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Château Pontus de Tyard à Bissy-sur-Fley : Les vignes résistantes revivent

Publié par Cédric Michelin
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Les 9 et 10 juin à Bissy-sur-Fley, l’association Renaissance du Château Pontus de Tyard organisait les sixième "Journées biodiversité et patrimoine viticoles" avec, en plus, une journée découverte de la Côte chalonnaise ouverte au grand public le dimanche. Cette année, le thème était précisément "Vigne d’hier et de demain". Et de Pasteur à la biologie moléculaire, les vignes résistantes aux maladies cryptogamique ou du bois conjuguent passé et avenir.

 

Château Pontus de Tyard à Bissy-sur-Fley : Les vignes résistantes revivent

Au cours de ces trois jours, de nombreux intervenants se sont relayés pour aborder des sujets aussi variés que le vignoble arménien du sud-Caucase, la question du changement climatique, la renaissance d’anciens vignobles, la mise en place des premières AOC, le développement durable, les évolutions du marché mondial du vin, la métamorphose des goûts des consommateurs mais aussi - et ces sujets sont plus spécifique à la région - le vignoble mâconnais, la disparition "politique" du vignoble de l’Auxois ou encore la production de vins issus du cépage melon sous l’IGP Sainte-Marie-la-Blanche (21). Car ce qui fait vraiment la particularité de ces Journées, ce sont avant tout la conservation et la valorisation de la biodiversité des cépages. L’association présidée par Claude Jouve s’emploi non seulement à la préservation du château, mais aussi à celle de nombreux cépages locaux, parfois plus éloignés. Dans le verger conservatoire attenant à la vigne conservatoire, une entorse aux anciens cépages a été réalisée l’an dernier pour y planter trois hybrides, pour les cultiver en hautain, un arbre servant de tuteur à ces lianes.

Pasteur contre le dépérissement

L’occasion aussi de revenir sur des sujets de recherche d'actualité assez "brulants" pour la filière vitivinicole. Professeur de l’Université de Haute-Alsace à Colmar, Christophe Bertsch abordait ses recherches actuelles sur les maladies de dépérissement… lesquelles prennent leurs racines loin dans le passé. « Ce ne sont pas des maladies émergentes puisque des écritures romanes en parlaient ou encore, en 1920, René Lafon publiait un ouvrage décrivant tous les symptômes qu’on redécouvrent aujourd’hui ». La faute, selon lui, à l’arsenic de soude qui « fonctionnait et qui nous a fait oublier ces maladies ». Depuis l’interdiction de cette molécule, on revient au point de départ ou presque...

« On tourne en rond », évoquait le chercheur pour qui la solution sera « certainement plus d’agronomie » alors que l’arsenal chimique se réduit. C’est là où Louis Pasteur n'a peut être pas dit son dernier mot. Les travaux entrepris par le célèbre chimiste dans sa vigne du clos de Rosières, près d’Arbois dans le Jura, ont en effet permis de comprendre le processus de transformation du jus de raisin en vin et ont posé de ce fait les bases de l’œnologie moderne. Actuellement propriété de l’Académie des Sciences, après avoir été rachetée par les Maisons Henri Maire et donc Boisset, cette parcelle de vigne est donc un haut lieu de l’histoire des sciences du vin. Aujourd’hui, l’objectif est de redonner à cette parcelle son caractère expérimental en initiant de nouvelles recherches autour des maladies du bois, maladies fongiques préjudiciables pour la survie du pied de vigne touchant le vignoble du monde entier…

En France, les pertes sont estimées à un milliard d’€, ou 2 à 3 millions d’hectolitres, puisque 15 % du vignoble environ serait potentiellement improductif. Un sacré manque à gagner pour les viticulteurs en premier lieu, mais pour l'ensemble de l'économie des territoires concernés aussi. « Et ces dernières années, cela s’accélère. Nous sommes à l’orée d'une crise majeure, sans parler des crises virales », alertait Christophe Bertsch. Le scientifique a donc décidé de repartir des solutions envisagée pour lutter contre le phylloxera : hybridation ou porte-greffe. « Nous reprenons le concept de trouver des résistances dans la famille des vitacées. Nous avons trouvé une résistance aux maladies du bois chez Vitis sylvestris. Nous faisons des essais pour l’insérer au milieu entre le porte-greffe et le greffon pour voir si cela marche et en quoi cela peut modifier ou non le vin au final… ».

Muscadine et hybrides

Mais ce n’est pas là la seule piste. « Récemment, nous avons trouvé des sources de résistances dans le groupe des muscadines contre le mildiou, l’oïdium et cela est un peu moins vrai contre le black rot », enchaînait Christophe Schneider. L’ingénieur de recherche à l’Inra (Resdur) a trouvé aussi des résistances aux maladies cryptogamiques dans le genre Vitis, non pas d’origine américaine, mais d’origine asiatique. « Cela nous interpelle car on pensait que ces vignes n’avaient pas rencontré les agents pathogènes du mildiou et de l’oïdium ». Une note d’espoir supplémentaire en réalité : « c’est intéressant car cela peut supposer un spectre d’actions différents ».

Des recherches doivent être menées pour les croiser maintenant avec des vignes européennes, Vitis vinifera, par hybridation. Il rappelait que cette technique « marche bien » à tel point que « 300.000 hectares en France ont été cultivés », contre 6.000 à 7.000 hectares actuellement. « Pourquoi ? » se posait-il la question. « On disait d’eux qu’ils ne donnaient pas des raisins et des vins très aboutis. C’est faux. Dans des dégustations à l’aveugle, certains s’en sortaient aussi bien que le prestigieux chardonnay », lançait-il pour piquer les Bourguignons présents dans la salle. Pour lui, la réponse est plutôt du côté des cahiers des charges des AOC…

Qu’importe, les gènes de résistances n’apportaient à l’époque pas totale satisfaction non plus. « Il fallait quand même un peu traiter ». Du coup, aucun hybride n’a été inscrit au catalogue officiel français depuis la fin des années 1960, contrairement à ce qui s'est fait d’autres pays (Allemagne, Hongrie…). Le chercheur en biologie moléculaire parlait alors des progrès révolutionnaire en terme de sélection assistée par marqueurs génétiques. « Avec ceux-ci, on peut envisager différemment la création de vignes résistantes. Dans 5 à 10 ans, on pourra le faire aussi pour des gènes liés à la qualité ».

L'Inra cherche à accumuler les résistances, pyramidage polygéniques. Mais il faudra toujours 15 ans pour les inscrire au catalogue officiel. « Des croisements avec des cépages emblématiques tel que le pinot noir ou le chardonnay pour arriver à des typicités plus proche d’actuellement sont envisageables d’ici 2030 ». La filière risque donc de payer longtemps son manque de recherche en sélection végétale alors que la société civile et les consommateurs réclament toujours moins de phytos et des vins toujours meilleurs.