Elevage bovins viande
Les raisons d’espérer

Dans sa synthèse Fermoscopie 2015, CerFrance 71 dresse un panorama contrasté de la situation économique des exploitations de Saône-et-Loire. Si leurs revenus demeurent très modestes, les producteurs de bovins viande semblent moins vulnérables qu’on ne pourrait le croire. Mais une revalorisation des prix de vente est indispensable, de même qu’un travail sur la productivité et les charges...
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Le 24 novembre à Gueugnon, CerFrance 71 présentait sa synthèse de prospective économique annuelle Fermoscopie 2015. Pour ce rendez-vous consacré à l’élevage allaitant, le centre de gestion avait invité le président de la FNB, Jean-Pierre Fleury. Au-delà des chiffres et difficultés mis en lumière par l’analyse des comptes des exploitations saône-et-loiriennes, le rendez-vous se voulait constructif en avançant des pistes d’adaptation pour les élevages. Avant de dépeindre une année 2015 particulièrement difficile pour les producteurs de viande (prix insuffisants, baisse de la consommation au profit du haché, FCO, sécheresse, nouvelle Pac…), les experts de CerFrance 71 ont d’abord présenté un tableau de bord de la ferme Saône-et-Loire, dont le revenu moyen par Utaf était de 15.000 € pour 2014.

12.000 € de revenu par Utaf


Un revenu modeste et qui le sera encore pour 2015, mais qui cache une très grande disparité selon les productions. Disparité qui dévoile aussi des réalités inattendues. Si la viticulture confirme sa hausse de revenu à 30.000 €/Utaf, il faut savoir que les exploitations céréalières se retrouvent cette année au plus bas de l’échelle avec des revenus négatifs à -5.600 €. En comparaison, les élevages bovins viande étaient, en moyenne, à 12.000 €/Utaf derrière les laitiers à 19.600 €.
A l’échelle de la ferme Saône-et-Loire toujours, on observe un niveau record d’endettement à 40 % lié à des augmentations de capital financées par de l’emprunt et une rentabilité qui n’est pas à la hauteur. En résulte un appauvrissement global des agriculteurs du département...

Bonne résistance aux crises


Dans ce panorama des productions, il est à noter que ce sont les céréaliers qui courent aujourd’hui le plus haut niveau de risque financier. A contrario, les exploitations de bovins viande jouissent d’une bonne capacité à résister aux crises avec un revenu certes modeste, mais plus régulier. Le résultat demeure néanmoins faible sur dix ans, compris entre 10.000 et 20.000 €/UMO pour un revenu moyen de 14.000 €/Utaf. 2014 était le plus faible résultat de la décennie avec seulement 10.000 €/UMO et le rapport Résultat/EBE se détériore (moins de 35 %). Il est à signaler, pointait toutefois le CER, que 25 % des élevages ont une efficacité économique correcte malgré tout. Le résultat diffère selon les systèmes et augmente selon le degré de finition des produits : 9.000 €/UMO pour les naisseurs ; 11.000 €/UMO pour les naisseurs engraisseurs mixtes et 15.000 €/UMO pour les naisseurs engraisseurs.

Il manque 30 centimes d’€


En dix ans, on constate que l'agrandissement moyen de 27 hectares et de 12 vêlages n’a pas permis d’augmenter le résultat. La productivité du travail a progressé certes (en moyenne 50 tonnes de viande vive produite par exploitation), mais avec des charges en hausse constante, résultats et EBE ont diminué et les trésoreries finissent par être négatives.
Les analystes montrent qu’avec un coût de production atteignant 4 € le kilo de viande vive, le prix de vente de la viande est très insuffisant. Il faudrait au moins 3 € pour pouvoir couvrir un prix de revient atteignant 2,70 €. Dans les fermes, les éleveurs "adaptent" - au prix de nombreux sacrifices - leurs prélèvements à ces prix de vente insuffisants, faisait remarquer l’un des intervenants. A 2,40 €/kg vif, il manque au minimum 30 centimes d’€, preuve qu’un relèvement des prix payés aux éleveurs est incontournable.

Productivité des troupeaux et charges


L’autre volet de l’amélioration du revenu concerne la productivité du troupeau et la maîtrise des charges. Pour s’en convaincre, CerFrance 71 s’est attardé sur le groupe des élevages les plus économes de sa clientèle. Ces exploitations se distinguent par des coûts de production, des charges de structure, des charges opérationnelles, des prix de revient significativement inférieurs à la moyenne. Leurs troupeaux sont plus productifs avec plus de kilos de viande produite par UGB. Elles ont moins de charges alimentaires et une mécanisation mieux raisonnée. Ces exploitations parviennent à de meilleurs résultats avec plus de produits et moins de charges, synthétisent les experts.
Pour parvenir à de tels résultats, elles font la chasse aux UGB improductives en recourant à des échographies ; elles raisonnent les durées d’engraissement qui ne doivent pas excéder 120 jours, estiment les conseillers ; elles avancent l’âge du premier vêlage ce qui réduit les frais d’alimentation. Elles sont très vigilantes sur les performances de reproduction. « Vingt jours d’IVV, c’est un surcoût de +1.500 € », alerte le CER. Autre point important : la mortalité des veaux. Des taux de mortalité élevés pouvant atteindre jusqu’à 20 % coûtent très cher aux éleveurs. La sélection et le sanitaire sont d’autres points qui font la différence.

Coûteuse mécanisation


Pour les experts du CER, le critère "Nombre d’animaux vendus" est plus important pour une exploitation que le nombre de kilos. Quant au poste alimentation, l’optimisation du pâturage, la valorisation des fourrages sont autant de leviers pour réduire la consommation d’aliments concentrés, laquelle ne doit pas dépasser 1,5 kg par kilo de viande produite, indiquent les conseillers. Enfin, devenue le poste le plus important des exploitations d’élevage, la mécanisation mérite d’être repensée. Son évolution exponentielle est en partie liée à l’augmentation des surfaces censée compenser la baisse de revenu. Mais la démarche s’avère vaine, car le matériel coûte cher et le résultat n’est pas à la hauteur. Cette mécanisation excessive provient aussi de la dispersion des parcelles, du morcellement des exploitations qui se sont agrandies.


Prix, coût de production, segmentation, contractualisation


« La solution se trouve entre le coût de production et le prix », résumait Jean-Pierre Fleury, le président de la FNB, évoquant les perspectives pour l’élevage bovins viande. De fait, un travail sur l’autonomie des exploitations est incontournable. De même « produire des kilos de viande vive » et « connaître son coût de production doivent être inscrits dans les projets d’installation ». Parallèlement, « la révision de nos modèles d’exploitation » doit s’accompagner d’un gros effort sur la segmentation des marchés. « Nous avons besoin d’une segmentation claire et affirmée. L’éleveur est l’éternelle variable d’ajustement comme s’il n’avait pas de coût », déplorait Jean-Pierre Fleury qui pointait du doigt « des marques d’entreprises fortes, occultant les races et transformant lentement les éleveurs en producteurs de minerai ». Le responsable syndical s’interrogait notamment sur la place de la charolaise qui, de par son succès, « s’est dispersée, voire perdue par rapport à ses fondamentaux qualitatifs ». La contractualisation est un moyen de repositionner le troupeau allaitant charolais vers le haut de gamme, estimait encore le président de la FNB. Combatif, le syndicalisme bovin affichait néanmoins un certain espoir. « Il faut faire de la COP 21 un atout en démontrant les bienfaits environnementaux de notre élevage et en le transformant en prix ! », citait par exemple Jean-Pierre Fleury. « Les producteurs américains sont payés un euro de plus que nous. Tous les prix mondiaux augmentent... ». Enfin, le président de la FNB déplorait que « les coûts de production des éleveurs soient affichés partout, car c’est du pain béni pour tous ceux qui achètent ! », mettait-il en garde, faisant remarquer que les grosses entreprises, elles, se gardent bien de dévoiler leurs chiffres. C'était le lieu pour le dire !