Aides Pac 2015 et 2016, MAEC, ATR…
La détresse du monde agricole

Le 19 avril, les agriculteurs sont allés exprimer leur ras-le-bol de la gestion franco-française des aides Pac. Alors que l’année 2015 n’est toujours pas soldée, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été un courrier demandant à certains de rembourser une ATR…
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Ce mercredi après-midi, les agriculteurs s’étaient donnés rendez-vous devant la DDT de Saône-et-Loire pour mettre en plein jour, en présence de la presse, toutes les incohérences engendrées par la gestion calamiteuse des aides Pac du 1er et du 2nd pilier tel que décidé dans notre pays.
Les sujets de mécontentement - pour ne pas dire de colère - ne manquent pas : règlement des aides Pac, instruction des MAEC, illisibilité des ATR versées… « Un bazar total », comme le dénonçait Bernard Lacour, président de la FDSEA de Saône-et-Loire, qui, avec Joffrey Beaudot, président des JA 71, exprimait « le ras-le-bol » de la profession.
« Nous avons choisi de ne pas aller voir les politiques à la veille de cette élection pour ne pas influencer un vote dans le merdier dans lequel les élus nous ont mis », arguait le président de la FDSEA. « Nous sommes obligés de gérer nos exploitations, mais nous avons besoin d’un minimum de lisibilité alors que nous sommes dans l’incapacité de savoir quand et combien on va recevoir ! ».

Agacés, énervés…


Les témoignages d’agriculteurs et d’éleveurs se succédaient illustrant tous des situations pour le moins compliquées. Ici, des retards sur les aides aux bâtiments, là les incertitudes sur les aides Natura 2000, là encore des engagements de MAEC respectés par les agriculteurs, mais des aides qui ne pourront pas être versées faute de crédit… « Cela ressemble pas mal à de la malhonnêteté ! Nous, on a respecté nos engagements ! On travaille et on n’est pas indemnisés », s’énervait un agriculteur qui a été invité par courrier à rembourser une ATR versée pour une MAEC de 2015 quelque deux ans après et à laquelle il ne serait finalement pas éligible…
« Nous avons besoin d’un État fort qui respecte ses engagements et ses agriculteurs », plaidait en écho Joffrey Beaudot.
Abracadabrantesque. Kafkaïen. Ubuesque… Les adjectifs pour décrire la situation ne manquent pas. Tous expriment une situation dans laquelle l’administration française s’est elle-même enlisée dans une situation semi-inextricable.
Et pour parfaire le tout, on ne parle pas des incertitudes sur le dossier ICHN du fait de la révision des Zones défavorisées simples, des aides Sécheresse auxquelles les producteurs diversifiés n’étaient pas éligibles… Ni des DJA que devraient rembourser des jeunes qui n’auraient pas atteint leur revenu prévisonnel…

Prendre ses responsabilités !


Christian Dussarrat, directeur départemental des Territoires, avait beau détailler ce qui avait conduit à cette situation, donnait des détails sur les paiements et les instructions en cours, la colère ne désenflait pas. Et lorsqu’il évoquait le blocage des aides Bâtiments du fait d’un outil informatique non opérationnel, les réactions ne tardaient pas ! « Et nous, on nous laisse le choix d’avoir des soucis informatiques ? », entendait-on dans l’assistance. « C’est la réalité. Elle ne vous convient pas, c’est un fait. Elle ne me convient pas à moi non plus ! », s’agaçait le DDT 71, pour qui « le système est arrivé à son plus haut niveau de complexité ».
« Mais arrêtez de nous donner des leçons ! », réagissait une femme d’éleveur citant les drames qui, dans le silence, frappent nombre de famille d’agriculteurs. « On a tous peur pour nos maris et nos fils ! On ne sait plus quoi faire ! ». Un cri du cœur qui rappelait la gravité de la situation et l’urgence qu’il y a à redonner de la lisibilité à la politique agricole.
« Il faut tenir compte du facteur humain ! », plaidait le président de la FDSEA 71 pour lequel « l’État doit prendre ses responsabilités. Et à ce titre, il faut que les ATR versées à tort ne soient pas remboursées ». Se tournant vers le DDT, « il faut que la détresse du monde agricole soit entendue au plus haut niveau. Parce que vous avez ici des gens exaspérés, mais il y a tout ceux qui, isolés seuls chez eux, sont découragés et blessés par les attaques et l’absence de reconnaissance que leur témoignent la société comme les élus ».
Les choses sont dites.




Et les prix…


« La Pac, c’est important, mais les prix aussi ! », lançait Christian Bajard, président de la section bovine, qui invitait les éleveurs présents à poursuivre leur mobilisation dans les linéaires d’Auchan.
Avec Stéphane Convert, président de la section des éleveurs laitiers, il revendiquait « le droit de vivre de nos produits ». Et si l’enseigne Auchan était ciblée, alors que son approvisionnement en viandes françaises est avérée, c’est bien davantage parce que « l’enseigne a signé il y a six mois l’engagement pour la démarche Cœur de gamme, mais ne fait rien sur le sujet depuis ». Quant au lait, « nous demandons un prix de base de 0,34 € du litre au producteur », avançait Stéphane Convert.
« Nous en avons assez que notre image d’éleveur soit sans cesse utilisée par les industries agroalimentaires et la grande distribution, lesquels ne nous retournent pas la partie de la valeur ajoutée que nous devrions percevoir en contrepartie », mettaient en avant Bernard Lacour et Joffrey Beaudot devant le responsable d’Auchan. Comment en effet expliquer que la France soit 1ère en terme de contraintes et 18e en terme de prix payés à ses producteurs de viande bovine ? « Ça ne va pas ! », déplorait le président de la FDSEA 71, qui y lit une incapacité collective à aller chercher et à ramener de la valeur au maillon production.