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Les Rencontres À Table !
Aviculture

Reconquérir la souveraineté

La consommation de poulet augmente régulièrement. Mais les producteurs français peinent à satisfaire la demande. Le marché veut « le poulet du quotidien », du produit standard. Or, croyant bien faire, les volaillers français ont délaissé ce segment pour une viande haut de gamme, plus onéreuse, concurrencée aujourd’hui par les importations. Pour reconquérir ces parts de marché, la filière de la volaille française veut construire des poulaillers adaptés mais doit lutter contre les vents contraires.

Reconquérir la souveraineté

Les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. Les acteurs de la filière volaille française peuvent méditer cet adage. Alors que depuis des années, on leur demande de monter en gamme, vers le Label rouge ou le bio, l’inflation post-Covid et la guerre en Ukraine ont poussé les consommateurs vers le poulet standard. C’est aujourd’hui la deuxième viande consommée en France, après la viande de porc. En cinq ans, sa consommation a augmenté de 25 %, tirée par la restauration hors domicile qui oublie bien souvent d’indiquer l’origine. Une volaille sur deux est ainsi importée, non seulement en provenance de nos partenaires européens, Pologne et Espagne, mais aussi de pays tiers, Brésil, Thaïlande, Ukraine, qui ne respectent pas les normes demandées par le consommateur européen. Pour contrer ces importations, l’interprofession de la volaille de chair (Anvol) préconise de construire 400 nouveaux poulaillers sur cinq ans, soit un par an et par département, de façon à produire 160.000 tonnes de poulet, le cinquième de nos importations. Il faut attirer de jeunes éleveurs, investir et surmonter « les vents contraires », toutes ces forces qui s’opposent à la création de nouveaux ateliers.

Opposition au « poulailler industriel »

À Sergines, dans l’Yonne, il aura fallu six années à Nicolas Bourdon, installé en grandes cultures, pour que son projet de poulailler sorte de terre. C’est chose faite aujourd’hui. Le bâtiment de 1.800 mètres carrés peut accueillir 39.600 poulets. Cette aventure, il la résume avec humour : « À la conquête du poulailler ». Son projet est né en 2018, pour diversifier son exploitation et sécuriser ses revenus. Il est soutenu par le groupe Duc/Plukon avec lequel il est sous contrat d’intégration. C’est ce groupe qui va l’aider à faire toutes les démarches administratives, longues et fastidieuses. Il est au-dessous de la barre fatidique des 40.000 poulets qui déclenche une enquête publique. Pourtant, un mouvement d’opposition a vite éclaté. Partie de cette petite commune de 1.300 habitants, une pétition en ligne a rassemblé 40.000 signatures ! Une levée de boucliers contre « le poulailler industriel » (sic.). Le projet fait la une des médias nationaux. Le bâtiment respecte pourtant les normes en vigueur, avec lumière naturelle et ventilation dynamique. Sa taille est trois fois moindre que la moyenne européenne. Il a fallu attendre 2021 pour que la préfecture délivre le permis de construire, et juin 2024 pour le début des travaux. L’investissement est compris entre 7 et 800.000 euros auquel le groupe Duc a apporté la moitié. Avec sept bandes par an, Nicolas compte dégager un revenu entre mille et deux mille euros par mois, sécurisés puisque la demande de ce type de poulet est en progression.

Complémentarité élevage / grandes cultures

Le projet de Gildas André, à Courson-les-Carrières (Yonne), s’est réalisé de manière plus paisible et démontre la complémentarité économique et agronomique entre élevage et grandes cultures. Installé en 2016 en céréales, Gildas André a 34 ans quand il décide de remettre de l’élevage sur cette ancienne exploitation laitière. Il choisit de monter un atelier de poulets standards car « je voyais trop d’éleveurs de bovins qui ne gagnaient rien », déclare-t-il. Le projet, imaginé en 2019, voit le jour en 2022. L’investissement s’élève à 430.000 euros pour un bâtiment de 1.350 mètres carrés seulement, là encore pour éviter les enquêtes publiques. « J’ai pris la peine de rencontrer tous les voisins, de les inviter à venir voir le bâtiment, personne ne s’est déplacé. Je n’y connaissais rien en élevage de poulet. C’est un technicien de chez Duc/Plukon et une vétérinaire qui m’ont assisté et m’ont appris le métier. Duc m’a donné une aide de 40.000 euros et une aide Pac équivalente. Mais la Région Bourgogne ne veut plus soutenir le poulet standard maintenant ». En BFC, en plus la gestion calamiteuse des fonds Feader, la Région a rajouté des critères pour les bâtiments avicoles qui font bondir le Corel Avicole. Cet atelier lui apporte pourtant 17.000 euros par an de revenus, mais il se félicite aussi de l’apport en matières organiques, 350 tonnes par an qui lui permettent d’amender ses 260 hectares de cultures.

À côté du pari économique, l’installation de bâtiments d’élevages dépend donc de plus en plus des réactions du voisinage ou d’associations opposées à l’agriculture. Ainsi que de la compétence de la Région… Ce faisant, ces mouvements favorisent les importations aux dépens de la qualité et du bien-être animal.