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Filière bois

Une conférence sur les recherches du Labomap sur le bois : Identifier et argumenter de nouvelles valorisations du bois de chêne

La filière bois tente depuis plusieurs années d’identifier des débouchés autre que le bois énergie pour les feuillus de nos forêts françaises. Parmi les centres d’étude affairés à cette quête figurent le Campus de Cluny des Arts et Métiers par l’intermédiaire du Labomap. Le Laboratoire des Matériaux et Procédés s’active notamment par de la recherche scientifique et partenariale dans le domaine des procédés de fabrication, notamment les procédés d'usinage par enlèvement de matière.

Par Frédéric RENAUD
Une conférence sur les recherches du Labomap sur le bois : Identifier et argumenter de nouvelles valorisations du bois de chêne

En lien avec la filière bois, le Labomap mène plusieurs études pour générer de nouvelles valorisations pour les chênes de qualité secondaire, très fréquents dans les forêts bourguignonnes. Une conférence, le 28 janvier, a permis de diffuser les principaux résultats de ces recherches.

Théo Maire, Ingénieur de la société Barwoodeur, a d’abord présenté l’étude en cours en Clunisois sur la valorisation du chêne de qualité secondaire en carrelets de menuiserie. « Cette étude s’appuie sur le constat que le feuillu reste l’orientation majoritaire des forêts, en France et aussi en Bourgogne, avec en particulier, une forte présence de chênes. Ce peuplement spécifique apporte des questions sur la qualité du bois, lorsque l’on réfléchit à une recherche de débouchés. La filière bois et forêts ambitionne des transformations dans d’autres secteurs que le seul bois d’industrie pour de la production d’énergies ».
Grâce à l'élan apporté par plusieurs communes du Clunisois, et avec le soutien d'autres financeurs publics, des projets ont été lancés autour de cette ressource mal valorisée « pour dynamiser l'emploi local, au travers de solutions innovantes », poursuit Théo Maire. La Région Bourgogne-Franche-Comté apportent les financements nécessaires avec des fonds Européens.
D'autres acteurs industriels font partie de l'étude, « comme l'entreprise Oxxo, qui vient d'acquérir une société de fabrication de fenêtres en bois ; comme le groupe Ducerf qui cherche à diversifier ses ressources d'approvisionnement ; la société Blanc bois services, qui identifie souvent parmi ses ressources des grumes qui mériteraient une valorisation plus noble que le bois-énergie ; et enfin la menuiserie Jomain, qui nous accompagne sur les aspects concrets et techniques de la fabrication de plusieurs objets ».
Ce qui caractérise ces bois de chêne de qualité secondaire, « c’est la forte probabilité de présence de nœuds et leur flexuosité (ondulations). Leur transformation produit un nombre de planches plus réduit que pour des troncs rectilignes et dépourvus de nœuds. Ce qui indique que les rendements matière ne seront pas très bons », décrit le jeune ingénieur.

Diviser une bille en petites longueurs

« Alors, nous avons réfléchi à l’idée de diviser une bille en petites longueurs, avec l’objectif d’un meilleur rendement matière. L’inconvénient, c'est qu'en créant des petits éléments, on produit moins de pièces standards et donc, on réduit la possibilité de trouver des débouchés ».
Pour contrer ce premier constat, les chercheurs du Labomap ont orienté leurs études vers la valorisation des coursons, des petites planches issus de billes de petites longueurs. « Ces petites planches de largeurs et d'épaisseurs fixes, avec des longueurs variables, mais plutôt courtes, de l’ordre de 300 millimètres de long. Nous avons notamment tenté de les abouter les unes à la suite des autres, pour reconstituer une planche aux dimensions plus importantes. Et nous avons poursuivi l’idée d’assembler entre elles ces grandes planches issues de coursons, pour constituer d'autres éléments, comme des panneaux, voire des poutres de grande longueur, et tout un ensemble de pièces pour la construction », explique Théo Maire, qui précise que ce procédé est déjà maitrisé par le groupe Ducerf dans la fabrication de ses produits.
Parmi les objectifs du Labomap, « figurait aussi un travail sur des carrelets de menuiserie. Ce sont des pièces d'environ 8 cm sur 6. L’important avantage de ces petites planches assemblées les unes aux autres, c’est l’homogénéité des matériaux, ainsi qu’une répartition des défauts. Ce qui permet de générer une matière très stable, dimensionnellement et mécaniquement, et qui dispose d’un aspect visuel extérieur assez qualitatif », argumente encore Théo Maire.

La résistance des aboutages

Ensuite, Joffrey Viguier, l’un des enseignants chercheurs du Labomap, présentait les études sur la valorisation du chêne de qualité secondaire en produits de structure menées avec deux partenaires, le groupe Ducerf et FCBA. « avec un financement de l’Ademe sur 2020-24. Notre objectif, c’est de proposer des produits structurels en chêne compétitifs. La ressource se compose bien sûr de nos chênes de qualité secondaire ; ainsi que des sous-produits issus de la transformation des bois à destination de la menuiserie. »
Les bois de structure, ce sont souvent des bois massifs ou des produits techniques. « Ces produits structurels sont destinés à supporter des charges. Donc le travail que nous menons consiste à garantir des propriétés physiques pour que le bâtiment soit sécurisé », déclare Joffrey Viguier. « Notre mission, c’est de garantir les propriétés du bois et aussi de garantir la résistance des produits techniques. La priorité devient de travailler sur la résistance des aboutages, qui sont les liaisons entre différents morceaux de bois ou sur la tenue du collage, entre les différentes couches de bois ».
La volonté de garantir les propriétés physiques du bois, pour son usage structurel, « impose d’affronter une grande variabilité de contextes, en raison de l’aspect vivant du matériau », avertit l’enseignant-chercheur. « Lorsqu’on fait des essais de traction sur ces produits structurels, l’intensité de l’effort diminue lorsque la qualité du bois recule : s’il faut 21 tonnes, pour casser des jolies planches de chêne sans défaut, il ne faut plus que de 3 tonnes pour briser des planches de piètre qualité ». L’extrême variabilité de la résistance au sein d’un même tas de planches impose de classer les bois « pour garantir à un concepteur de bâtiments, certaines propriétés mécaniques sur les éléments qu’ils vont employer ».

Critères de garantie à tester

Ces garanties se composent de différents critères. « En premier lieu, la masse volumique, pour connaître le poids de la structure. On doit aussi assurer la résistance des assemblages, notamment évaluer à quel point il est difficile de retirer une vis d’un morceau de bois. C’est souvent une donnée en lien avec la masse volumique, plutôt facile à identifier. Il faut aussi identifier des propriétés de rigidité, en tentant de limiter les déformations sous l’effet des charges. Enfin, la dernière propriété à garantir, la résistance des éléments structurels. Ils rompent sous l’effet des charges, une réalité facile à comprendre, mais beaucoup moins à caractériser. C’est le principal verrou de notre étude scientifique, notamment lorsque les bois sont hétérogènes, comme nos chênes de qualité secondaire », énumère Joffrey Viguier.
Quand on veut procéder à un classement mécanique, on recourt à plusieurs méthodes. « Le premier moyen, c’est le classement visuel, avec un opérateur qui va regarder toutes les qualités du bois, le sciage, les déviations du fil, les éventuelles attaques biologiques comme des champignons, la présence de fentes, etc. C’est la plus utilisée, mais elle renferme quelques défauts », indique Joffrey Viguier, avant de décrire l’autre méthode, « le classement machine, plus fiable pour identifier les qualités des planches ».

Le bois, domaine méconnu de l'activité des Arts et Métiers