Grandes cultures
La douceur stimule et réveille les insectes

Le retour de températures douces, après une décade hivernale, a réveillé de nombreux insectes, en particulier des ravageurs du colza… Tour d’horizon pour les identifier, mesurer la pression et la nuisibilité, pour éventuellement traiter en cas de nécessité.

La douceur stimule et réveille les insectes
Charançons de la tige du colza (nuisibles) en plein accouplement.

La belle remontée des températures, depuis la mi-février, a déclenché le redémarrage de la végétation… Ainsi, la croissance des colzas, qui entrent dans la phase d’élongation, est assez spectaculaire. Notamment quand ils ont bénéficié d’un apport d’azote. Cette douceur printanière précoce a aussi des conséquences sur les populations d’insectes. « On trouve de tout dans les cuvettes de piégeage, note Émeric Courbet, technicien de la chambre d’agriculture de Haute-Saône, en charge du dossier grandes cultures, charançons, grosses altises, méligèthes, baris, thrips. » Pas question pour autant de mettre tous ces animaux dans le même sac. Certains sont parfaitement anodins – tels les méligèthes à ce stade - d’autres peuvent provoquer d’importants dégâts, et pour une dernière catégorie, enfin, le mal est déjà fait ! Le principal problème sur les cultures de colza actuellement, c’est le charançon de la tige. Pas celui du bourgeon terminal, ni celui de la tige du chou.

Distinguer les différents charançons

« Le charançon de la tige du chou est considéré peu nuisible même si nous pouvons retrouver des larves dans les tiges. Les deux espèces arrivent quasiment ensemble dans les pièges d’où l’intérêt de bien suivre et identifier ce qu’il y a dans les cuvettes jaunes », explique Laurent Ruck, de Terres Inovia. Pour vérifier, il faudra peut-être sortir une loupe… « Le charançon de la tige du colza est le plus gros des charançons rencontrés sur colza. Il a une forme ovale, une couleur "gris cendré" et le bout des pattes est noir. Le charançon de la tige du chou s’en distingue par son corps recouvert d’une abondante pilosité rousse puis grise. On peut distinguer une tache blanchâtre entre le thorax et l’abdomen, bien visible sur le dos, et surtout l’extrémité de ses pattes est brun orangé (rousse). »
« Le vol de charançons a débuté. Les zones à risque sont déjà identifiables grâce aux cuvettes », poursuit Émeric Courbet. Terre Innovia confirme : « le vol intervient dès que la température de l’air dépasse 9 °C. Il se généralise avec des températures supérieures à 12-13 °C. Si les températures redeviennent défavorables, les charançons retournent s’abriter dans le sol, mais restent actifs si la température est supérieure à 6 °C. Les zones ou parcelles abritées du vent subissent généralement les premiers vols. Les températures douces actuelles sont donc favorables à une arrivée massive en parcelles ».
Pourquoi cet intérêt pour le charançon de la tige du colza en particulier ? C’est égard à son potentiel de nuisance. « Depuis deux ou trois ans, on a une explosion des dégâts : c’est le fruit d’une conjonction entre la pression plus forte dans des secteurs où cet insecte pullule et son arrivée à un stade sensible, le début de l’élongation. C’est un insecte piqueur. Ses piqûres provoquent d’importantes déformations de la tige, jusqu’à l’éclatement. Au final, moins de fleurs, des défauts d’alimentation hydrique des feuilles et des gousses… et des potentiels de rendement très entamés, avec des récoltes à 10-15 qx/ha là où on pouvait en espérer 25 », précise Émeric Courbet.

Une ponte préjudiciable à l’alimentation de la plante

Le risque potentiel pour la plante débute à l’apparition des premiers entre-nœuds (passage de C1 à C2) et se termine à la fin de la montaison (stade E). En effet, l’adulte n’est pas directement nuisible, mais l’introduction des œufs dans la tige provoque une réaction qui conduit à la déformation, voire à l’éclatement des tiges. La ponte désorganise les tissus, perturbe l’alimentation ultérieure des plantes, occasionne de la verse et des avortements de boutons floraux. « Les pertes de rendement sont aggravées en cas de stress hydrique au printemps ou d’attaques de méligèthes », poursuit Laurent Ruck.
Par chance, le charançon de la tige du colza est assez facile à exterminer, puisque tous les insecticides sont efficaces contre ce nuisible. Pas question pour autant de se ruer sur les pulvérisateurs pour traiter ! « L’impasse est possible lorsque les captures de gros charançons du colza sont nulles ou inférieures à 5 charançons de la tige. Si vous n’avez pas mis de cuvette, il est possible de surveiller les piqures sur tiges en fin de semaine », prévient Émeric Courbet. « Pour celles et ceux qui n’ont pas le temps de surveiller les cultures, le traitement sera à positionner en fin de cette semaine. En effet, vu les températures douces annoncées jusqu’à vendredi, le dépôt de ponte pourrait être rapide et plutôt intense. Si les larves de grosses altises n’ont pas été gérées à l’automne, prévoir Boravi WG1 à 1.5kg/ha + NeutralOptima 0,1 % pour traiter les larves de grosses altise et adultes de charançon de la tige. Ne pas mélanger le bore avec le Boravi. Prévoir un insecticide classique et peu cher pour traiter uniquement le charançon de la tige. Et surtout, laissez des témoins non traités ! »
AC