Crise bovine
La sonnette d’alarme

Face à la dégradation de la conjoncture et des revenus des éleveurs, la Fédération nationale bovine en appelle une fois encore à Paris et à Bruxelles. Avec la grande distribution, elle vient d’initier une nouvelle approche de négociation commerciale basée sur les coûts de production désormais partagée par Système U.
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« Jamais il n’y a eu autant de désespoir et d’incompréhension chez les éleveurs », a mis en garde Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération nationale bovine (FNB), évoquant la dégradation de la conjoncture et le manque d’écoute des pouvoirs publics qu’ils soient français ou communautaires.
Déjà peu élevés, les revenus des éleveurs n’ont en effet jamais été aussi bas. Selon les estimations de l’Institut de l’élevage, les revenus moyens des exploitations en systèmes naisseurs-engraisseurs, avant impôts et cotisations sociales, se situaient à 30.000 € en 2015; 25 % des exploitations ayant un revenu inférieur à 20.000 €. La situation est encore plus critique pour les exploitations en systèmes naisseurs dans lesquelles les revenus moyens se situent entre 20.000 et 23.000 €, avec 25 % des exploitations qui ont un revenu inférieur à 10.000 €. Entre les mois d’avril 2015 et 2016, le prix moyen pondéré a perdu 12 centimes/kg et même 60 centimes/kg par rapport à 2013, « la dernière année où le revenu était correct », insiste Jean-Pierre Fleury.
Au final la perte de chiffre d’affaires des éleveurs atteint 345 millions d’€ sur un an et 673 millions depuis 2014. « Il manque 1 € du kilo, soit 400 € par bête ! ». Sans parler de l’effet domino sur les animaux maigres, en baisse également, alors que le prix a tendance à se redresser au printemps. « Le vrai danger, c’est la disparition irréversible en 2016 de milliers d’exploitations », s’insurge Jean-Pierre Fleury qui déplore le manque de réaction de la filière, des pouvoirs publics à Bruxelles comme à Paris.

Bruxelles doit se réveiller !


« A Bruxelles, c’est un foutoir sans nom ». Les différents responsables n’ont pas pris la mesure de la crise de l’élevage, accuse le président de la FNB.
Ainsi, le renouvellement des sanctions européennes vis-à-vis de la Russie a eu pour conséquence immédiate le prolongement de l’embargo russe jusqu’en 2017… Et qui paye ? Pas les autorités bruxelloises !
Idem sur les exportations de bovins sur la Turquie aujourd’hui bloquées sur l’autel d’un chantage politique sur les migrants et les réfugiés.
Sans parler de la non prise en compte par la Commission européenne de la crise laitière sur le marché de la viande bovine.
« Nous demandons un plan d’accompagnement pour la production de viande bovine face au désastre annoncé sur le lait », plaide Jean-Pierre Fleury qui évoque la mise en place de crédits à l’exportation pour assainir le marché, ainsi qu’une revalorisation du seuil "de minimis" pour les producteurs de viande bovine.

Un nouveau Plan d’urgence


A Paris, la FNB attend du ministre de l’Agriculture qu’il fasse un bilan du plan d’urgence et notamment de la mise en œuvre de l’Année blanche qui s’est appliquée au compte-goutte et de manière très hétérogène selon les régions et les départements pour ne pas dire selon les banques…
« Il y aura besoin d’un autre plan en 2016 », insiste Jean Pierre Fleury qui déplore également « le retard abyssal » du versement des indemnités Pac. Evoquant le projet de loi sur les aménagements à apporter à la loi de modernisation de l’économie (loi Sapin 2) qui arrive prochainement en discussion au Parlement, la FNB plaide pour la prise en compte des coûts de production des éleveurs dans les négociations commerciales avec la grande distribution. Et si tel n’était le cas, « nous mettrons la LME au cœur de la présidentielle. Les producteurs ne peuvent être la variable d’ajustement », avertit Jean-Pierre Fleury. Comme l’enseigne Système U qui est en train de revoir ses pratiques et qui vient d’accepter de négocier sur de nouvelles bases.



Système U s’engage


Serge Papin, le patron de Système U, et Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, ont signé, le 1er juin, une charte d’engagement sur la viande bovine. Une première pour Système U et la grande distribution dans son ensemble. Comme le lui a proposé la FNB, l’enseigne s’est engagée à mettre en œuvre une stratégie "Cœur de gamme". Concrètement, Système U s’engage à payer 1 €de plus par kilogramme que le coût de production sur des animaux représentatifs de la production de viande bovine française. Il s’agit de bovins de classe "R" âgés de moins de 10 ans, d’un état d’engraissement correct d’un poids minimum (selon les races) et dont la maturation a été fixée à 10 à 12 jours minimum.
« Je suis favorable à un réexamen du processus de négociation avec les filières agricoles. L’agriculture est trop souvent la variable d’ajustement dans la guerre des prix que se livrent les grandes enseignes de la distribution », a indiqué Serge Papin avant d’ajouter que « les négociations entre les grands groupes de l’agroalimentaire (Nestlé, Coca-Cola) et avec les petites coopératives ne pouvaient être régies par la même législation ».
Côté FNB, on se félicite de cet accord qui devrait initier un changement de paradigme dans les relations commerciales avec la grande distribution. « Nous allons créer une nouvelle référence calée sur le prix de revient et non plus la vache O ou P », souligne Guy Hermouët, vice-président de la FNB en charge du dossier. En espérant que cette nouvelle démarche fera tache d’huile et que d’autres enseignes y souscriront…