Vins de chardonnay
Développement d’une nouvelle levure

Publié par Cédric Michelin
-
L’IFV, en partenariat avec les Sociétés Lallemand et IOC (Institut Œnologique de Champagne), a développé une nouvelle préparation de levure plus particulièrement adaptée aux vins blancs de chardonnay. Son nom : IOC Twice.
128702--2543_cuves_inox_viti.jpg
L’élaboration des vins de Chardonnay septentrionaux est spécifique. La fermentation alcoolique (FA) est suivie de la fermentation malolactique (FML) puis de l’élevage. La complexité du vin se développe et s’affine au cours de cet enchaînement de phases. L’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) a travaillé sur la vinification du chardonnay et a déjà développé une préparation bactérienne originale pour la maîtrise de la FML : AcidopHil+.
La sélection d’une nouvelle souche de levure, en adéquation avec les objectifs qualitatifs recherchés, complète ces travaux. Les biomasses ont été développées par la Société Lallemand.

Applications pratiques en conditions réelles



Pour le millésime 2012, dix expérimentations ont été mises en place pour des cuvées de chardonnay de différents domaines de Bourgogne. Les principales subdivisions géographiques de la Bourgogne sont représentées : Côte d’Or, Chablisien et Mâconnais.
Cinq essais sont réalisés en cuves et cinq en fûts de chêne. Chaque lot comporte alors plusieurs fûts, choisis pour constituer des lots homogènes. Pour toutes les expérimentations, la nouvelle biomasse levurienne Twice est comparée à une même levure commercialisée de référence pour le cépage chardonnay.
Les cuvées considérées présentent un bon niveau de maturité. La teneur en azote assimilable varie d’une vendange à l’autre. Les lots carencés ont été additionnés d’activateur spécifique au cours du premier tiers de la FA. Les cinétiques fermentaires moyennes sont similaires pour la levure Twice et celle de référence. La densité de 1.0 est atteinte en deux semaines environ et la FA est achevée en un mois environ. Le degré alcoolique final est de l’ordre de 13%/v avec une teneur en sucres résiduels de 1 à 2 g/l. La FML a été provoquée par un ensemencement avec la biomasse bactérienne « AcidopHil+ », pour 6 des 10 essais réalisés. La FML est réalisée moins de 80 jours après la réception de la vendange, soit moins de deux mois après la fin de la fermentation alcoolique. Cette réalisation précoce de la FML permet une bonne gestion ultérieure de l’élevage. La teneur en acidité volatile après réalisation de la FML est en moyenne de 0.33 g/l H2SO4 pour les lots vinifiés avec la levure TwICE.

Impacts sensoriels



Les différents essais de vinification réalisés avec la levure TwICE ont été dégustés, dans une salle spécifique, par une quinzaine de juges. Pour chaque expérimentation, deux séances de dégustation ont été réalisées : une première avec des vins âgés de 6 mois, encore en phase d’élevage, et une seconde avec des vins âgés 14 mois, embouteillés. Les résultats obtenus pour ces deux séances étant concordants, seules les valeurs moyennes sont présentées.
Les résultats sont regroupés d’une part, pour les essais en cuves (5 sites concernés) et, d’autre part pour les essais en fûts de chêne (4 sites concernés, le cinquième ayant arrêté l’expérimentation en cours d’élevage). Les qualités olfactives et gustatives des vins vinifiés en cuves sont nettement plus élevées pour la levure TwICE, que pour la levure de référence. Les arômes fruités, mais aussi floraux sont bien exprimés. Les différences entre la levure TwICE et la levure de référence s’estompent pour les vinifications en fûts de chêne, tout en présentant un bon niveau qualitatif. Les notes boisées atténuent logiquement l’impact sensoriel de la levure.
Pour compléter les travaux sur la maîtrise des fermentations pour le chardonnay, un ensemencement en bactéries lactiques (souche 49A1, sélection IFV), réalisé à la moitié de la FA, a été comparé à un ensemencement bactérien réalisé après la fin de la FA. Les travaux ont été réalisés avec des cuves de 150 L, sur les deux millésimes 2011 et 2012. Les cinétiques fermentaires (FA et FML) ainsi que l’analyse des vins finis sont proches pour les
deux moments d’ensemencements bactériens. Au niveau de l’analyse sensorielle, il apparaît que les lots ensemencés après la fin de la FA sont mieux jugés que les lots ensemencés précocement, ces derniers apparaissant légèrement plus amers. L’ensemencement bactérien positionné classiquement dans la foulée de la FA, est donc à privilégier.

Qualité, stabilité, peu de sulfites



Le développement de la nouvelle levure IOC Twice s’inscrit dans le cadre d’un itinéraire technique de vinification du chardonnay assurant un bon niveau qualitatif. Le débourbage statique au froid donne les meilleurs résultats mais ne permet pas toujours d’atteindre une turbidité souhaitée de 50 à 100 NTU. Le débourbage enzymatique facilite l’opération. Le contrôle de la température de FA est surtout important pour une vinification en cuve. Une
température isotherme à 19°C donne de très bons résultats. Si l’équipement le permet, une élévation de la température à 21, puis 23°C pour le dernier tiers de la FA est intéressante pour favoriser l’épuisement des sucres, sans impacter le niveau qualitatif.
La levure Twice s’intègre bien dans ce procédé de vinification avec une réalisation pas trop rapide de la FA. Le bon achèvement de celle-ci et la pureté aromatique dépendent directement d’une bonne nutrition azotée. Selon les situations, un complément nutritionnel, bien positionné (notamment au 1/3 de la FA), peut s’avérer indispensable, au même titre que l’aération. Un ensemencement bactérien avec une souche adaptée assure une réalisation rapide de la FML. Cette maîtrise technique permet d’envisager une réduction des doses de SO2 sans risque qualitatif. Dans le cas du chardonnay, un sulfitage faible voir nul du moût (maxi 40 g/hl) est la base pour obtenir un vin fini combinant peu le SO2. Pour une température de cave préconisée, de l’ordre de 15°C, la FML peut être terminée moins de trois mois après la vendange, laissant ainsi un temps intéressant pour assurer l’élevage du vin dans de bonnes conditions et éviter une oxydation prématurée. Il est ainsi facile d’obtenir un vin de qualité, bien stabilisé et peu sulfité.