Agriculteurs retraités
Et on parle d’égalité…

Vivre plus longtemps, de plus en plus en bonne santé, mais démunis semble être le sort réservé aux agriculteurs retraités. Loin, très loin, de ce qui est constaté dans d’autres régimes…
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Le troisième avis du Comité de suivi des retraites (CSV) transmis le 11 juillet à Manuel Valls, premier ministre, ne porte pas spécifiquement sur le régime de retraite des non-salariés agricoles, mais ses auteurs se sont livrés à quelques comparaisons quelque peu édifiantes…
Les inégalités d’espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles se sont fortement atténuées au cours des trente dernières années. A 60 ans, les agriculteurs ont, selon l’Insee, une espérance de vie de 23,4 ans contre 22,5 ans pour l’ensemble de la population masculine. Quant aux agricultrices, elle est de 27,3 ans, ce qui les situe dans la moyenne nationale.

Comparaison peu flatteuse…


Mais pour les uns comme pour les autres, leur pension de retraite ne les autorise pas à avoir une vie décente.
« La comparaison des pensions perçues par les seuls mono-pensionnés de droit direct, procédée par le Comité d’orientation des retraites (COR), met en lumière des écarts importants entre ressortissants des divers régimes » note le CSV.
Ainsi, le montant mensuel brut moyen de la pension de droit direct d’un mono-pensionné en 2014 est-il de seulement 710 € par mois pour les agriculteurs retraités contre 1.690 € pour les salariés agricoles (toutes catégories confondues) et de 1.030 € en moyenne pour les artisans et commerçants. « On notera néanmoins que les agriculteurs et les artisans poly-pensionnés perçoivent des pensions plus élevées de 100 à 300 € par mois », observe le COR.
La faiblesse de leur montant s’explique en raison du faible taux de remplacement de leur régime de retraite, mais aussi des revenus par rapport auxquels les cotisations payées sont calculées. Or, comme de plus en plus d’agriculteurs cessent leur activité endettés, ils peuvent de moins en moins compter sur leur patrimoine pour dégager un revenu complémentaire, une fois les emprunts remboursés…

Les revenus les plus élevés…


En France, les pensions les plus élevées sont perçues par les fonctionnaires d’État (2.520 € mensuel en moyenne), compte tenu notamment de la part importante de personnels qualifiés, par les personnes ayant exercé une profession libérale, mais surtout par les ex-salariés bénéficiaires de régimes spéciaux.
Selon le rapport du CSV, « la comparaison brute de ces montants (entre les différentes catégories socioprofessionnelles) est davantage le reflet des écarts de rémunération (liés aux niveaux de qualifications et aux professions concernées) qu’une mesure de l’équité entre les différents régimes ». On peut en douter, car chacun a en tête la disparité des différents régimes, par exemple en ce qui concerne la base de calcul : les six derniers mois dans certains régimes, les 25 meilleurs années dans d’autres, ou encore la carrière complète pour les agriculteurs…
Les différences entre les pensions perçues s’expliqueraient aussi en raison du taux de remplacement entre les différents régimes sociaux. Ce dernier est en effet plus élevé pour les salariés que pour les actifs indépendants.

Alignement progressif…


Enfin, « la coexistence de trois modes de calcul différents (selon le salaire de référence des 25 meilleures années, par points ou selon les six derniers mois de traitement sans les primes) rend notamment difficile un pilotage garantissant à terme l’équité », reconnaît quand même le CSV qui mentionne cependant de plus en plus un alignement des régimes des fonctionnaires sur celui des salariés du secteur privé. Qu’il s’agisse, par exemple, des dispositifs de départ anticipé pour carrières longues, de l’âge d'annulation, de la décote, de la durée requise, du taux plein, du nombre de trimestres de référence pour la proratisation ou des coefficients de décote.
Quant à l’équité entre hommes et femmes, l’allongement de la durée de carrière des femmes est un facteur important de convergence. Mais en raison de la persistance d’écarts de rémunération et d’une durée de carrière des femmes (hors majorations de durée d’assurance) qui reste moindre, les droits familiaux et pensions de réversion contribuent aujourd’hui encore de manière forte à l’équité et à la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour les femmes.
Les travaux du CSV conduisent également à identifier les marges de progrès. Celles-ci concernent notamment les droits familiaux et les pensions de réversion, pour lesquels existent des disparités excessives entre les régimes. « L’harmonisation est largement admise dans son principe. Elle touche des sujets sensibles, mais devrait faire partie de la poursuite du mouvement engagé vers plus d’équité ». Et les premiers bénéficiaires en seraient les agriculteurs… Reste que les caisses sont vides et l’alignement par le haut semble de plus en plus improbable…