Retraités
« Ajouter de la vie aux années »

Pour le médecin conseil de la MSA Jacques Laplante, « bien vieillir » ne peut s’accomplir sans « plaisir ». Dans une intervention pleine de bon sens et sans tabou, le praticien a délivré un message optimiste aux moins jeunes. Démontrant « qu’il est possible d’ajouter de la vie aux années » en agissant en premier lieu « sur notre activité, notre relation aux autres ».
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Lors de sa dernière assemblée générale à Martigny-le-Comte, la section des anciens exploitants de la FDSEA avait invité le médecin conseil Jacques Laplante de la MSA de Franche-Comté pour intervenir sur le thème du « bien vieillir ». Devant un auditoire de jeunes retraités nombreux et attentifs, l'intervenant s’est livré à une passionnante démonstration, se démarquant nettement du discours culpabilisateur et péremptoire habituel, sortant du jargon strictement biologique, osant même lever quelques tabous, le tout dans une approche exclusivement bienveillante, humaine et pleine d’empathie.

Lutter contre la sédentarité


Une démonstration emprunte de bon sens qui débutait par cette formule résumant à elle seule la clé du propos : « bien vieillir et plaisir ». Un leitmotiv pour cette intervention qui commençait par dénoncer une obsession récurrente dans nos sociétés, laquelle veut toujours « ajouter des années à la vie alors que l’essentiel est au contraire d’ajouter de la vie aux années », débutait Jacques Laplante. Face au vieillissement, l’objectif de tout un chacun est bien « d’avoir le plus possible d’espérance de vie sans incapacité » et, pour ce faire, le médecin conseil s’est voulu rassurant en affirmant « qu’on peut faire quelque chose à travers la prévention ». Une « réadaptation à l’effort » permettant au patient de lui « redonner une capacité qu’il avait perdue » est en effet toujours possible, moyennant un entretien quotidien, indiquait Jacques Laplante. Car le problème majeur du vieillissement est bien la sédentarité contre laquelle il faut, autant que faire se peut, résister au moyen d’une activité physique régulière ; la marche en tout premier lieu.
Le médecin conseil insistait également sur le fait que le vieillissement n’est pas une maladie, mais une évolution normale du corps humain. D’où la nécessité de s’y préparer, de s’y adapter sereinement, d’adopter un mode de vie qui vise à « bien vieillir »…

Idées reçues


Avant d’aller plus loin dans sa démonstration, l’intervenant a rétabli quelques vérités souvent méconnues ou déformées. D’abord, il faut savoir que l’espérance de vie des agriculteurs est somme toute voisine de celle des cadres. Certes, le métier est dur, mais pas au point de diminuer significativement le nombre d’années de vie. Et chaque profession a ses difficultés, faisait remarquer l’intervenant… S’il est vrai que le taux de suicide en agriculture est 1,2 fois plus élevé que la moyenne nationale, celui des médecins - qui ne souffrent pourtant pas des mêmes contraintes de revenus ou de pénibilité physique - l’est deux fois plus… Les incapacités viennent de plus en plus tard dans la vie, la dépendance intervient en moyenne à 82 ans chez les hommes et à 88 ans chez les femmes, enfin la durée de dépendance est d’environ cinq ans en fin de vie. On parle beaucoup d’Alzeimer. Pourtant, la maladie ne touche pas tant de Français qu’on ne l’imagine, rétablissait le médecin qui donnait le chiffre de 11.000 malades d’Alzeimer en France, ce qui relativise grandement la probabilité d’être touché. En revanche, l’intervenant ne minimisait pas la nécessité du dépistage du cancer, acte de prévention incontournable. Sein, colon (colo-rectal) et peau sont trois cancers à dépister précocement.

Ne pas sacrifier la convivialité


En 2030, vingt millions de Français auront plus de 60 ans. Des efforts de prévention du vieillissement seront indispensables et la MSA en réalise déjà beaucoup, confiait Jacques Laplante. Un certain nombre de ces actions touchent l’alimentation. Certes, la suralimentation peut poser problème, reconnaissait le médecin, « mais en se focalisant trop sur le cholestérol, le diabète, le surpoids, on en détériore la convivialité, le lien aux autres. Et c’est très important aussi la convivialité ; il s’agit du sens fondamental de la vie », estime Jacques Laplante. « Être obsédé par un régime, s’imposer trop de restrictions vont avoir des répercussions négatives sur le mental… Alors que passer un moment avec les autres, préparer un bon repas, le partager sans excès sont autant de sources de bien-être ».

Les conflits « bouffent la vie »


Dans le même ordre d’idée, le médecin de la MSA évoque les conflits qui perturbent grandement le mental. Des relations difficiles avec son entourage « bouffent la vie ; elles demandent une énergie considérable pour y faire face », décrit Jacques Laplante qui signale que les conflits de voisinage ou de famille sont la première cause des appels de détresse. « C’est important de réfléchir à ce que l’on peut faire dans le cadre de ces difficultés liées à des conflits. Dans les derniers jours de vie, c’est important de faire la paix avec son entourage », recommande le médecin.
S’adressant aux aînés, Jacques Laplante n’hésite pas non plus à évoquer l’amour, facteur tout aussi décisif dans l’espérance de vie. Ce sont d’ailleurs les veufs et les veuves qui le disent ; l’absence de l’autre pèse lourd dans les conditions du vieillissement. La question des relations aux enfants est également importante.

Une question de revenu aussi…


« Dans l’espérance de vie, la question du revenu est essentielle », affirmait par ailleurs le médecin. Difficile d’optimiser ses chances de vivre vieux et serein « quand on ne peut plus faire bouillir la marmite », constatait-il fort justement. Celui-ci déplorait aussi que la France ne soit pas à la pointe en matière de prévention du vieillissement. « Dans les pays où l’on fait le plus de prévention, les pays du Nord par exemple, l’espérance de vie est supérieure jusqu’à dix ans de plus par rapport à la France. Ici, nous avons beaucoup de mal à avoir quatre francs six sous pour faire de la prévention. Nous sommes un pays qui souffre d’une mortalité précoce importante », regrettait le médecin qui se désolait qu’au prétexte « de réaliser des économies de bout de chandelle » l’on ne rembourse pas les appareils auditifs en France… Même s’il faut reconnaître que le pays a la chance de disposer « d’un système de protection sociale solidaire qui tient encore débout ».
« Notre devoir, c’est d’essayer d’utiliser au mieux notre capital Santé pour l’entretenir. A titre individuel, on peut vraiment peser sur son avenir en agissant sur ce qu’on peut faire bouger : notre activité, notre relation aux autres… », recommandait en guise de conclusion Jacques Laplante.



Bon à savoir…


Dépenses de santé
« Il est faux de penser que les dépenses de santé sont élevées parce que les gens vivent plus longtemps. Les dépenses de santé ont augmenté parce que nos outils technologiques sont plus importants et que l’on intervient désormais à tous les âges de la vie y compris in utero. A tous les âges de la vie, on dépense plus en fait. Et les personnes de 70 ans d’aujourd’hui coûtent moins cher en dépense de santé que les 70 ans d’il y a vingt ans ! ».
Travail
Le travail, avant de rendre malade, c’est d’abord la santé ! On constate une mortalité plus forte chez les inactifs. Le travail sociabilise, donne du sens à la vie… Ceux qui n’ont pas de travail subissent une double peine.
« Médicaments à dépendance »
« Marcher régulièrement peut permettre de réduire sa consommation de certains médicaments. Il faut en particulier se méfier des médicaments à dépendance ; ceux pour dormir ou lutter contre l’anxiété. Sur le long terme, ces béquilles chimiques vous enlèvent une partie de votre force de vie. Si votre médecin vous incite à vous sevrer de ces médicaments, il fait bien, car cela peut vous faire gagner en espérance de vie ! ».
Mémoire
« Le cerveau est comme un muscle. La perte de mémoire est surtout due au fait de ne pas assez l’exercer. Pour restaurer sa mémoire, il suffit d’apprendre une strophe de récitation tous les jours ou même de retenir une bonne recette de cuisine ! Ce qui permet de lier exercice de mémoire et plaisir… ».
Equilibre de vie
« L’équilibre de vie, de même que combattre le mauvais stress, est une donnée importante. L’équilibre de vie repose sur un rapport équitable entre le temps consacré à sa vie personnelle, intime ; le temps consacré au travail ; le temps consacré à la famille et le temps consacré à la vie sociale. Si l’un des quatre prend le dessus sur les autres ou disparaît, alors il y a risque d’accident ».