Association Salers de Bourgogne
Une filière Salers se construit

Race rustique par excellence, les atouts de la Salers ne font aucun doute pour les éleveurs qui l’ont choisie en Bourgogne. Le seul bémol, c’est la valorisation de ses produits et notamment des broutards purs pénalisés sur le marché italien. Mais la donne pourrait bien changer. Méconnue dans nos contrées, la qualité de la viande Salers pourrait bien faire parler d’elle. Quant aux mâles, des débouchés existent d’ores et déjà et des pistes sont à l’étude.
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Le 7 mai dernier, l’association Salers de Bourgogne tenait son assemblée générale à Morlet près d’Epinac en Saône-et-Loire. Présidée par Jean-Pierre Mauguin, éleveur à Barnay, cette association régionale est ouverte à tous les détenteurs de bovins de race Salers en Bourgogne et elle a pour vocation de promouvoir l’élevage de la race acajou ainsi que d’en défendre la commercialisation des produits. Venus tout droit du Cantal, le directeur du Herd-Book Salers ainsi qu’un administrateur de la race étaient présents. Devant les éleveurs bourguignons, ils ont évoqué l’actualité de la Salers avec en premier lieu la génomique.
Autrefois cantonnée au massif cantalou, la Salers a conquis de nombreux territoires. Sur les 210.000 vaches que totalise la race, le berceau en conserve 110.000, mais plus de 90.000 Salers sont dispersées dans le reste de la France, indiquait Bruno Faure, directeur du HBS. Pour prendre en compte cette expansion géographique, les responsables de la race ont décidé de donner davantage de poids aux régions extérieures. Les administrateurs seront désormais un tiers à provenir d’autres régions. La zone Centre-Est à laquelle appartient la Bourgogne en comptera à elle seule deux sur un total de 21.

Ne pas dépasser 50% de croisement



L’effectif de vaches Salers a progressé de + 16% en l’espace de dix ans, indiquait Bruno Faure. Mais un léger tassement se fait sentir depuis deux ou trois ans. Un phénomène de décapitalisation consécutif à la sécheresse s’est accompagné d’un rajeunissement du troupeau. Les responsables de la race déplorent par ailleurs une montée en puissance du croisement consécutif aux crises et à la chute des cours. « Pour maintenir une pression de sélection satisfaisante, il ne faudrait pas dépasser 50% de croisement. Or aujourd’hui, nous sommes à 62% », confiait le directeur du HBS. Un croisement industriel qui est davantage pratiqué dans le berceau qu’à l’extérieur, précisait Bruno Faure. S’il répond avant tout à un « problème de filière » - lire plus loin – le croisement ne serait pas la meilleure solution économique pour un élevage. C’est en tout cas ce que tend à démontrer une étude réalisée dans le Puy-de-Dôme qui pointe des écarts de revenus favorables à la conduite en race pure. Les semences sexées constitueraient cependant une solution pour pallier les problèmes liés au croisement.

Pénalisé par sa saisonnalité



La difficulté à valoriser les mâles est un peu le talon d’Achille de la Salers. « Jusque-là, le broutard Salers valait 13 F quelle que soit sa qualité », reconnaissait le directeur du HBS. Une sanction à la couleur dont le fondement ne semble plus justifiable aujourd’hui. « Le broutard Salers marche très bien en engraissement. En Italie, il va très bien sur caillebotis et ses vitesses de croissance sont tout à fait bonnes », confiait Yves Jehanno de Feder. Mais le vrai problème du broutard Salers, c’est son irrégularité commerciale, indiquait le technicien. Le produit soufre de sa sortie massive en automne, liée à son mode d’élevage dans les estives auvergnates. Dans un contexte de chute du nombre de places d’engraissement en Italie, cette saisonnalité du broutard Salers lui a valu un recul de - 37% là-bas.

Des pistes pour valoriser les produits Salers



La valorisation des mâles, on y travaille. Dans le berceau, la profession (FNB, FDSEA) a initié une démarche avec SVA Jean Rosé avec un potentiel de 3.000 animaux répondant à un cahier des charges. Les broutards bénéficieraient ainsi d’une bonification intéressante. « Nous avons un débouché pour les taurillons Salers sur Villefranche », expliquait pour sa part Yves Jehanno. Avec son homologue Puygrenier, l’abattoir Socopa de Villefranche est à la recherche de carcasses légères et bien finies. Une demande qui a inspiré la création de la démarche « Bœuf primeur Salers » au sein de Feder. Il s’agirait d’animaux castrés dès l’âge de 15 jours dont la qualité de viande pour un abattage à 18 – 23 mois ; poids de carcasse 300 – 350 kg ; serait proche de celle d’une babinette.
Du côté des femelles, Yves Jehanno pointait un gros décrochage de prix entre les catégories O et R ; fait qui incite à produire des vaches R. Si pour l’heure le label rouge ne constitue encore qu’une niche pour la Salers (900 animaux par an), il pourrait bien prendre de l’ampleur au terme d’années difficiles pour tous les labels. Quant au Bio, si l’offre manque de régularité, la demande est bien là.

Nouvelle opportunité locale



Particulièrement mobilisé sur le sujet, le président de l’association Salers Bourgogne présentait un projet de filière locale. Celui-ci s’appuie sur la future association chalonnaise « 3 A AUSSE ». S’inscrivant dans une démarche d’économie sociale et solidaire, « 3 A AUSSE » se donne pour mission de créer une filière courte et équitable de distribution de produits agricoles de qualité. Grâce à un système de péréquation faisant jouer la solidarité, cette filière s’adresserait aussi bien à une clientèle aisée en quête de viande ou de légumes de qualité qu’aux foyers les plus modestes. L’objectif de « 3 A AUSSE » est à la fois de rendre des produits de qualité accessibles aux plus démunis ainsi que de créer de l’emploi, explique le fondateur de l’association Daniel Brizard. Pour Jean-Pierre Mauguin, cette nouvelle filière est une véritable opportunité pour la viande Salers bourguignonne. Les éleveurs sont appelés à s’engager pour fournir des animaux à engraisser. Ces derniers seraient abattus et découpés à l’abattoir d’Autun.


Marc Mérot à Morlet
30 Salers, 50 Charolaises et des volailles



A l’issue de l’assemblée, les adhérents de l’association Salers de Bourgogne sont allés découvrir le troupeau salers de Marc Méreau. Installé à Morlet, Marc Méreau possède 30 Salers en plus de ses 50 charolaises et d’un poulailler. Il a opté pour la race acajou il y a huit ans pour pallier une surcharge de travail alors qu’il détenait encore 80 charolaises. L’introduction d’une part de Salers lui a permis de décaler une partie des vêlages. Elevées en plein-air, les Salers vêlent au pré en octobre – novembre et les charolaises en fin d’hiver en bâtiment. Cette conduite a évité à Marc Méreau d’investir dans des bâtiments, d’où « des économies d’amortissement, de paille, d’eau et d’assurance », fait remarquer l’éleveur. Avec son double troupeau et un atelier de volailles, Marc Méreau bénéficie d’un système bien diversifié « avec des broutards Salers vendu en juillet en morte saison ; des charolais vendus en octobre et en janvier ; des bêtes grasses toute l’année et des bandes de volailles tous les deux mois et demie », détaille l’éleveur. Les broutards croisés partent en Italie tandis que les purs sont allés en Algérie l’an passé. Moins lourdes mais vendues au même cours que les charolaises, les femelles Salers grasses partent pour l’abattoir de Villefranche ou les établissements Puygrenier.



Salers et programme Degeram
Comme toutes les races allaitantes, la Salers est impliquée dans le programme Degeram. Avec d’autres races rustiques, elle a entrepris un lourd travail de collecte de phénotypes en ferme. Les responsables de la Salers se focalisent notamment sur les points forts de la race à savoir le vêlage, l’ingestion, la vigueur des veaux, la docilité, etc…. La race Salers a notamment à cœur de préserver et de sélectionner la « persistance à l’allaitement », notion que la pesée « poids âge type à 120 jours » ne suffit pas à mesurer, expliquait Bruno Faure, le directeur du HBS. Des analyses de la densité biologique sont une indication de la vigueur du veau. Un colostrum que la Salers a l’avantage de produire en très forte quantité, à l’instar de son lait, un atout indéniable dans l’élevage des veaux, confirmait le vétérinaire du GTV Arnaud Bohy.