Grêle dans le Mâconnais et le Beaujolais
Généraliser l’assurance ?

Publié par Cédric Michelin
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Après l’épisode du 13 avril (plus de 1.500 ha), la grêle a de nouveau frappé le vignoble du Sud Mâconnais (près de 350 ha) et plus largement celui du Nord Beaujolais (plus de 1.000 ha) dans la nuit du 27 au 28 mai. Sans oublier le gel du 25 au 29 avril plus au Nord. Ce 1er juin, Joël Limouzin, président du FMSE, s’est ainsi rendu à Leynes/Chasselas et à La Chapelle-de-Guinchay, pour constater "de visu" les dégâts et notamment les pertes de fonds. Des besoins en trésorerie se font déjà sentir…
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Joël Limouzin, éleveur en Vendée, n’en finit plus de faire le tour de la France « sinistrée » par les aléas climatiques ces dernières semaines. Gel, grêles, inondations… Lui qui siège au Fond national de garantie des risques en agriculture (FNGRA) et qui, par ailleurs, préside le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) sait que le prochain Comité national des calamités, prévu de longue date le 15 juin, « va être bousculé » pour faire le point sur tous ces dégâts climatiques touchant nombre de productions. « On a besoin de toutes les remontées pour argumenter auprès de l’administration et du ministère », débutait-il, à peine sorti du TGV à 20 h 30. La principale solution réside dans le fond Calamités. Le gouvernement vient de s’engager « à non plus abonder un euro contre un euro de la profession, mais aujourd’hui à abonder autant que besoin ». Reste à évaluer les pertes de fonds et à veiller à ce que tous les départements et régions de France rentrent dans le dispositif.

Vignes "plumées"


L’emmenant rapidement sur une parcelle de vignes sur les hauteurs de Chasselas/Leynes, les vignerons lui montraient "de visu" les bourgeons et contre-bourgeons « plumés », « nettoyés »... « L’an prochain, certains pieds n’auront pas de baguettes. Les rares raisins restants risquent de filer ou de couler après la fleur. Les bois sont tout "mouchés" (NDLR c'est-à-dire cisaillés). Le vent a également cassé des baguettes dans la nuit de vendredi à samedi dernier », témoignaient-ils malheureusement par expérience. Certains ont déjà fait passer les experts pour estimer les pertes de récoltes : « jusqu’à 95 %, car ils ne peuvent pas mettre 100 % ». Pour les autres parcelles moins touchées, la question des vendanges manuelles ou à la machine va se poser…

MSA, TFNB, banques, VCI…


Coprésident de l’Union viticole de Saône-et-Loire, Christophe Brenot listait les demandes départementales qui doivent être relayées au national : prise en charge ou reports des cotisations MSA, exonération de la TFNB, possibilité en 2017 d’opter pour l’année N, mesures pour les employeurs de main-d’œuvre…
A ce propos, c’est le maraîcher et arboriculteur de La Chapelle-de-Guinchay, Jacques Duthel, qui se disait « grêlé à 100 % ». Du « jamais vu » alors qu’il a pourtant déjà subi, en 2013, une violente tornade qui détruisait alors ses serres ou encore la sévère sécheresse de 2015. « Je n’ai rien touché l’an dernier. J’ai cinq salariés. Je ne tiendrai plus cette année. Le pire, c’est qu’avec ça, j’aurais plus de boulot pour devoir faire du jus », expliquait-il.
Viticulteur à Romanèche-Thorins (Château Portier), Denis Chastel Sauzet rebondissait pour que soit adressé un message aux banques en vue d'« avoir des prêts bonifiés car on a besoin maintenant d’un an de trésorerie devant nous », mais aussi à l’INAO « qui refuse le dispositif VCI au Beaujolais »…

Les freins sur l’assurance


Les anciens avaient l’habitude de dire qu’il faut toujours avoir « une récolte à la vigne ; une à la cave et une à la banque », rappelait fort à propos Alain Bataillard du Château de Belleverne. Le vigneron a assuré pendant 25 ans ses parcelles de beaujolais-village. Il venait malheureusement de « faire l’impasse », comme d’autres, sur cette campagne. « Avec des cours à 180 €/hl et une référence historique de 30 hl/ha en raison de trois faibles récoltes, ma marge de manœuvre n’est pas grande et je n’ai rien assuré », expliquait-il, soulevant là un des nombreux problèmes découlant de la crise que traverse le vignoble du Beaujolais.
Les assurances socles « ont du mal à prendre », regrettait aussi Joël Limouzin. En appellation Saint-Véran, la situation est inverse avec un « plafond de 20.000 €/ha » ne correspondant pas « au produit généré par les ventes bouteilles » ni, surtout, aux charges de production engagées. Ceci explique que seuls 30 % des viticulteurs soient assurés en Saône-et-Loire...

Généraliser l’assurance


Il faut dire que les assureurs doivent « régulièrement faire face à des ratio sinistre/cotisations très élevés, allant jusqu'à 300 %, dans notre secteur. Dès lors, comment peuvent-il tenir le coup ? », interrogeait Robert Martin, vigneron à Davayé, également grêlé et non assuré cette année. Lui qui siège à la commission viticole de la FNSEA sait que les négociations nationales s’orientent vers une « mobilisation des milliards d’€ du deuxième pilier de la Pac ».
Car comme le rappelait Joël Limouzin, gel et grêle sont dans le « domaine assurable » tandis que la reconnaissance en état de catastrophe naturelle « n’aide pas forcément à toucher des aides sur les pertes de fonds pour les cultures ».
Celui qui est en charge du dossier Gestion des risques en Agriculture à la FNSEA  rebondissait sur ce qui, pour lui, constitue « le fond du problème : avoir un système mutualisé, homogène en terme de tarifs, et ce sur tout le territoire ». « Il y a aujourd’hui débat : est-on prêt à rendre obligatoire ou à conditionner l’assurance ? En clair, il y aura une aide si vous vous assurez, comme cela est le cas aux Etats-Unis où 80 % des agriculteurs assurés. L’idée serait de généraliser ce système assurantiel » avec 65 % de subventions venant de l’Etat et de l’Europe en tout.
Une solution qui n'exclut pas les autres solutions : « fond sanitaire, fond assurantiel, contrat cyclique et épargne de précaution doivent avancer de pair » résumait-il. Remarquant au passage que les DPA (Dotations pour aléas), le système des cotisations (sociales…) et la fiscalité « ne sont plus adaptés ». « Ce serait une vraie révolution culturelle » que de ne plus « dissuader » les producteurs de faire de bonnes années comptables... concluait-il.