Vote agricole
Les agriculteurs n'ont pas tiré le vote FN

Publié par Cédric Michelin
-

Revenant sur la dernière élection présidentielle, Jérôme Fourquet, expert à l’Ifop, a analysé les comportements électoraux dans les territoires. Si le monde rural a davantage voté pour Marine Le Pen, ce n’est pas le fait des agriculteurs. D’autres dynamiques sont à l’œuvre, notamment la capacité à maintenir des commerces. 

Les agriculteurs n'ont pas tiré le vote FN

« Scrutin après scrutin, le vote FN atteint son pic dans les communes situées entre 30 et 50 kilomètres des centres urbains, avec en moyenne 26 % au premier tour », a analysé Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise à l’Institut français de l’opinion publique (Ifop), devant le conseil d’administration de la FNSEA le 18 mai. Cependant, « ce sont principalement les ruraux non agricoles qui ont voté pour le Front national », ajoute-t-il. Car si les territoires ruraux ont plus massivement voté en faveur de Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle, l’analyse des résultats pour les communes de moins de 1 000 habitants, en fonction de la proportion d’agriculteurs, montre que les agriculteurs ont moins voté FN que leurs voisins ruraux. Ainsi, dans les communes où le nombre d’agriculteurs est le plus faible (moins de 3 %), le FN obtient son meilleur score au premier tour, avec 28,5 %, un résultat qui passe en-dessous de la moyenne dans les communes où la proportion d’agriculteurs dépasse les 20 %. Il y a aussi des constantes, ajoute Jérôme Fourquet : « plus il y a d’agriculteurs, plus Fillon a fait un score », à savoir 27 % dans les communes où ils sont les plus nombreux.

L’importance des services 

Pour l’expert de l’Ifop, l’une des raisons du vote FN en zone rurale tient aussi à la présence, ou non, de services de proximité. L’institut de sondage a étudié les variations du score de Marine Le Pen dans les communes de moins de 500 habitants. On constate ainsi « neuf points d’écart sur le vote FN au premier tour, entre les communes qui n’ont plus de commerces et celles qui en ont encore une dizaine », indique Jérôme Fourquet. L’absence de services a donc « une influence sur le moral et donc sur le vote FN » ajoute-t-il. Ainsi, en Bretagne, où la proportion de communes rurales dépourvues de tout service est la plus faible, Emmanuel Macron a fait un score de 64 % au deuxième tour dans les zones rurales. En revanche, là où la proportion de communes rurales sans aucun commerce est la plus importante, en Champagne Ardennes ou en Picardie par exemple, le score du vainqueur de l’élection présidentielle tombe à 55 %. Au-delà des zones rurales, ce que l’on peut retenir de cette élection, c’est que « l’opposition gauche-droite a été supplantée par un clivage gagnants / perdants de la mondialisation », une dynamique à l’œuvre dans l’ensemble des démocraties mondiales, estime Jérôme Fourquet. « La question de la mobilité géographique va devenir centrale dans nos sociétés », prévoie-t-il. Et si Emmanuel Macron l’a emporté grâce à l’optimisme qu’il a su incarner auprès d’une société française divisée, son enjeu sera désormais « d’insuffler cet optimisme au plus profond des territoires ».