Vins de Bourgogne
Montée en gamme réussie en 2015

Publié par Cédric Michelin
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Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) a annoncé, fin décembre, le lancement officiel de son nouveau plan stratégique pour 2020. L'objectif reste le même qu'en 2015 qui doit faire des vins de Bourgogne, "la référence des Grands vins nés d'une viticulture durable". Avant d'en détailler les détails, l'occasion en ce début d'année de revenir sur un autre axe, économique celui-ci, consistant à "monter en gamme", en valeur et qualitativement, notamment les appellations régionales.
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Les attentats perpétués à Paris ont évidemment éclipsé la vente des Hospices de Beaune. Pourtant, un nouveau record a été battu (11 millions d’€). Les prix ont flambé de +39,05% pour les vins rouges et de +37,82% pour les vins blancs. Certes, il s’agissait là de rendre hommage aux victimes mais en coulisse, cette vente symbolise aussi la montée en gamme réussie des vins de Bourgogne. Une stratégie voulue par l’Interprofession en 2011. Les faibles récoltes suivantes - 2012 et 2013 surtout - vont finir de convaincre tous les acteurs de la filière. En trois millésimes, le vignoble perd 351.000 hl (35 % d’une récolte normale à 1,5 millions d’hl), soit l’équivalent de 71 millions de bouteilles. Des épisodes de grêles successifs fragilisent encore plus certains villages, à peu près partout sauf en Côtes de Nuits et Sud Mâconnais.
Ces phénomènes exceptionnels ont mécaniquement entraîné une hausse des prix des vins de Bourgogne, devenu rares. L’ensemble de la filière – vignerons, caves et négoces – tirent alors dans le même sens. Ces hausses se concentrent sur une période de deux ans, alors que depuis 10 ans, les augmentations étaient restées limitées. La dynamique des Crémants aide aussi. Des repositionnements sur les marchés s’opèrent.
Depuis 2012, « nous avons passé d’importantes hausses de prix à nos clients mais on commence à voir baisser les volumes vendus. Il est temps pour nous de stabiliser nos marchés, pour que ces prix ne descendent pas et soient bien ancrés dans la tête de tous, en développant à côté une gamme plus prestigieuse et ce, sur tous nos circuits de distribution », explique Marc Sangoy, le président de la cave de Lugny dans le Mâconnais. Car avec le retour d’une récolte normale en 2014, tous s’interrogent maintenant sur les stratégies de chacun.

Puiser sur ses réserves


2014 fut en effet généreux et qualitatif. La récolte grimpe même à 1,58 million d’hl soit +8 % par rapport à la moyenne décennale. Les sorties de propriété en vrac progressent mécaniquement. Les négociants – qui cherchent à refaire leurs stocks – se retrouvent pourtant face à des vignerons et des caves, cherchant eux aussi à reconstituer leurs stocks. Les cours du vrac restent élevés. Le disponible à la propriété étant descendu à 8 mois de stocks en moyenne sur 2014.
Même si les chiffres ne sont pas définitifs, la récolte 2015 ne comblera pas ces faibles disponibles. Malgré des VCI en blancs, les cépages rouges ont souffert cet été même si la pluie à la veille des vendanges a limité les pertes (-25 % des volumes habituels). Dommage car l’état sanitaire des raisins était exceptionnel. « Son seul défaut, c’est qu’il n’y en ait pas plus », relativisent les vignerons. Les ventes de vins aux négoces affichent 800 à 850 € la pièce en mâcon blanc et 900 à 950 € en bourgogne rouge.

Reprise de l'export



Un moral en forme et en hausse qui va de pair avec la reprise des marchés avec ces volumes retrouvés. A l’export, les vins de Bourgogne ont actuellement le vent en poupe. Si les exportations restent encore en léger retrait sur les neuf premiers mois 2015 (-3,4 % en volume), en raison du manque de vin, la demande redémarre pour plusieurs pays. Elle est portée par le début de commercialisation du millésime 2014, très attendu. Les signes de ce retour à la croissance sont particulièrement observés aux États-Unis, Japon, Canada et sur Hong-Kong. Parallèlement, le chiffre d’affaires poursuit sa croissance, avec un gain de 25,3 millions d’euros (+4,8 %) sur les neuf premiers mois 2015 (549,4 millions d’euros). « On fait une bonne année », reconnaît discrètement Louis-Fabrice Latour de la Maison de Négoce éponyme à Beaune qui réalise 80 % de son chiffre d’affaire en exportant dans 67 pays. Dans un univers à part, les vins de la Côte de Nuits continuent eux de battre des sommets - année après année - avec pour locomotive, leurs Grands Crus qui restent un luxe que les privilégiés de ce monde s’arrachent.

Luxe accessible



Sur les marchés français, le bilan est plus mitigé. Les volumes d’achats de vin en Grande Distribution diminuent de 8 %, alors que le chiffre d’affaires se stabilise à +1 %. La Bourgogne réussit à rester présente dans 59 % des restaurants (60 % en 2011). Le marché des cavistes, lui, se maintient. Les appellations privilégiées par les cavistes sont majoritairement des vins rouges de milieu de gamme pour la Bourgogne : Mercurey suivis par Givry, Pommard, Santenay et Marsannay. « Nous sommes confiants pour 2016, nous avons retrouvé des volumes et nos ventes - à fin novembre 2015 - sont en hausse de +3,6 %. Nous nous positionnons sur des produits de luxe accessibles », résume Xavier Migeot, directeur commercial des Vignerons associés des Monts de Bourgogne, qui commercialise une gamme de vin qui s’étend du Nord au Sud de la Bourgogne. Avec plus de volume et cette montée en gamme, les trésoreries des vignerons bourguignons reprennent des couleurs un peu partout.




Le spectre de la flavescence dorée s’éloigne



Après la stupeur de la découverte en 2011, après l’inquiétude de l’expansion en 2012, après les polémiques en 2013, avec le dialogue en 2014, 2015 marque une nouvelle victoire contre la flavescence dorée en Bourgogne, grâce notamment à une mobilisation record lors des prospections collectives. Ainsi, même si Côte-d’Or et Yonne n’ont que peu ou pas de foyer, la surveillance est toujours de mise. Le fruit d’un consensus partagé (bio, conventionnel, négoce…). Surtout, après deux procès retentissants (Emmanuel Giboulot ; Thibault Liger Belair), la lutte insecticide a été adaptée. Entre 2014 et 2015, -95 % d’insecticides utilisés en Côte-d’Or et depuis 2013, -73 % en Saône-et-Loire. Avec toujours des résultats puisque le Sral et la Fredon observent un net recul de la maladie, comme à Mercurey qui n’a plus retrouvé de pieds infectés cette année.





+13 %



C’est l’évolution des stocks entre 2014 et 2015. Toute la Bourgogne est soulagée à l’idée de reconstituer un peu ses stocks. Après trois faibles récoltes successives, les millésimes 2014 et 2015 - en blancs - doivent permettre de retrouver des parts de marché. Car, la forte demande des marchés ne faiblit pas. Les bourguignons avaient donc été obligés de gérer cette "pénurie" avec leurs clients historiques, les mécontentant parfois.





Les Climats relancent le projet de Cité des vins de Bourgogne



Après huit ans de mobilisation, 2015 aura vu l’inscription à l’Unesco des Climats du vignoble de Bourgogne, le 4 juillet dernier. Cette reconnaissance « de 2000 ans d’histoire » donne à la région une valeur universelle exceptionnelle confortant son image et la notoriété de ses vins dans le monde entier.

Cette inscription relance aussi le projet de Cités des vins de Bourgogne. Le dossier avance bien et l’appel d’offre pour le choix d’un architecte est prévu en 2016, pour une ouverture en 2018. Trois sites sont concernés : Beaune, Chablis et Mâcon.