FRSEA et les JA Bourgogne Franche-Comté
« Vous avez dit nouveau FEADER 2023-2027 ? » : 7.000 dossiers en souffrance, manque de visibilité sur le calendrier, grilles de sélection exluantes, appels à projets à relancer…

Depuis le 1er janvier 2023, les Régions ont repris les compétences pour la gestion des aides non-surfaciques du Feader, en particulier toutes les aides aux investissements avec la DJA, les aides pour les bâtiments, la diversification, le matériel ou les industries agroalimentaires. Ces dispositifs étaient auparavant gérés par les DDT. Ils sont maintenant entre les mains des services des Conseils régionaux. La liste des problèmes est longue : 7.000 dossiers en souffrance, manque de visibilité sur le calendrier, grilles de sélection excluantes, appels à projets à relancer… 

« Vous avez dit nouveau FEADER 2023-2027 ? » : 7.000 dossiers en souffrance, manque de visibilité sur le calendrier, grilles de sélection exluantes, appels à projets à relancer…
Le sujet des Dotations jeunes agriculteurs (DJA) sera à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale des JA71, le 17 mars à Ecuisses.

Deux mois après le transfert : où en est-on ? Une fois n’est pas coutume, une rencontre pour le nouveau Feader 2023-2027 Bourgogne Franche-Comté s’est déroulée sur le terrain. Devant les inquiétudes face à la mise en place des nouvelles mesures du Feader, pour 2023-2027, il a semblé nécessaire de faire un point sur ce plan qui concerne directement les agriculteurs (-trices) de notre région.

Aussi, le 21 février dernier, Christophe Chambon, président de FRSEA BFC et Florent Point, président des JA BFC, ont donc invité les vice-présidents de la Région : Patrick Molinoz, chargé des politiques européennes, et Christian Morel, chargé de l’agriculture, mais également Jérôme Durain, président de groupe de la majorité régionale, accompagnés des services Europe et agriculture, à venir sur une exploitation.

L’objectif était de bien mettre en évidence les difficultés rencontrées par cette nouvelle programmation et d’expliquer les conséquences directes des orientations prises en matière d’installation, de modernisation et d’accompagnement des exploitations.

En effet, parfois, quand les messages ont du mal à être pris en compte, il est utile de regarder concrètement les conséquences pratiques des orientations retenues.

À quelques dizaines de kilomètres de Dijon, c’est finalement Nathalie Mairet et son frère Jean-Louis (Gaec en production laitière sur la commune de Turcey en Côte-d’Or) qui ont bien voulu se prêter à l’exercice et accueillir, ainsi, une trentaine de personnes dont la directrice de la Draaf, Marie-Jeanne Fotré Muller qui a pu apporter les informations complémentaires liées à cette nouvelle programmation, gérée au niveau national par le ministère de l’Agriculture.

Un exemple concret démontrant l’injustice

Parfois, un bon exemple vaut mieux qu’un long discours ! Nathalie Mairet présentait le Gaec : « Nous nous sommes installés, avec mon frère, en 1997. C’était deux installations dans le cadre familial, avec la reprise de la ferme des parents. Avec deux BTS en poche, deux Dotations jeunes agriculteurs (DJA) et les prêts bonifiés, au départ, nous avions 45 vaches laitières et le lait était livré chez Senoble. Aujourd’hui, nous exploitons 159 ha dont 105 ha de prairies permanentes. Nous avons 90 vaches laitières qui produisent 700.000 litres de lait livrés à la fromagerie Delin. Au niveau des pratiques, nous sommes en cours d’agrément HVE 3 (Haute valeur environnementale niveau 3, le plus élevé, NDLR). Nous respectons la charte des bonnes pratiques en élevage. Nous récupérons les eaux propres des lavages du tank et de la machine à traire pour les quais et la salle de traite. Nous récupérons la chaleur du refroidisseur du tank pour chauffer l’eau ». Et d’expliquer ensuite le projet de l’exploitation d’augmenter le cheptel pour avoir une exploitation viable et vivable. « Aujourd’hui, la machine à traire est à bout de souffle. Nous trayons, matin et soir, tous les jours de la semaine. Notre projet consiste à prévoir l’achat de deux robots, pour nous soulager ! Nous envisageons aussi la mise en place d’une ventilation et l’installation de brosses pour le bien-être des vaches laitières. Nos priorités sont le bien-être de l’éleveur et le bien-être animal ! »

Mais voilà, « avec la nouvelle grille, notre projet totalise 36 points et, dans ce cas, on a peu de chance d’être retenus. Même tonneau, si nous avons un projet d’achat de matériel », déplorait l’agricultrice qui se sent exclue.

Une longue liste de problèmes non réglés

Une liste de sujets est sur la table depuis des mois. La profession ne cesse d’alerter le Conseil régional, sans réponse à ce jour : 7.000 dossiers en souffrance, manque de visibilité sur le calendrier, grilles de sélection excluantes, appels à projets à relancer… Le 25 octobre 2022, FRSEA, JA, FDSEA, Chambres… alertaient déjà la présidente de région en visite à Reclesne et Autun qui renvoyait la responsabilité dans le camp de l’État, déplorant « l’absence de réponses » notamment sur les transferts d’agents pour gérer les dossiers.

C’est pourquoi après la présentation de l’exploitation, la délégation rejoignait la salle communale de Blaisy-Bas, pour aborder à nouveau l’ensemble des différentes questions et problèmes en suspens.

Être ou ne pas être dans les grilles

Pour tenir compte de la diversité des situations, des ajustements seraient nécessaires sur les grilles de sélection : il faut préciser les règles pour les audits stratégiques, revoir le critère des zones en déprise, prendre en compte les mises aux normes à faire dans les nouvelles zones vulnérables, sans oublier la certification HVE 3 ou les projets individuels, portés par des agriculteurs dans le cadre de la diversification.

« Toutes ces questions ne sont pas encore réglées » reconnaît Christian Decerle, président de la Chambre régionale d’agriculture, mais il précise : « il faut reconnaître que des avancées ont été obtenues, comme une meilleure prise en compte des conditions de travail ».

Au sujet des zones en déprise, Patrick Molinoz admet qu’« il semblerait plus juste de prendre la carte de la déprise laitière pour les projets laitiers que celle de l’évolution de la population ».

Dans la foulée, Christian Morel assure que « les grilles envisagées ne sont pas parfaites, mais qu’elles pourront être réajustées si on s’aperçoit qu’elles sont discriminantes ».

Thomas Lemée, secrétaire général des JA BFC, rappelle que ces critères semblent anodins pour certains « mais, quand un exploitant est en dehors des grilles, il est en dehors et il ne peut pas bénéficier des aides ».

Appels à projets en avril pour les JA et mi-mai pour les autres

Si des ajustements restent encore à trouver sur les grilles de sélection, les annonces pour les appels à projets sont plus précises.

« Finalement, il y aura bien un appel à projets bâtiments, en avril pour les JA, et des appels à projets sur l’ensemble des mesures, à la mi-mai » annonce Gilles Da Costa, directeur général de la Région, en précisant également que « les dossiers n’ayant pas pu faire un audit stratégique et qui auraient été exclus de l’appel à projets seront pris en charge, sur des fonds régionaux, dans le cadre d’un appel à projets au mois de juin ».

La dernière question à clarifier

Lors du transfert des compétences, plus de 7.000 dossiers ont été transférés. Ces dossiers, de la dernière programmation 2014 -2022, concernent le paiement des acomptes et des soldes des différentes aides attribuées (DJA, bâtiments d’élevage, diversification…). Il sera nécessaire d’obtenir un échéancier précis, pour que les personnes concernées ne puissent pas être doublement pénalisées par ces retards de paiements.

Christophe Chambon a apprécié cette journée d’échanges et de dialogue qui était nécessaire. Elle permet d’expliquer le point de vue des agriculteurs qui ont besoin de ces dispositifs pour s’adapter aux nouvelles contraintes.

Qui sait, des évolutions seront peut-être annoncées au Salon de l’agriculture à Paris par la présidente de Région Marie-Guite Dufay ? Affaires à suivre.