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Interview de Guillaume Gauthier (FDSEA71 ; FNB)

« Signer le Mercosur, c’est renier toutes les promesses faites aux agriculteurs »

Éleveur, président de la section bovine de la FDSEA de Saône-et-Loire, Guillaume Gauthier enchaîne les réunions avec la Fédération nationale bovine (FNB) qui réaffirme son opposition aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Comme les autres associations spécialisées de la FNSEA, l’agriculture française redoute une ratification prochaine, après les déclarations d’Emmanuel Macron se disant prêt à signer l’accord d’ici la fin de l’année. D’autant plus inquiétant que les négociations semblent closes, sans qu’aucune clause miroir n’ait été discutée. Inacceptable.

Par Cédric Michelin
« Signer le Mercosur, c’est renier toutes les promesses faites aux agriculteurs »

Où en est-on aujourd’hui sur le dossier Mercosur ?

Guillaume Gauthier : La position française s’est dangereusement assouplie. Au début, on parlait d’un refus clair. Ensuite, c’était « pas dans ces conditions », puis le président de la République et ce dernier Gouvernement ont glissé vers « oui, mais avec des clauses de sauvegarde et des mesures miroir ». Sauf qu’aujourd’hui, ces fameuses mesures miroir ne sont même plus évoquées dans les négociations ! Et qui garantit leur contrôle ? Il ne faut surtout pas que cet accord soit signé en douce, en plein été, sans débat parlementaire. Ce serait un reniement total des engagements pris par l’exécutif et tous les partis politiques de France et d’Europe, après les manifestations 2024. Ce que craignent les éleveurs, c’est une décision prise d’en haut, sans consultation (en scindant le texte, empêchant le parlement de voter, N.D.L.R.), par un président qui n’a plus rien à perdre politiquement.

 

Quel serait l’impact d’un tel accord sur la filière bovine française ?

G.G. : Même avec un marché actuellement tendu et un manque de bovins en Europe, ouvrir les vannes à la viande sud-américaine, c’est envoyer un très mauvais signal. On parle de morceaux nobles (aloyaux), produits dans des conditions qu’on n’accepterait jamais ici : pas de traçabilité, des hormones de croissance, recours aux antibiotiques, déforestation… Et demain, on dirait aux consommateurs : mangez de la viande qu’on interdit de produire chez nous ? C’est incompréhensible. Ce type d’accord, c’est le syndrome de la filière volailles. On voit ce que ça donne : un poulet sur deux est importé, alors que la France est en capacité d’être autosuffisant et d’exporter. Où est la souveraineté Française et Européenne ici avec le Mercosur, véritable cheval de Troie au long terme.

Alors qu’au début, l’accord avec le Mercosur ne devait avoir aucune incidence, disaient ses promoteurs, la clause de sauvegarde prévoyait tout d’un coup un milliard de compensation ! C’est une preuve de l’impact prévisible. Nous ne voulons ni de compensation car nous ne voulons pas de l’accord.

 

Comment réagissent les éleveurs face à ce risque d’accord Mercosur ?

G.G. : Il y a une vraie lassitude sur le terrain. Les éleveurs ont le sentiment d’avoir déjà tiré toutes les sonnettes d’alarme : on a expliqué, manifesté, alerté les parlementaires… Et pourtant, on voit que ça revient, encore et encore. Ce qui inquiète aujourd’hui, c’est que tout peut se décider sans eux, à Bruxelles ou à l’Élysée, sans débat public réel. Si l’accord passe, ce sera vécu comme un abandon pur et simple. Et au fond, ce que les éleveurs attendent, c’est qu’on tienne enfin parole : on ne peut pas promettre la souveraineté alimentaire d’un côté et ouvrir grand la porte à des viandes qui ne respectent aucune des règles qu’on nous impose ici. Ce type de décision politique ne ferait que renforcer le rejet des anciennes politiques qui n’auraient en rien changé avec Emmanuel Macron.