EARL Sau-Mont à La Chapelle-du-Mont-de-France
Débuts encourageants en pâturage tournant

En 2016, Richard Humbert a testé le pâturage tournant avec deux lots de vaches à veaux. Sur ses terrains séchants et précoces, il a pu ainsi "tenir" ses animaux jusqu’à mi juillet sans toucher aux parcelles de fauche. Dans une année pourtant difficile, l’EARL Sau-Mont a réalisé sa meilleure récolte de foin. Des résultats encourageants que l’éleveur espère bien confirmer cette année.
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Richard Humbert exploite 140 hectares tout en herbe à La Chapelle-du-Mont-de-France sur le canton de Matour. Sur des terrains escarpés granitiques et séchants, il conduit un troupeau d’une centaine de mères charolaises produisant principalement des broutards repoussés et des femelles maigres. Installé depuis 1999 et désireux de revoir la conduite de son exploitation, Richard a suivi la formation "Comment dégager du revenu en élevage allaitant ?" dispensée par la chambre d’agriculture. Ce passage au crible des postes économiques de l’exploitation ont mis en évidence « un déficit chronique de stock fourrager ainsi qu’un gaspillage d’herbe sur les parcelles les plus éloignées », rapporte l’éleveur. Un verdict qui confirmait ses préoccupations. Sur ses prairies à pousse très précoce et avec des années sèches devenues fréquentes, Richard est souvent contraint d’affourrager au pré de bonne heure et les achats de foin reviennent cher, confie-t-il. Sans culture, l’exploitation est aussi très dépendante des aliments du commerce, d’où son intérêt à mieux valoriser l’herbe.

Deux gros lots au lieu de quatre petits


Suite à la formation dispensée à Matour, Richard a décidé d’enclencher « une grosse remise en question » de son système herbager. Pour ce faire, il a pris rendez-vous avec Eric Braconnier avec lequel il a opté pour le pâturage tournant. « Il a réaffecté toutes les parcelles à chaque lot pour dégager de la surface pour faire du stock », décrit l’éleveur. Un peu trop élevé, le chargement a été abaissé. « Je voulais aussi resserrer mes lots d’animaux pour avoir moins de taureaux à gérer », explique Richard qui a désormais moitié moins de taureaux à nourrir, d’autant qu’il s’est mis à faire inséminer ses génisses.
Quatre lots de vaches à veaux ont ainsi été ré-agencés en deux lots de 33 et 28 "paquets" conduits en pâturage tournant, explique l’éleveur. Affectés à deux îlots, ces deux lots tournent chacun sur six ou sept parcelles d’un à deux hectares de surface chacune. Pour obtenir ces îlots, l’éleveur n’a pas eu trop d’aménagements à réaliser. Très morcelé, le parcellaire de l’exploitation est composé de petite parcelles communiquant souvent entre elles. Il a juste fallu « remettre quelques tuyaux et des bacs pour les points d’eau », indique Richard qui a tout de même dû charrier de l’eau pour l’une des parcelles.

Changement de parcelle rapide


Mis en route au printemps 2016, le pâturage tournant n’a pas été sans générer une certaine appréhension, reconnaît l’éleveur. « On n’avait jamais mis de si gros lots dans de si petites parcelles ! », confie l’éleveur. Autre angoisse : « alors qu’ici on lâchait habituellement très tôt ; avant même que l’herbe n’ait véritablement poussé », confie Richard, « cette fois il a fallu attendre qu’il y ait suffisamment d’herbe d’avance ». Le feu vert a été déclenché à la lumière d’un herbomètre lorsque la hauteur d’herbe mesurée a atteint 12 cm dans la parcelle la plus précoce, rapporte-t-il.
Concrètement, une fois les bêtes lâchées sur la première parcelle, « il ne faut pas se poser de question et changer de pré tous les cinq ou six jours », explique l’éleveur. Un calcul est effectué au préalable pour que le tour complet des parcelles atteigne au moins 20 à 25 jours, temps nécessaire au renouvellement de l’herbe. « Avant, je changeais mes animaux de pré seulement lorsqu’il n’y avait plus d’herbe. Cela pouvait être au bout de plusieurs semaines. En pâturage tournant, on s’impose de changer de parcelle tous les cinq à six jours. La hauteur d’herbe ne doit pas descendre en dessous de 5 cm pour ne pas pénaliser la repousse », détaille Richard.

Des foins abondants comme jamais !


Si le tout premier changement de parcelle a tout de même été un peu compliqué, reconnaît-il, au cours des cycles suivants, les animaux ont montré une évolution de comportement remarquable. « Habitués à être changés, ils m’attendent à la barrière ! », se félicite l’éleveur. Un effet « très agréable » d’autant qu’ayant moins de lots à gérer, c’est au final un gain de temps, évalue-t-il.
Autre constat encourageant : « nous n’avons jamais fait autant de foin que cette année ! », fait remarquer Richard. Il faut dire que le printemps pluvieux de 2016 a été une chance pour les coteaux précoces de l’exploitation. Mais la conversion au pâturage tournant a aussi permis de ne plus avoir à toucher aux parcelles de fauche qui étaient autrefois libérées seulement au 1er mai. « Je ne pensais pas pouvoir tenir les animaux jusqu’à la fenaison sans toucher aux parcelles de fauche ».
Bien sûr, le pâturage tournant a dû être interrompu mi-juillet avec l’arrivée de la sécheresse. Mais muni de stocks de foin abondants comme jamais, Richard n’a acheté aucun fourrage depuis l’an dernier. Une économie qui compense le moindre chargement en bovins de l’exploitation, calcule-t-il.







Enrubannage cette année


Pour cette première année de pâturage tournant, Richard n’a pas pu récolter de stock supplémentaire issu de parcelle retirée de la rotation comme le prévoit en principe l’itinéraire technique (lorsque la pousse est trop avancée dans la dernière parcelle, elle est mise de côté pour être récoltée ce qui permet d’ajuster la rotation à la pousse). L’éleveur n’a pas eu l’occasion non plus de mesurer des gains sur la consommation de concentrés des broutards. A ce sujet, il souligne la difficulté de faire suivre les nourrisseurs avec les animaux. Une question qu’il n’a pas encore pu solutionner étant donné le morcellement de son parcellaire. Parmi les bémols, Richard constate qu’il faut des points d’eau à la fois « conséquents et stabilisés au regard de la taille des lots d’animaux ». La question des clôtures n’est pas anodine non plus dans une telle organisation et il faut penser aussi aux parcs de contention qui doivent être adaptés aux gros lots, pointe-t-il.
Cette année, le pâturage tournant sera reconduit à L’EARL Sau-Mont. Sur les conseils de son technicien, Richard Humbert récoltera de l’enrubannage issu de fauche précoce sur des parcelles qu’il réintègrera au pâturage tournant cet été. Elles fourniront des repousses pour les broutards.