Viandes de boucherie
Un manque flagrant de marketing

Publié par Cédric Michelin
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S’adapter à la demande du consommateur, afin de sortir les filières viandes d’une baisse structurelle de consommation, tel est le credo de Pascale Hébel, déléguée générale aux actions externes du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).
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Pascale Hébel, déléguée générale aux actions externes du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), est catégorique : « Ce qui manque le plus aujourd’hui [dans les filières viandes, ndlr], c’est le marketing du produit ». Elle a pris la parole pour expliquer les nouvelles tendances de consommation lors de l’assemblée générale de Culture Viande (ex-Syndicat national des industriels de la viande), le 6 octobre. « La génération [des trentenaires, ndlr] d’aujourd’hui a besoin de trouver sa place dans la société. On ne leur donne déjà pas de place » (chômage, décroissance, régression sociale…), analyse-t-elle. C’est donc au travers notamment de son mode de consommation qu’elle va se définir. « C’est un consommateur plus stratège » qui passe deux fois moins de temps à table que les générations précédentes, continue-t-elle. Quels que soient les produits bruts, viandes ou fruits frais, les générations d’aujourd’hui dépensent moins. Plus spécifiquement, cadres et consommateurs vieillissants achètent de moins en moins de viande, mais pas « la catégorie des ouvriers car ils en ont rêvé toute leur vie ». Les seuls produits dont la croissance est au beau fixe sont les sandwichs, les sodas et les pizzas ! « C’est une forme beaucoup plus ludique » de consommation. Même chez soi, le consommateur préfère faire un sandwich « car il n’y a pas de vaisselle à faire ! ». « Les jeunes mangent de la viande », mais sous la forme de hamburger, estime Pascale Hébel. « C’est une génération nomade qui ne prend plus de dessert et qui avait déjà supprimé l’entrée », d’après elle. Même si cela fait cliché sexiste : « la ménagère ne réfléchit pas non plus deux jours à l’avance à ce qu’elle va préparer comme repas dans la semaine ». La femme d’aujourd’hui travaille. Elle vit parfois seule avec ses enfants et a un emploi du temps ultra-chargé pour un budget restreint.

Moins valorisé que les biscuits



« Le fromage a beaucoup innové avec une forte segmentation : apéritifs, snacking, produits pour enfants… Or, en termes de nutrition, le fromage n’a pas plus d’atouts que la viande », observe Pascale Hébel. Dans ce dernier secteur, « tous les produits bruts ne sont visibles que par le prix. La viande n’est pas rentrée dans les codes de la consommation et du marketing. Il n’y a pas du tout la même valorisation dans le rayon viande que dans le rayon biscuit d’un magasin par exemple ». La consommation de plat préparé a aussi fortement progressé du fait des nouveaux modes de consommation. Avec la crise, les achats de pâtes et de riz ont augmenté en rapport avec les achats de steaks hachés ou de lardons. Pâtes et viandes, un plat pas cher, nutritif et rapide. « Il n’y a plus qu’un plat lors du déjeuner alors il faut qu’il soit dense », remarque Pascale Hébel. La crise, initiée en 2007, a provoqué une frugalité alimentaire de gré ou de force. L’obésité a même diminué. « C’est une crise économique profonde qui n’a jamais été vécue depuis la dernière guerre », analyse-t-elle. La consommation revient peu à peu, en lien avec une déflation. Mais ce n’est pas le secteur des viandes de boucherie qui va reprendre dans les mois à venir. Entre crise économique, arguments environnementaux, de santé ou de bien-être animal, la baisse de la consommation de viande est bien structurelle. Elle va durer. Un sondage du Credoc montre que dans les deux prochaines années, 33 % des Français diminueront leur consommation de viande et 16 % de produits laitiers. Cette baisse de la consommation touche surtout les urbains entre 40 et 50 ans en pleine ascension sociale, qui se tournent vers un régime flexitarien (1). « Dès le début de la filière, il faut penser au consommateur final ! Et donc tout repenser dans l’autre sens ! », conclu Pascale Hébel. Et cela passe forcément par une vraie rémunération aux éleveurs...

(1) Un flexitarien est avant tout un omnivore. Il réduit sa consommation de viande et la réserve pour des occasions particulières (restaurant, repas entre amis, etc.).