l'immédiat « problème pour cohabiter avec le voisinage - qui fait des pétitions sans se poser de questions ». D’autant que les moyens de communication moderne - web et réseaux sociaux – amplifient la résonance de certains médias cherchant les polémiques vendeuses… La suspicion s’insinue ainsi partout. Pas uniquement sur ce sujet d'ailleurs (porcherie, OGM...). Conscient de la difficulté de lutter contre, Gilbert Payet sait qu’il lui faut – avec ses services – « rendre acceptable ce qu’un seul individu veut contester ». « Les élus locaux ont un rôle majeur », rajoutait-il. Maire de Mancey et viticultrice, Christine Bourgeon lui rétorquait que ce « n’est pas toujours simple » avec certains vignerons ne respectant pas les lois. « On se sent un peu démuni. On n’a pas le pouvoir de police - mais le devoir d’autorité - et on a besoin de soutien parfois ». Lui demandant de ne pas hésiter à contacter les préfectures et sous-préfectures, Gilbert Payet concluait : « leurs agissements rejaillissent malheureusement sur l’ensemble de la profession ». Il se montrait volontaire, faisant clairement référence aux vignerons refusant de traiter dans le cadre obligatoire de la flavescence dorée : « Le râleur va être plus longtemps impuni certes, mais pas après. On est là pour faire respecter la réglementation ». Il reconnaissait toutefois que « dans un Etat de droit, on n’a pas toujours la réponse ou celle qui donne satisfaction ». Des failles que la profession ont bien fait remonter mais qui là aussi, prennent du temps à résorber…


1,3 millions d’€ perdus pour la coopération de Bourgogne-Jura


Le président de la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura (13 caves ; 2.200 adhérents ; 7.700 ha ; 470.000 Hl ; 225 M€ de CA) a fait remarquer que les « coopérateurs de notre secteur perdent 1,3 millions d’€, soit 2.000 € pour un coopérateur ayant 10 ha en moyenne », du fait que les coopératives ne sont pas éligibles au CICE (Crédit impôt). Ses concurrents si. d'où un biais concurrentiel. Autre inquiétude, sur la « lourdeur » du compte pénibilité. La FCCBJ a rencontré les députés Cécile Untermaier et Christophe Sirugue à ce propos pour le simplifier.


Des parlementaires très sollicités en ce moment, comme le soulignait Jean-Michel Aubinel de la CAVB. La Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne a en effet été très active, avec la CNAOC, sur le vote de loi Santé et loi Hamon. La loi Evin différencie désormais publicités et reportages journalistiques. « Nous sommes décriés comme le "vilain" lobby mais les députés n’ont fait que leur travail en écoutant le terrain et en clarifiant une loi mal faite »