Territoires
La ruralité sur le chemin de la mobilisation !

Lors de sa dernière assemblée générale à Martigny-le-Comte, la FDSEA a voulu réunir les forces vives des territoires ruraux. Chacun à leur manière, agriculteurs, entrepreneurs, maires n’ont jamais cessé d’être acteurs de leurs territoires. A l’heure où le contexte général ne leur est guère favorable, ils semblent se rejoindre dans une volonté commune de défendre la ruralité.
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Pour sa soixante-dixième assemblée générale, la FDSEA de Saône-et-Loire avait choisi de mettre à l’honneur les « acteurs » du territoire. Acteurs au sens de tous ceux qui font l’économie de la ruralité : les entreprises, les agriculteurs, mais aussi les élus ruraux. Des forces vives, à la fois productives, responsables et génératrices d’emplois, mais qui doivent pourtant affronter un contexte qui leur est de plus en plus défavorable. Avec « ce sentiment que le pouvoir de décision s’éloigne de plus en plus de notre milieu de vie », constatait en introduction le président Bernard Lacour.
Après des décennies d’exode, les territoires ruraux auraient pourtant tendance à se repeupler, observent les démographes. La ville faisant fuir un certain nombre de familles qui trouvent refuge à la campagne. Mais ce flux ne concerne que les seules zones rurales favorisées. En Saône-et-Loire, la vallée de la Saône et l'est du département plus globalement prospère tandis que l’ouest se désertifie. Et cette migration suppose que les territoires ruraux soient en mesure d’accueillir les nouvelles populations. Pour cela, il faut leur garantir des services, une activité économique, des infrastructures… Il faut aussi que ces néo-ruraux réapprennent à vivre avec les mouches, le chant du coq… « Une nouvelle ruralité est à inventer », synthétisait Jean-François Farenc, président de l’Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire.

Lassitude profonde


Si les territoires ruraux retrouvent des couleurs aux yeux de citadins lassés, cela ne suffit pas à dissiper un sentiment de profonde lassitude exprimé par l’ensemble des « forces vives », rapportait le directeur de la FDSEA, Thierry Igonnet. Une lassitude que connaissent bien évidemment les agriculteurs, eux chez qui le « découragement est le sentiment le plus répandu », livrait Bernard Lacour. Une lassitude généralisée qui gagne aussi les élus et plus particulièrement les maires ruraux.
Parmi les causes de cette "grosse fatigue", on peut citer la concurrence planétaire liée à la mondialisation qui se répercute jusqu’aux agglomérations et aux territoires, expliquait Thierry Igonnet. Plus près de nous, le démantèlement des services de l’Etat, « l’inégalité flagrante des moyens attribués aux territoires, la fin de l’accès aux réseaux de manière uniforme, les réformes territoriales successives » sont autant de coups portés qui font que « le fossé se creuse » entre deux pans de la population française.

Mille-feuilles territorial


Des réformes territoriales, il en a bien évidemment été question tellement elles semblent vouées à asphyxier la ruralité. Inventées par les énarques enfermés dans des cabinets parisiens, elles renforcent, loi après loi, « le mille-feuille » territorial. Sans que jamais les attentes des populations ne soient prises en compte. La montée en puissance des intercommunalités en est une des illustrations les plus patentes. Par ce stratagème technocratique, les maires ruraux se voient ainsi confisquer compétences après compétences. Exemple : l’urbanisme qui, selon Jean-François Farenc, serait sur le point d’être transférée aux communautés de communes… Le maire n’ayant ainsi plus la main sur l’organisation de la vie locale…, les fonctionnaires territoriaux décideraient-ils alors à sa place ?

Départements sur la sellette


D’autres surprises attendent les territoires ruraux avec la décentralisation qui s’accélère en ce moment même. La fusion des régions en fait partie, les nouveaux conseillers départementaux aussi. D’autres réformes sont dans les tuyaux. Les régions y prendraient une importance considérable. Les intercommunalités aussi avec ce seuil minimum de 20.000 habitants… Idem pour les métropoles renforcées comme jamais ! Quant aux départements, ils seraient carrément sur la sellette, rapportait Thierry Igonnet. Les seuls qui seraient maintenus correspondraient justement aux territoires les plus ruraux. Or, sur ces zones les plus pauvres, la mission qui leur serait assignée serait une solidarité territoriale renforcée… Des options que ne démentait pas le président du nouveau conseil départemental André Accary, lequel signalait par ailleurs que cette solidarité devrait se faire avec des moyens financiers qui s’amenuisent d’année en années… Autre inquiétude : l’agriculture restera-t-elle une compétence des départements ? Pour le nouveau président, « il faut que le Département demeure un acteur interventionniste dans l’agriculture du territoire ».

Inéluctable ?


Sur tous ces sujets, le préfet Gilbert Payet a tenu son rôle de défenseur de la politique de l’Etat. Pour lui, ce ne sont pas les réformes territoriales qui sont la cause des difficultés des territoires ruraux. Au contraire, c’est parce que les territoires ruraux ont « évolué » que les politiques publiques se sont adaptées. « C’est inéluctable », justifiait-il. « Quand on ferme un service de l’Etat, l’économie est partie depuis longtemps ! », argumentait-il encore
Dans une société dominée par les urbains, les pouvoirs publics semblent devenus complètement sourds aux complaintes des ruraux. Une forme de mépris.
Pendant ce temps, dans les campagnes retirées, une misère peu visible s’installe, faute de moyens pour rester en ville. La précarité gagne aussi les autochtones, à l’image des retraités agricoles dont la fin de vie à la campagne devient de plus en plus difficile, faute de services, de soins, de commerces… Population vieillissante et retraites agricoles insuffisantes, dénonçait à juste titre Paul Billonnet.

Devoir de l’Etat


Si le débat incite les ruraux à se prendre en main - incitation habilement reprise par le préfet - le président de la CGPME Gilles Penet nuançait toutefois le propos en se demandant « comment l’Etat n’a t-il pas pu apporter une réponse concrète à une filière comme l’agriculture qui ne permet plus de gagner sa vie ? ». Rappelant le poids prépondérant de l’agriculture dans les exportations du pays, le président des petites et moyennes entreprises estimait qu’il était du rôle des pouvoirs publics d’aider l’agriculture, quitte à favoriser par exemple les circuits courts… « Entreprendre pourquoi pas, mais à condition qu’on ait une filière pérenne, dans laquelle on puisse gagner de l’argent… », formulait encore Gilles Penet.
L’Etat est aussi responsable des normes et autres contraintes auxquelles doivent faire face les entreprises. Sur ce point, le président des JA 71 Guillaume Gauthier se réjouissait de la proposition du préfet de vouloir « revisiter tout ce qui s’est fait ces dernières années ». Mais le jeune agriculteur ne pouvait s’empêcher de rappeler la lourdeur d’une mise aux normes pour un jeune qui s’installe. De son côté, le représentant de la FNSEA, Henri Biès-Péré, évoquait la future loi de transition énergétique qui impacterait lourdement les entreprises rurales en transférant les marchandises au chemin de fer tout en taxant fortement la route… Le responsable national signalait également le compte pénibilité qui risque de générer de nouvelles contraintes pour les chefs d’entreprise.

Opposition systématique


Pour que vivent les territoires ruraux, il faut une économie. Mais encore faut-il que l’on laisse les entrepreneurs entreprendre ! Tel était le message du président de la chambre d’agriculture, très remonté contre la tournure que prend, dans les médias, le projet d'implantation d'un Center Parc au Rousset. Christian Decerle dénonçait ici « l’opposition systématique » dont font l’objet tout projet économique émergeant dans les territoires ruraux. Un véritable fléau qui, dans le cas du Rousset, empêcherait la création de plus 300 emplois ! A travers ce projet emblématique, le président de la chambre s’interrogeait sur une société où « tout le monde peut se mêler de tout et peut imposer son diktat à l'autre. Une société qui promeut des gens - qu’on érige en héros - et qui ont littéralement perdu le sens des responsabilités », analysait Christian Decerle.

Faire entendre la voix des forces vives


Un ras le bol partagé par tous et « qui incite les forces vives à s’exprimer », concluait le président de la chambre d’agriculture. Appel repris par Marie-Odile Morin : « profitons de notre collectif pour aller montrer notre détermination à tous ces metteurs de bâtons dans les roues qui, par de simples signatures venues des quatre coins du pays, parviennent à compromettre des projets locaux, nous isolant ainsi socialement et économiquement. Ne laissons pas les urbains s’occuper des ruraux », synthétisait Marie-Odile Morin.
Les exploitations n’étant pas délocalisables, les agriculteurs ont besoin de conditions de vies décentes, « de réseaux qui fonctionnent »…, poursuivait la responsable. Résolument acteurs de leur environnement et de leurs filières, ils veulent aussi se donner les moyens de gagner leur vie. En témoigne, par exemple, la reconversion de l’ancien site Val d’Aucy à Ciel, illustrait Lionel Borey. Ou encore la relance de la production avicole dans le département pour fournir l’abattoir Palmidor, relatait Louis Accary. Des démarches qui ont toutes les deux été portées avec succès par la profession.
Acteurs, les agriculteurs n’ont jamais cessé de l’être. Tout comme les petites et moyennes entreprises ou les maires ruraux. Aux politiques de les soutenir et de leur permettre de faire aboutir leurs projets à taille humaine. « Il n’y a pas d’activité humaine sans nuisance », faisait remarquer à juste titre le préfet. Dont acte. « Ne laissons pas le soin à d’autres de décider ce qui est bon pour nos territoires ruraux », synthétisait Bernard Lacour.