Alimentation
N’avalez pas tout ce qu’on vous dit !

« N’avalez plus tout ce qu’on vous dit sur l’alimentation ! » : telle est l’injonction pleine de bon sens du Pr Philippe Legrand, qui signe un livre sur la nutrition, accessible à tous, qui est aussi « un coup de pied dans le plat ».
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Expert pour de nombreuses institutions nationales et internationales, spécialiste des lipides, professeur à Rennes, Philippe Legrand s’appuie sur les études les plus solides et les plus récentes pour pulvériser un certain nombre de mythes liés à l’alimentation. Nutrinews a picoré librement ici ou là quelques mises au point.

 Animal ou végétal ?
Toutes les protéines ne se valent pas. Il faut manger des protéines animales et végétales. Ne pas sacrifier les animales, car elles sont plus riches en acides aminés indispensables et plus proches de nos besoins. Idem pour faire le plein de vitamines : le végétal ne suffit pas. Les végétariens sont les premiers consommateurs de compléments alimentaires.

 La chasse aux lipides. C’est la leçon - en particulier "américaine" - de ces dernières décennies : plus on a diminué la consommation de lipides, et plus l’obésité a augmenté ! Le surpoids dépend du total de l’énergie non dépensée. Pour une part croissante de la population, cette énergie vient des sucres et des boissons sucrées. Et le glucose se transforme en lipides si l’on accumule trop d’énergie totale. On peut diminuer la charge totale d’énergie sans diminuer la part des lipides en dessous de 35 à 40 % des apports énergétiques quotidiens (le pourcentage recommandé par l’Anses).

 Les régimes. Le métabolisme réagit aux privations excessives, qui deviennent de plus en plus inefficaces et pénibles. Avec abandon, reprise de poids et effet yoyo, qui peuvent mettre sur la voie de l’obésité. Le plus dur est de stabiliser son poids. L’éducation alimentaire et, si nécessaire, la prise en charge nutritionnelle apprennent au candidat à l’amaigrissement à réduire légèrement et progressivement ses apports énergétiques, pour ne pas alarmer l’organisme et en définitive maintenir la baisse de poids. C’est toute une nouvelle façon de s’alimenter. Pas d’élimination drastique du dessert, de l’apéro, du pain ou du chocolat. Juste moins de tout. Sans se resservir. Pas de dessert à midi une ou deux fois par semaine, pas de pain à midi une ou deux fois par semaine, etc.

 Les allégés. Des leurres sympathiques. A ceci près : un allégé en lipides est souvent enrichi en glucides. Un allégé en glucides à base d’édulcorants peut être intéressant pour les accros aux sodas, mais il développe le goût du sucre : on tourne en rond ! Les allégés sont sans réel danger, mais surtout sans réel intérêt : aucun bénéfice sur le poids ou l’appétit n’a été démontré. Il se pourrait même qu’ils fassent manger un peu plus certains consommateurs ! L’alcool. Si l’on cherche ses bienfaits sur la sphère cardiovasculaire (voire sur la longévité, disent certaines études), c’est du côté du vin rouge seul (et de ses polyphénols) qu’on peut les trouver. Mais à petites doses. A hautes doses, l’alcool reste un dangereux toxique métabolique et neurologique.

 L’huile de palme. Riche en béta-carotènes, elle nourrit des millions de personnes en Asie et en Afrique. Chez nous, elle est incorporée sous le nom d’huile végétale dans les margarines, pâtes à tartiner et autres préparations industrielles, du fait de son onctuosité et de son faible prix. Sa composition en acides gras n’est pas intéressante. Elle est riche en acide palmitique, dont on cherche à a limiter la consommation. Toutefois, sa consommation chez nous ne représente que 2 à 3 g sur les 90 à 100 g de lipides journaliers que nous consommons. On peut toujours choisir des biscuits pur beurre, plus chers, et en manger moins !

 Les margarines. Ces huiles artificiellement solidifiées n’apportent plus, en principe, les acides gras trans d’origine industrielle, réputés nuisibles au cœur et aux vaisseaux. Elles sont aujourd’hui plus ou moins bien faites, en fonction du sérieux des fabricants et de l’huile végétale utilisée. Mais face à l’emploi mesuré des bonnes huiles et du beurre, elles n’ont aucun avantage et sont tout simplement inutiles.

 Le cholestérol. Il n’y a pas si longtemps désigné comme ennemi n° 1, il est maintenant remis à sa place : celle d’un marqueur de risque cardiovasculaire parmi tant d’autres (quand il est en excès). Mais il n’y a pas de vie sans cholestérol ! L’organisme en fabrique, l’alimentation en apporte. Sauf en cas d’anomalie grave, et médicalement étiquetée, du bilan lipidique sanguin, la chasse à tout produit d’origine animale est injustifiée. Mais elle fait vendre de nombreux produits proclamés "sans cholestérol". Ou encore recommander des doses massives de phytostérols, qui limitent l’absorption du cholestérol. Problème : les experts attribuent au phytostérol des risques cardiovasculaires...

 Les acides gras saturés. La dédiabolisation est en marche, car les saturés et leurs effets sont très divers et mieux connus. Dans les produits laitiers, beaucoup sont neutres, voire bénéfiques. Le seul saturé dont on craint l’excès est le palmitique. Il peut être apporté par l‘alimentation, mais aussi fabriqué par l’organisme en cas de surcharge en aliments et boissons sucrées et en alcool. L’Anses a revu à la hausse la part des lipides (y compris les saturés) dans les apports énergétiques quotidiens.

 Le bio. Aucun avantage nutritionnel supplémentaire à manger bio. Peut-être y retrouvera-t-on un peu plus du goût des aliments d’antan, en payant 20 à 30 % plus cher...

Le livre du Pr Philippe Legrand : "Coup de pied dans le plat. N’avalez plus tout ce qu’on vous dit sur l’alimentation !", aux éditions Marabout 2015.




Risques liés aux aliments
Les Français moins inquiets


Notre alimentation quotidienne est de moins en moins source d’anxiété, révèle l’édition 2015 du Baromètre Anses-Crédoc. Les aliments frais sont en tête des produits jugés très sûrs ou assez sûrs. Et cela pour 79 % des Français contre 74 % en 2011. Ensuite vient l’eau du robinet, avec un indice de confiance de 69 %, contre 66 % en 2011. En revanche, la confiance envers les aliments transformés marque un recul, passant de 39 % à 35 %. Elle est cependant en hausse pour les compléments alimentaires et les médicaments. Les avis des agences de sécurité sanitaire sont aussi jugés dignes de confiance, même si ces organismes sont mal connus : 79 % des Français pensent à tort qu’ils peuvent autoriser ou interdire les produits, alors qu’ils ont surtout pour mission de faire le point sur les connaissances scientifiques. Quoiqu’il en soit, les avis scientifiques sont perçus comme fiables et l’image des experts est positive. Le retour du rationnel est une bonne chose et devrait inciter les médias à la recherche de catastrophisme à davantage de retenue en la matière… Mais, comme bien souvent en la matière, ils sont en retard d’une guerre.




Risque de cancer
Les facteurs alimentaires influençant


L’analyse de centaines d’études publiées sur les liens éventuels entre alimentation et cancer a permis d’identifier des facteurs alimentaires qui peuvent augmenter ou diminuer le risque de cancer. L’Institut national du Cancer en a tiré cinq conseils pratiques :

- réduire les boissons alcoolisées ;

- limiter la sédentarité et pratiquer une activité physique régulière ;

- maintenir un "poids santé" ;

- privilégier l’allaitement ;

- et bien sûr avoir une alimentation équilibrée.

Cet équilibre repose d’une part sur la consommation de fruits et légumes (au moins 400 g par jour), de fibres alimentaires (végétaux) et de produits laitiers (trois par jour pour les adultes), qui diminue le risque. Et d’autre part sur la limitation de la consommation de sel et de certains compléments alimentaires, qui augmente le risque.

Quant à la viande rouge et aux charcuteries, il suffit tout simplement de ne pas en abuser : 500 grammes de viande rouge par semaine est l’idéal et de la charcuterie une fois par semaine, deux tout au plus.