Systèmes autonomes et 100 % bio
Le fruit de 10 ans d’expérimentation

Voilà dix ans que l’Inra travaille sur les systèmes agricoles autonomes et 100 % bio dans les Vosges. Les résultats de cette expérimentation ont été dévoilés. Premiers enseignements qui témoignent que non seulement ils présentent des avantages, mais en plus offrent une rentabilité économique élevée.
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Depuis dix ans, l’Inra mène des recherches à Mirecourt dans les Vosges sur deux systèmes de polyculture-élevage bovins laitiers conduits dans une logique d’autonomie en Agriculture biologique. Les résultats de cette expérimentation ont été dévoilés les 18, 19 et 20 novembre lors d’un événement rassemblant des acteurs du monde agricole et qui a fait l’objet d’une visite de François Houllier, PDG de l’Inra.
Après dix années de recherche, les acquis démontrent que conduire des systèmes agricoles autonomes ayant très peu recours aux intrants et préservant la biodiversité est possible, et cela tout en maintenant une rentabilité économique élevée. Loin de certains clichés.

Une conception pas à pas


Depuis 2004, le dispositif expérimental de l’unité de recherche Aster (Agro-Systèmes Territoires Ressources) du centre Inra de Nancy-Lorraine, à Mirecourt dans la plaine des Vosges, met au point deux systèmes laitiers bio (un système herbager et un système de polyculture-élevage), visant l’autonomie, c’est-à-dire avec pas ou très peu de recours aux intrants. Ce dispositif est composé d’un parcellaire de 240 hectares en terres assolées et prairies permanentes et d’un troupeau de 100 vaches laitières et sa suite (140 génisses pour le renouvellement des troupeaux).
Les principes adoptés consistent à valoriser l’hétérogénéité du milieu, maximiser la surface cultivée pour l’alimentation humaine, limiter les pertes d’éléments et limiter le plus possible l’usage des intrants.
Pour cette expérimentation grandeur nature, les chercheurs ont adapté au fur et à mesure du temps la conduite des deux systèmes agricoles en intégrant progressivement de nouvelles ambitions sur la qualité de l’eau, de l’air, sur la préservation des diversités végétales, puis animales, etc.
Une autre sortie originale de ce travail est la mise à jour des ressources mobilisées par les expérimentateurs et de leur capacité d'invention pour faire fonctionner les systèmes en réponse aux fluctuations locales de l'environnement et pour résoudre les problèmes rencontrés.

Autour des ressources du milieu naturel


Cette expérimentation "système" a débouché sur des niveaux d'autonomie des systèmes agricoles très élevés.
En effet, très peu d’intrants sont achetés, alors même que le niveau de production agricole reste élevé. Pour optimiser la production en fonction du potentiel des sols, une analyse préalable des territoires a permis de définir les zones dédiées aux cultures et celles aux prairies. Un suivi de populations de carabes et d’adventices a montré que la biodiversité est préservée et est mobilisée comme une ressource pour l'agriculture (services écosystémiques).
Les deux systèmes sont respectueux de l’environnement, les émissions des gaz à effet de serre dans l'atmosphère et les pertes d'azote dans l'eau sont faibles.
Enfin, la rentabilité économique des systèmes est plus élevée que lors des années où le domaine était en agriculture conventionnelle : le produit brut a augmenté (+25 % sur dix ans) et les charges opérationnelles ont été divisées par deux, notamment grâce à la réduction des achats d’intrants.

Proche des réalités du terrain


Plus que des chiffres et des références, ce sont les savoirs et savoir-faire construits par les expérimentateurs dans le processus de changement qui sont au cœur des échanges avec les agriculteurs intéressés par une transition vers des systèmes économes en intrants.
"Produire à partir de ce que l’on a" est le fil conducteur de ces échanges focalisés sur les informations, les observations, les matériels, les outils ou encore les essais mobilisés par l’Inra dans ses recherches sur la conduite de systèmes économes et autonomes.
Chaque année, près de 800 agriculteurs, élèves et autres acteurs du monde agricole viennent visiter et participer à des ateliers d’échanges des connaissances et des savoirs sur le site de Mirecourt.
Accompagner les transitions des exploitations agricoles vers des systèmes de polyculture-élevage autonomes nécessite de faire progresser les connaissances, en particulier par la conduite d’expérimentations à moyen et long terme, et de partager ces connaissances pour outiller différents acteurs engagés dans la conception de tels systèmes agricoles (expérimentateurs, agriculteurs, conseillers agricoles, décideurs, gestionnaires de ressources naturelles…).
Après dix années de recherche, les acquis démontrent que conduire des systèmes agricoles avec une forte volonté d’autonomie est possible. Ils illustrent aussi en quoi une telle expérience de conception de systèmes agricoles dans un site expérimental de l'Inra constitue un dispositif pertinent d’appui aux transitions des exploitations agricoles vers une agriculture durable.






Le système de polyculture-élevage autonome


Les systèmes de production qui articulent cultures et élevage en limitant le recours aux intrants (engrais, pesticides, fioul, alimentation du bétail…) - nommés systèmes de polyculture-élevage autonomes - représentent une voie alternative d’intérêt vis-à-vis des tendances d’intensification et de spécialisation des systèmes de production en France. Fondés sur la valorisation des ressources internes des exploitations, ces systèmes présentent en effet plusieurs atouts.
- Au plan environnemental, ils favorisent le maintien de la fertilité des sols par l’introduction de plantes légumineuses dans les successions culturales et l’utilisation raisonnée des effluents d’élevage ; ils limitent également la consommation de pesticides par la diversification des successions culturales.
- Au plan économique, ils permettent la mise en place d’économies de gamme dans les exploitations, les engrais et aliments pour le bétail sont directement produits sur place et n’ont plus besoin d’être achetés à l’extérieur. La diversification des produits vendus présente une diminution du risque face à la volatilité des prix.
- Enfin au plan social, ces systèmes autonomes génèrent une valeur ajoutée supérieure dans les territoires ruraux, synonyme d’une création d’emplois localisés.
Ces systèmes relèvent de l’agroécologie sur le plan du fonctionnement agronomique et écologique.