Industriels de viande
Face à une « mégacrise »

Réunis en assemblée générale, les professionnels du secteur des viandes s’alarment de la baisse structurelle de la consommation au sein des ménages français. Plusieurs stratégies sont menées de front pour l’enrayer. L’entente entre les différents acteurs de la filière demeure, quant à elle, toujours aussi hypothétique…
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Viande rouge ou viande blanche, le constat est désormais le même : leur consommation en France diminue chaque année. Cette situation est qualifiée de « mégacrise » par Jean-Paul Bigard, à la tête du premier groupe transformateur français du même nom, venu participer à l’assemblée générale du Syndicat des entreprises des viandes, Culture Viandes, le 11 octobre.
Et en la matière, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les quinze dernières années, chez les ménages, la consommation des viandes n’a cessé de reculer, oscillant entre -1,5 % et -2,5 % par an.
« On observe toutefois depuis 2-3 ans, une croissance dans la restauration hors domicile (RHD) », fait remarquer Guy Wermeister, directeur général d’Elivia, le deuxième plus important abatteur à l’échelle nationale. Ce regain est non quantifiable pour l’heure, expliquent les représentants de la filière, car aucun panel n’a été pris en compte. Les attaques à répétition, orchestrées par les associations en faveur du bien-être animal, ont d’ailleurs fortement accentué ce mouvement de fond. Entre les mois de septembre 2015 et 2016, la consommation aurait ainsi chuté de près de -9 %. « Du jamais vu depuis la crise de l’ESB survenue en 2001 », déplore Guy Wermeister. Face à cette réalité peu reluisante, les opérateurs s’organisent.

Les barrières à l’export


Les gros volumes de viande bovine sur les marchés national et communautaire obligent à de nouveaux débouchés.
Sur le sujet, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a d’ailleurs pu essuyer des critiques lors de son passage au Sommet de l’élevage. « L’export vers les pay -tiers est un travail de longue haleine, il faut persister. D’abord, il faut que les pays aient des besoins. Ensuite, que le produit que nous proposons corresponde. Il faut faire face aussi aux barrières sanitaires, religieuses et/ou politiques. Enfin, il y a la concurrence prix », rappelle Dominique Guineheux, directeur des achats bovins chez Bigard. La Turquie a été beaucoup citée ces derniers temps, représentant une opportunité de marché importante pour les viandes de l’Union européenne. Mais, sur ce marché et s’il venait à s’ouvrir, il faudra également compter avec la Pologne, le Brésil ou l’Inde qui se sont également positionnés…

Relations discordantes


Depuis quelques années, le secteur de la viande subi de nombreuses attaques frontales. Les soit-disants risques de cancer ou la dénonciation de maltraitances animales sont les dernières en date.
La filière se retrouve acculée de tous bords. Pour résister, une entente entre les différents maillons de la chaîne parait inévitable. Et pourtant…La situation actuelle présente en effet une toute autre réalité. Le divorce entre les différents opérateurs semble bel et bien consommé. « Le prix est un élément de fracture », constate Jean-Paul Bigard, décrivant « une situation d’affrontement plus supportable ». Face aux prix de marché d’une très grande volatilité, l’industriel explique « suivre la tendance en serrant les boulons ».
Très critique à l’égard des interprofessions telles qu’Interbev ou Inaporc, il les fustigeait d’être des « morts-vivantes ». Et Jean-Paul Bigard précisait assumer « son langage cru », lui qui juge « inacceptable » les accords passés entre la production et la distribution sur le "Cœur de gamme" et « inadmissible » les mesures d’installation de caméras de surveillance dans les abattoirs. « Je ne cherche pas la polémique. Il faut que l’on travaille. On essaie d’avancer », réagissait calmement Guy Hermouët, éleveur en Vendée et représentant à cette occasion de la section bovine d’Interbev…