Les Vignerons Indépendants
Cultiver sa diversité et l'audace

Publié par Cédric Michelin
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"Casser les codes", tel était le thème du congrès national de la Confédération des vignerons indépendants à Narbonne les 4 et 5 avril. À travers ce slogan, les organisateurs avaient entretenu les adhérents du réseau que leurs atouts étaient la diversité et l’audace, dans la liberté d’entreprendre et d’innover.
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« Casser les codes, c’est oser, c’est entreprendre, c’est avoir de l’audace quand tout le monde pense que vous êtes fous », a indiqué le programme du congrès pour bien définir ce qu’il faut entendre par « casser les codes ». En effet, il ne s’agit pas de jeter par-dessus bord les repères des signes de qualité, mais de cultiver la différence sur les marchés en s’appuyant sur la créativité et la passion d’un grand nombre d’exploitations viticoles.

Le premier jour de ces Rencontres annuelles des Vignerons Indépendants de France (Vif), Henri Gualco, ancien président de la confédération des Vif, a rappelé qu’il y a 30 ans, le discours ambiant des experts était « ne résisteront, demain, face à la mondialisation, que les grands domaines viticoles ». Or, au fur et à mesure que la mondialisation s’avançait, les producteurs ont constaté qu’ils résistaient et qu’ils gagnaient des marchés en volume et en valeur. L’ancien président des Vif voulait monter par là que produire différemment de ce que produisent les grandes entités peut ouvrir des marchés. Le consommateur n’existe pas. Il y a des millions de consommateurs. « Je ne cherche pas à produire un vin qui correspond à tout le monde. Je cherche à faire le vin qui me passionne, il se trouvera toujours un consommateur qui l’appréciera », croit Henri Gualco. Le leader historique des Vif est confiant dans les débouchés du vin de qualité : dans une société portée à l’individualisme, le vin peut être recherché comme occasion de partage et de convivialité.

Être en phase avec un public amateur de vin et éduqué



Quand le vin est devenu une marchandise uniforme formatée par cinq ou six grands opérateurs, en Australie, à la fin des années 2000, il n’a plus été attirant et la consommation a chuté, a indiqué Jacques-Olivier Pesme, directeur de la Wine Spirit Academy (institution de formation des managers des vins et spiritueux adossé à l’école de commerce de Bordeaux Kedge). Outre le plaisir qu’apporte le vin, les consommateurs sont attentifs à son industrie, à la terre qui l’a produit, au savoir-faire des vignerons, a-t-il complété.

Pour être en phase avec un public amateur de vin et éduqué, il y a tout à gagner à utiliser le levier des réseaux sociaux, a de son côté indiqué Louise Massaux, bloggeuse et fondatrice de Vinoréalys, agence de communication sur le vin et les spiritueux. « Internet a deux fois plus d’influence que la télévision et c’est la première source d’information, devant la presse », a-t-elle dit aux congressistes. « Alors qu’une page de publicité coûte 15.000 à 20.000 euros, là, c’est gratuit ». La bloggeuse a donné le profil et la spécificité des différents réseaux sociaux (Facebook pour le fil d’actualité, Twitter pour avoir une notoriété professionnelle, Instagram pour le partage des photos) et a conseillé aux vignerons de poster trois informations par semaine pour entretenir l’attention de l’audience sur leur vignoble.

L’image de la diversité créatrice



C’est un observateur extérieur, Bruno Jeanbart, directeur adjoint de l’organisme d’études et de sondages Opinionway, qui a synthétisé les atouts des Vignerons Indépendants. « Les vignerons des grands vignobles sont considérés comme des industriels du vin, difficiles d’accès. Dans l’imaginaire collectif français, ils sont perçus de façon négative ». À l’antipode, les petits vignerons « sont perçus comme des faiseurs, des créatifs ». L’image de celui qui entreprend de façon indépendante en France est rassurante : « Il fait tout tout seul, il est presque un héros face à de nombreuses adversités ». De plus, du point de vue du consommateur, il est un gage de qualité, car il maîtrise la vinification. En outre, s’il vit de la vente de son produit, « c’est, par déduction, qu’il génère de la marge, parce qu’il produit de la qualité ». Autre atout : quand il s’adresse au consommateur, c’est sans le filtre du distributeur : le consommateur n’a pas à interpréter. Enfin, bien souvent quand le consommateur lui achète des bouteilles, c’est de sa part un achat militant : il défend le petit faiseur qui, de plus, respecte la nature.




La tentation récurrente de l’étiquetage nutritionnel



Lors de sa courte allocution le 4 avril au soir, le président de la confédération des Vignerons Indépendants français, Thomas Montagne, a fait part de son amertume d’avoir été seul à Bruxelles à avoir bataillé face à la tentation récurrente de Bruxelles d'appliquer l’étiquetage nutritionnel au vin. « Indiquer le taux de sucre et de graisses sur les bouteilles, c’est ingérable ». De plus « ça n’a pas d’intérêt pour le consommateur, lui indiquer les calories ne sert à rien ». Thomas Montagne a précisé qu’il est parvenu à faire modifier un rapport européen en faisant supprimer la mention « obligatoire », pour éviter que le vin entre dans le système.