Causes multifactorielles
Si la baisse de la facture des dégâts est une satisfaction générale, il est bien difficile d’en cerner les explications, tempèrent toutefois les représentants de la fédération des chasseurs. La tendance départementale s’inscrit dans une baisse générale constatée en France et la baisse a des causes multifactorielles, fait remarquer Stéphane Camus. Ce résultat conforte néanmoins les efforts de gestion consentis pour prévenir les dégâts. Des efforts dont l’outil central sont les comités locaux grand gibier (CLGG). Ces comités locaux, présents dans chacune des 29 unités de gestion qui composent le département, ont indiscutablement permis d’affiner la gestion du sanglier.
Au cœur de la gestion, les CLGG
Ces CLGG sont des lieux de concertation entre agriculteurs, chasseurs et autres usagers d’un même territoire, qui permettent de faire émerger des solutions locales aux problèmes locaux, rappellent Michel Roy et Stéphane Camus. Ces derniers incitent d’ailleurs les agriculteurs à participer à ces CLGG. « C’est là qu’il faut aller pour discuter des dégâts. Pour faire le point et voir ce qu’il faut faire pour résoudre les problèmes », expliquent les deux représentants de la fédération qui précisent qu’au final, « c’est la FDC qui décide de l’action à mener ». Ces efforts de gestion ont fait baisser les populations de sangliers dans certaines unités. Face à la prolifération des sangliers, les chasseurs et leur fédération ont accepté de « changer leur fusil d’épaule », reconnaît Michel Roy. Quant il faut réduire les populations, les chasseurs le font, explique en d’autres termes le directeur.
80.000 € par an pour la protection des cultures
Outre la régulation des populations, la maîtrise des dégâts passe aussi par des mesures de protection préventive. Le meilleur exemple en est la clôture électrique qui, dès lors qu’elle est bien entretenue, est un véritable succès, assurent les techniciens de la fédération. Depuis deux ans, la FDC ne propose plus d’aide financière aux agriculteurs, mais elle soutient financièrement les sociétés de chasse. L’idée étant que les chasseurs doivent s’impliquer dans la pose de ces clôtures de protection. La fédération espérant ainsi encourager dialogue et concertation entre agriculteurs et chasseurs. « Chaque année, 80.000 € sont consacrés à la protection des cultures à raison de 40 € par hectare protégé », fait valoir Stéphane Camus.
Conditions météo déterminantes
Si les efforts de gestion et de prévention des dégâts sont indiscutablement nécessaires pour contenir les dégâts de gibier, l’embellie des deux dernières campagnes pourrait tout aussi bien avoir des explications purement biologiques. C’est en tout cas l’hypothèse que n’excluent pas Michel Roy et Stéphane Camus. En effet, les conditions météorologiques comptent pour beaucoup dans l’apparition de dégâts. Un printemps sec favorise une baisse des dégâts aux prairies qui offrent moins de vers de terre aux sangliers. A contrario, un début de printemps humide et chaud attire dans les prairies des sangliers à la recherche de protéines, expliquent les deux techniciens. Les sorties de sangliers dépendent aussi de la fructification forestière. Lorsqu’ils trouvent assez de glands, faînes et autres châtaignes en forêts, les sangliers ont moins besoin d’aller se nourrir dans les cultures. Toutefois, une fructification abondante favoriserait la prolificité de l’espèce… Prolificité qui peut atteindre deux portées par an, rappelle Michel Roy.
La gestion des dégâts de gibier est tout sauf simple serait-on tenté de conclure. Même en mettant de côté les tensions qui animent parfois les rapports entre chasseurs et agriculteurs, force est de reconnaître que le sanglier est une espèce redoutable, très dépendante des conditions naturelles. L’amélioration des deux dernières campagnes ne doit pas faire baisser la garde. La situation peut à nouveau se dégrader très vite. Plus que jamais, il faut maintenir les efforts de gestion collectifs. Concertation, dialogue, bon sens et prévention demeurent les meilleurs remèdes.
Gestion des populations de sangliers
Prélever les jeunes pour ne pas destructurer les meutes ?
Certains experts avancent que pour prévenir les dégâts aux cultures, il faudrait que les chasseurs se mettent à ne prélever que des jeunes animaux, du marcassin à des individus de 45 kg. Ce qui reviendrait à épargner les gros sangliers, les plus âgés. Cette thèse s’appuie sur le fait que dès qu’on supprime un animal dominant dans une compagnie, en l’occurrence une laie reproductrice, cela destructure la compagnie avec des jeunes individus qui se retrouvent livrés à eux-mêmes, d’où des dégâts aux cultures, aux silos… L’idée consisterait à épargner les reproducteurs d’âge mûr, moins nuisibles que leurs descendants, et de prélever les jeunes animaux produits dans l’année. Cette technique qui épargnerait l’équilibre hiérarchique de la compagnie, offrirait une autre approche de la gestion des populations.
Sanglier chassable dès le 1er juin
L’avancement des dates d’ouverture de la chasse au sanglier contribue aussi à l’amélioration de la situation. « Aujourd’hui, on peut chasser le sanglier tous les jours dès le 1er juin (à l’affût en approche) », fait remarquer Michel Roy qui rappelle qu’auparavant la chasse du sanglier débutait vers la Toussaint. Le système a même été assoupli puisque désormais « l’attribution de bracelets de la FDC vaut autorisation du préfet », précise le directeur. Autre adaptation visant à protéger les cultures : des battues sont possibles dès le 14 août dans les cultures en danger. « Les périodes sensibles sont le semis et lorsque les graines sont dures. Pour éviter les dégâts durant ces périodes, il faut rendre la plaine inhospitalière et la forêt tranquille », explique Michel Roy qui confie que les chasseurs participent volontiers à ces battues précoces, qui permettent d’anticiper l’ouverture de plus d’un mois.
Les vertus d’un bon agrainage de dissuasion
Historiquement controversé, l’agrainage de dissuasion a pourtant aussi son efficacité, rappellent Michel Roy et Stéphane Camus. Il ne s’agit pas d’un agrainage à poste fixe - type mangeoire - qui lui est strictement interdit, insistent les deux membres de la fédération. On parle au contraire d’un agrainage linéaire : des grains déposés au sol à la volée ; à des endroits différents en forêt. « Cette pratique retient les sangliers dans les bois », assurent Michel Roy et Stéphane Camus.